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37 ans après sa mort, Slimane Azem sera honoré par la France

37 ans après sa mort, Slimane Azem sera honoré par la France

Bel hommage posthume à Slimane Azem. Près de quatre décennies après sa mort, le chanteur algérien figure parmi une liste de 24 personnalités historiques qui seront honorées par les autorités françaises.

Le président Emmanuel Macron avait proposé, vendredi dernier, la création d’un catalogue de plusieurs centaines de personnalités ayant contribué à l’histoire de la France pour « qu’on puisse ensuite décider d’en faire des rues, des statues ».

Le célèbre chanteur et poète kabyle figure donc dans la première liste, publiée par le Journal du Dimanche, aux côtés de trois autres Algériens et d’autres personnalités africaines et françaises. Un sixième des premières personnalités retenues sont donc des Algériens, démontrant tout l’apport de l’immigration algérienne à l’essor de la France dans tous les domaines.

Le parcours de Slimane Azem est émouvant. Né en 1918 à Agouni Gueghrane, en Kabylie, il a émigré en France très jeune, en 1937. Mobilisé puis réformé au début de la deuxième guerre mondiale, il s’installe à Paris où il entame sa carrière de chanteur, dans les cafés de la communauté kabyle. Bien qu’ayant composé des chants patriotiques pendant la guerre de libération en soutien à son peuple en lutte, il sera banni après l’indépendance pour ses positions critiques vis-à-vis du pouvoir.

Chanteur engagé, Slimane Azem est également un pionnier de la revendication identitaire berbère. Ne pouvant rentrer en Algérie, il s‘est installé dans la petite ville de Moissac (sud de la France).

Il y est mort et enterré en 1983, laissant un riche répertoire. Slimane Azem a chanté l’exil, la condition des travailleurs émigrés, dénoncé le colonialisme et montré la voie de la lutte pour ressusciter la culture amazighe.

Il a aussi chanté sa douleur de ne plus pouvoir revoir sa terre, notamment dans son tube passé à la postérité, Algérie mon beau pays. Sous le parti unique, ses disques et cassettes circulaient sous le manteau jusqu’aux années 1990 où ses chansons ont enfin pu être diffusées à la radio (chaîne 2 kabyle notamment).

Aujourd’hui, son aura auprès de la jeunesse, qui ne l’a pourtant pas connu, est inégalable. Il est considéré comme l’icône incontestée de la chanson kabyle et l’un des pionniers de la revendication identitaire de la lutte contre l’autoritarisme et pour une reconnaissance pleine de l’identité amazighe.

Le sort qui lui a été réservé symbolise également les injustices qu’ont subies bien des artistes et militants sous le règne du parti unique en Algérie. En Kabylie notamment, de nombreux lieux publics portent son nom en reconnaissance à son parcours. Dans la ville de Moissac aussi, où il a fini sa vie, une place porte son nom.

Un nageur, un polytechnicien et soldat également dans la liste

Les autres Algériens qui seront honorés sont le nageur Alfred Nakache, le polytechnicien Chérif Cadi et le soldat Ouassini Bouarfa. Nakache est né en 1915 à Constantine et est décédé en 1983 en France. Champion de France et d’Europe de natation, il a été déporté pendant la seconde guerre mondiale.

Chérif Cadi, natif de Souk Ahras en 1867, fut le premier Algérien à entrer à l’Ecole Polytechnique en 1887, après avoir été l’un des tous premiers parmi ses concitoyens à arracher le baccalauréat mathématiques en 1885.

Egalement premier officier supérieur « indigène », il quittera l’armée française en 1925 avec le grade de lieutenant-colonel et l’amertume de n’avoir pas pu avoir le grade supérieur (colonel) à cause de ses origines, et ce malgré son niveau d’instruction et ses états de services notamment au cours de la première guerre mondiale. Le soldat Ouassini Bouarfa est, lui, un héros du second conflit mondial. Il était le seul étranger dans le premier commando français ayant débarqué le 6 juin 1944 en Normandie.

Le Marocain Hammou Moussik figure également dans la liste pour son rôle dans la libération de la Corse pendant la seconde guerre mondiale, ainsi que deux Sénégalais, l’ancien président du Sénégal Léopold Sédar Senghor et l’ancien dirigeant de l’Olympique de Marseille Pape Diouf, récemment décédé du Covid-19.  Des grands noms du cinéma français et mondial comme Luis de Funès et Lino Ventura sont également concernés.

« Il y a toute une part de notre Histoire qui parle à une jeunesse qui est noire ou maghrébine, et ils ont leurs héros. Simplement, on ne les a pas reconnus, on ne leur a pas donné une place », a expliqué le président français dans un entretien au site Brut, exprimant le vœu de voir « une forme d’appel à la contribution collective » pour avoir « 300 à 500 noms et qu’on ait ce catalogue d’ici à mars et qu’on en fasse des noms [de rues] et des statues».

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