Bien qu’inégalement réparties à travers le pays, les dernières pluies ont éloigné le risque de sécheresse en Algérie.
Elles ont été particulièrement bénéfiques pour les céréales. L’espoir est de mise après une campagne céréalière 2023 désastreuse du fait d’une sécheresse mémorable. Bon nombre d’agriculteurs n’avaient alors rien récolté. Est ce dire que le succès de la campagne 2023-2024 est assuré ?
La sécheresse de l’année passée s’est traduite par une augmentation des importations de céréales de l’Algérie.
Au mois de février le Département américain de l’agriculture (USDA) indiquait dans son rapport qu’en Algérie, les importations de blé sont attendues à 8,7 millions de tonnes en 2023/2024 ce qui représente une hausse de 7,4 % par rapport à la campagne précédente.
Cette situation a entraîné un soutien des pouvoirs publics sous la forme d’indemnités aux exploitations touchées par la sécheresse.
Les agriculteurs algériens ont bénéficié de semences et d’engrais gratuits ainsi que du report des échéances de leurs emprunts auprès de la banque agricole (Badr).
Les pluies actuelles présentent un gradient d’Est en Ouest. Le 28 février, il est tombé 61 mm à Bouira, mais 8 mm à Sidi Bel-Abbès et seulement 4 mm à Tiaret.
Auparavant, à la mi-février les images satellites de la Nasa laissaient apparaître une large bande de végétation de couleur marron depuis le Maroc jusqu’à l’Ouest de l’Algérie, témoin d’une végétation en cours de dessèchement.
Aujourd’hui en Algérie, le reverdissement est notable. Il apparaît au niveau des parcelles auparavant en souffrance.
C’est le cas à Chlef où sur les réseaux sociaux la page Tout sur l’agriculture en Algérie met en ligne deux photos d’un même champ de blé à 15 jours d’intervalle.
La première date du 16 février dernier avec des signes inquiétants de plantes en cours de dessèchement alors que la seconde en date du 2 mars montre la parcelle d’un vert resplendissant.
Les céréales présentent en effet une capacité de récupération extraordinaire, notamment en produisant de nouvelles tiges.
Partout en Algérie actuellement la végétation explose de vigueur.
Avec les pluies revenues et des températures plus clémentes, la végétation s’emballe car favorisée par des jours qui rallongent.
Sur les réseaux sociaux les témoignages se succèdent avec à Constantine et Sétif des blés en stade de début montaison dont la hauteur atteint le genou.
Plus au sud, c’est le cas de la ferme Saâdallah Ammar dans la commune de Mlili (Biskra), où grâce à l’irrigation, les épis de triticale sont aussi longs que la longueur d’une main. Toujours au sud sous pivot d’irrigation, le blé arrive à la taille de Mohamed Djeddi.
Stocker plus d’eau dans le sol
Mais rare sont au nord les parcelles qui disposent d’irrigation. Aussi, partout au Maghreb des essais sont en cours pour rechercher des variétés résistantes à la sécheresse et pour moderniser les pratiques d’arido-culture ou dry-farming.
Suite aux récentes pluies qui ont touché l’Algérie, le sol est à sa capacité maximale de rétention d’eau. Aussi, le défi des agronomes est d’arriver à ce que le sol conserve le maximum d’eau jusqu’à l’épisode pluvieux suivant.
Des épisodes pluvieux de moins en moins nombreux suite au réchauffement climatique. Quant aux sols, ils n’ont pas tous la même capacité à emmagasiner de l’eau.
Certains sols sont profonds avec plus d’un mètre de terre tandis que d’autres n’ont qu’une vingtaine de centimètres et reposent sur une couche calcaire.
Aussi, différentes voies sont-elles explorées : augmentation du taux de matière organique du sol pour bénéficier de son rôle d’éponge ou utilisation d’outils de travail du sol préservant l’humidité emmagasinée en profondeur.
La matière organique du sol est capable de retenir 5 à 6 fois son poids en eau. Aussi, dans de nombreux pays, les pailles sont broyées et retournées au sol.
Cependant, ce n’est pas le cas en Algérie, car cette paille sert de fourrage aux moutons.
Un moyen pratique serait d’implanter de la luzerne durant plusieurs années comme en Tunisie où des essais en sec ont montré son rôle bénéfique pour le blé qui suit. D’autres essais en Tunisie visent à cultiver des fourrages ou du blé dans de la luzerne.
À Bouira, Mohsen Dahmani teste le Polyter, un hydro-rétenteur biodégradable qui a la capacité de retenir l’eau en formant un gel aqueux autour des racines.
Lors du semis, il suffit de mélanger aux semences de blé les grains de Polyter de couleur blanche. La parcelle traitée présente un meilleur aspect que la parcelle témoin non traitée.
Ailleurs, d’autres essais concernent le type d’outils. Sur 7 outils utilisés dans une même parcelle, le rendement en blé a varié de 19 à 24 quintaux.
Dans un autre essai, en 1987 avec 300 mm de pluie, les rendements obtenus plafonnent à 19 quintaux avec labour contre 30 quintaux pour le semis direct.
L’année suivante avec des précipitations de 180 mm, l’utilisation de la charrue s’est soldée par un rendement nul contre 19 quintaux avec semis direct.
Reste à traduire au niveau des exploitations agricoles, ces essais menés en station expérimentale.
Résorber les terres en jachère
Autre stratégie, mieux exploiter la saison des pluies des mois d’octobre à mai en travaillant l’ensemble des surfaces agricoles.
Car jusqu’à présent, 40 % des terres à céréales en Algérie sont laissées chaque année en « repos » sous forme de jachère.
Encore faut-il assurer les besoins accrus en matériel qu’impliquerait leur mise en culture et trouver les alternatives appropriées de remplacement car bien désherbée, une jachère en sol profond peut effectivement emmagasiner de l’eau.
Sur ces jachères, traditionnellement les moutons pâturent une maigre flore naturelle.
À Constantine, quelques agriculteurs pionniers apportent des engrais azotés ce qui triple la biomasse de cette flore naturelle ou comme encourage Mohamed Haroun, introduisent du méteil, un mélange fourrager beaucoup plus productif.
Autre stratégie, le développement de la culture des légumes secs (lentilles et pois-chiche) comme l’encourage depuis cette campagne l’Office algérien interprofessionnel des céréales.
Face aux épisodes de sécheresse, la réponse des services agricoles est en général de recourir à l’irrigation d’appoint.
Cependant cette solution n’est pas à la disposition de toutes les exploitations. Puis, où trouver toujours plus d’eau alors qu’en Algérie le secteur agricole utilise déjà 70 % de cette ressource et plus de 87 % au Maroc ?
Cultiver du blé dur en agriculture pluviale reste possible mais requiert aujourd’hui au niveau des exploitations des moyens matériels et une technicité qui font actuellement défaut de façon criante.
Les stratégies sont donc variées, cependant leur application demandera un accompagnement technique plus pointu des exploitants.