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Algérie – France – Maroc : le discours à géométrie variable de Sarkozy

Algérie – France – Maroc : le discours à géométrie variable de Sarkozy

Nicolas Sarkozy encense le Maroc et son roi Mohamed VI tout en critiquant l’Algérie. L’ancien président français estime que pour rétablir la relation entre son pays et le royaume maghrébin, il faut abimer celle qu’entretient la France avec l’Algérie.

Pour lui, la recette est simple. Dans son dernier livre « Le temps des combats » qui est sorti en librairie cette semaine en France, Sarkozy exprime ouvertement sa « nostalgie » de la qualité des relations entre Paris et Rabat du temps où il était au pouvoir. Notamment en 2011 après l’attentat qui avait eu lieu à Marrakech, faisant 16 morts dont huit ressortissants français.

« Le souvenir, écrit-il, de cette période me rend d’autant plus nostalgique quand je constate la lente dégradation des relations franco-marocaines depuis une dizaine d’années ».

Une dégradation qu’il impute à ses successeurs, François Hollande et Emmanuel Macron qui se sont employés à normaliser les relations algéro-françaises malgré des turbulences cycliques qui les ont marquées, liées notamment au contentieux mémoriel et à la politique des visas.

« Cette situation est d’abord la conséquence de l’entêtement de mes deux successeurs à vouloir à tout prix surjouer et surinvestir sur la relation avec l’Algérie », critique Sarkozy.

Pour lui, il s’agit d’une « erreur stratégique », car le pouvoir algérien, ajoute-t-il, dont la « légitimité démocratique est faible, a besoin d’un adversaire pour exister, et celui-ci ne peut être que la France, dont le passé colonial fait une cible facile ».

« Comme si cette dernière pouvait être responsable des échecs de l’Algérie tout au long de ces six dernières décennies », ajoute-t-il.

Réputé pour ses discours à la carte, ses incantations, ses contradictions et sa proximité avec le Maroc, Nicolas Sarkozy, dont l’histoire retiendra sa responsabilité dans le chaos libyen, estime que la relance des relations entre Alger et Paris est tributaire d’une « démocratisation de l’Algérie », comme si le Maroc, qui est une monarchie médiévale où le roi détient tous les pouvoirs, était un modèle en la matière.

Algérie – France – Maroc : Nicolas Sarkozy encense Mohamed VI

Il fait même l’impasse sur le scandale Pegasus où le Maroc est accusé d’avoir commis un acte grave en espionnant le téléphone du président Emmanuel Macron. Une affaire qui est en partie à l’origine du froid qui s’est installé entre Paris et Rabat.

« Tant que ce pays ne sera pas doté d’un gouvernement réellement représentatif de la population et pas seulement des factions qui dominent l’armée, la relation franco-algérienne demeurera une impasse. Nous n’avons pas les moyens de prétendre à être proches de tous les pays du monde. Une diplomatie efficiente impose de faire des choix. De mon point de vue, ils sont évidents », écrit Sarkozy comme pour réitérer son plaidoyer en faveur d’un rapprochement entre la France et le Maroc au détriment de l’Algérie.

Nicolas Sarkozy passe l’éponge sur le scandale d’espionnage Pegasus et suggère à la France de se soumettre aux exigences du Maroc en abîmant sa relation avec l’Algérie et en reconnaissant la « souveraineté » marocaine sur le Sahara occidental comme l’a fait Israël et l’administration Trump.

Car depuis la normalisation de sa relation avec Israël en 2020, le Maroc ne cesse de bomber le torse vis-à-vis des pays européens, dont la France. Rabat a réussi à faire céder l’Espagne sur la question sahraouie en utilisant le chantage à l’émigration. Avec la France, le Maroc s’appuie sur l’espionnage et l’influence de son lobby dans ce pays pour obtenir ce qu’il veut, à savoir la reconnaissance de la colonisation du Sahara occidental.

Tout en plaidant pour une réconciliation immédiate et sans préalables avec le Maroc, Nicolas Sarkozy pose des conditions pour « construire l’avenir » avec l’Algérie.

« Puis, quand l’Algérie sera prête à renouer des liens avec la France sur une base claire, décomplexée et confiante, il sera possible de construire un avenir sur les ruines de cette trop longue période postcoloniale », soutient-il. Ce n’est pourtant pas ce qu’il demande au Qatar, à l’Arabie Saoudite, aux Emirates ou encore à certains régimes autoritaires d’Afrique.

Dans son livre, tout critiquant l’Algérie, Nicolas Sarkozy n’a pas tari d’éloges sur le Maroc, les Marocains et le roi Mohamed VI qu’il considère comme un « descendant direct du Prophète ».

Ce qu’a dit écrit Nicolas Sarkozy ne constitue pas une surprise. D’abord, ça s’inscrit dans la continuité des attaques de la droite contre Emmanuel Macron pour sa politique au Maghreb. De nombreuses voix à droite ont réclamé un rééquilibrage de la relation de la France en faveur du Maroc et au détriment de l’Algérie. Le chef des Républicains (droite) Eric Ciotti a même dit qu’il reconnaissait la marocanité du Maroc sur le Sahara occidental.

L’ex-président français restera comme le président français qui aura sans doute le plus abîmé la relation algéro-française. En l’espace d’un mandat, 2007-2012, Nicolas Sarkozy avait réussi à briser ce que son prédécesseur, Jacques Chirac, avait construit laborieusement quelques années plus tôt.

Malgré une loi polémique sur la colonisation adoptée en 2004 qu’il suspendra en 2006, une disposition glorifiant le « rôle positif de la colonisation », Jacques Chirac réussit à insuffler une dynamique aux relations algéro-françaises comme nul autre pareil avant lui en s’employant notamment à établir un partenariat d’exception entre les deux pays. Un vœu qui n’a cependant pas abouti.

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