Algérie : les nouvelles règles plombent le marché immobilier
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Algérie : le marché immobilier tourne au ralenti

En Algérie, le marché immobilier est en crise. Depuis le début de l’année, les ventes se font rares et les agences immobilières se plaignent.

Algérie : le marché immobilier tourne au ralenti
Vendre ou acheter un bien immobilier relève souvent du parcours du combattant | ID 398642309 © mehdi33300 | Dreamstime.com
Kenza Adil
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À Alger, le marché immobilier a du plomb dans l’aile. Un immobilisme qui inquiète les professionnels du secteur.

Vendre ou acheter un bien immobilier relève souvent du parcours du combattant. En cause, les crocs-en-jambe des courtiers qui concurrencent les professionnels de l’immobilier, mais pas que.

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Les nouvelles modalités de paiement par chèque imposées par l’État pour toute transaction immobilière depuis janvier dernier étouffent ce secteur, selon les professionnels.

Pour prendre le pouls de ce marché, TSA s’est rapproché de quelques agents immobiliers.

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Exit les ‘chkaras’ de billets, place au chèque

C’était une tradition dans notre pays. Les gens débarquaient chez le notaire avec un sac noir « chkara » rempli de billets pour s’acquitter du prix d’un appartement, d’une villa ou d’un studio.

Depuis le début de l’année 2025, cette méthode de paiement n’est plus possible.  La Loi de finances 2025 interdit les espèces dans les transactions immobilières en Algérie.

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Désormais, les règlements doivent être effectués autrement : virement bancaire ou chèque certifié. Cette mesure visant à lutter contre le blanchiment d’argent a ralenti les transactions immobilières, comme nous avons pu le constater auprès des professionnels de ce secteur.

Hakim Aoudat gère l’agence immobilière Transiko à Kouba depuis de nombreuses années. Il reconnaît que l’activité du secteur immobilier en Algérie est en veilleuse.

« Depuis janvier dernier, le secteur est en perte de vitesse. Soumis à l’obligation d’émettre des chèques, les clients qui ont beaucoup de cash à la maison ne peuvent pas les injecter dans le circuit formel, en banque.  Aussi renoncent-ils à effectuer des transactions de ce genre », explique-t-il.

Et d’ajouter : « Comme le président l’a déclaré à plusieurs reprises, plus de 90 milliards de dollars circulent sur le marché noir. Il faudrait trouver le moyen de réinjecter ces sommes faramineuses dans le circuit bancaire ».

Les courtiers numériques

Les produits en vente ou en location s’amenuisent comme peau de chagrin.  Hakim Aoudat pointe du doigt les courtiers ou ce qu’on appelle les « smasria ».

« Il ne leur suffisait pas de nous chiper notre clientèle au seuil de nos agences ! Maintenant, ils font leur business sur les réseaux sociaux. TikTok, Facebook et Instagram sont devenus leurs bureaux virtuels. Pendant que nous payons des charges de locations et réglons nos impôts rubis sur ongle, ils font leur beurre sans payer un kopeck. Il ne nous reste sur les bras que les biens qui ne trouvent pas preneurs. Les bonnes affaires, ce sont eux qui se les accaparent », s’indigne l’agent immobilier.

La solution ? « Je pense qu’il faudrait revenir à la déclaration totale : réévaluer le parc immobilier pour ne pas léser les vendeurs avec l’ISPV (l’impôt sur la plus-value) qui est de l’ordre de 15 %. Pour restructurer ce marché, il est impératif que les professionnels du domaine reprennent les choses en main. Il faut que l’État intervienne pour freiner la concurrence déloyale que nous infligent les « smasria » et instaurer le passage obligatoire de toute transaction chez les agents immobiliers ».

Le marché locatif ne connaît pas la crise

Même son de cloche chez l’agence immobilière Anis, située à Bordj El Kiffan. Hamaïli Tahar, le propriétaire (74 ans) évoque un ralentissement des activités, notamment la vente et l’achat des biens mobiliers.

« Les courtiers s’installent devant le café face à mon agence. Dès qu’un potentiel client se dirige vers mon local, ils l’accostent et le détournent, dénonce-t-il. Je ne vends plus rien depuis des mois. Celles qui sortent leur épingle du jeu, ce sont les promotions immobilières, notamment de la banlieue est d’Alger : Dar El Beida, Bab Ezzouar, Bordj El Kiffan, Bateau Cassé, Bordj El Bahri.  Ce qui sauve mon activité et me permet de survivre, c’est uniquement le marché locatif. Ce secteur ne connaît pas la crise ».

Quartiers huppés de la capitale

La Résidence, une agence située à Hydra spécialisée dans la vente et la location de biens situés dans les quartiers chics de la capitale, a connu un fort ralentissement de son activité.

Gérée par Samira Zebentout, cette enseigne avait un portefeuille client solide avant une chute vertigineuse survenue dès janvier dernier.

« Désormais les clients ne se bousculent plus à nos portes. Beaucoup d’entre eux avaient l’habitude de payer en espèces. Avec les nouvelles modalités sur l’immobilier, les ventes ont connu un coup d’arrêt », témoigne-t-elle.

La gérante impute la raréfaction de la clientèle à un autre facteur : les procédures d’accord de crédit bancaire sont trop lentes. « Elles peuvent durer jusqu’à 8 mois. Les vendeurs ne sont pas prêts à patienter tout ce temps et annulent la vente de leur bien immobilier », explique-t-elle.

La diaspora mise sur l’immobilier

Depuis peu, les Algériens de l’étranger privilégient la pierre comme valeur refuge en Algérie.

Depuis que l’État algérien a mis en place des mesures pour faciliter l’investissement de la communauté à l’étranger dans l’immobilier en Algérie, notamment par le biais de virements bancaires depuis l’étranger, les expatriés orientent leurs capitaux vers le logement pour investir ou avoir un pied à terre dans le pays de leurs origines.

« La diaspora est présente en force sur ce marché, notamment les Franco-Algériens. Ils investissent dans l’achat de résidences haut standing réalisées par des promoteurs privés. D’ailleurs, 80 % de notre chiffre d’affaires se fait avec les émigrés », nous dit la gérante de La Résidence.

Cette agence fait face à d’autres contraintes aussi bien pour la vente que pour la location. En cause : l’obligation pour les clients (nationaux et étrangers) d’obtenir une autorisation nominative préalable des services de sécurité.

« Cela concerne tous les quartiers situés sur les hauteurs d’Alger comme Hydra, El Biar, le Golf, Ben Aknoun et même Alger-Centre », explique la gérante. « Le feu vert n’est accordé qu’au bout de 6 mois, refroidissant les éventuels clients qui finissent par renoncer à leurs projets ».

Chez les notaires, les acheteurs et les vendeurs ne se bousculent pas.

« Aujourd’hui, si vous faites une ou deux ventes par mois, c’est énorme. Le rythme a beaucoup baissé depuis le début de l’année en raison de la nouvelle loi sur le paiement, mais aussi à cause de la crise. Ceux qui ont thésaurisé de l’argent ne veulent pas le mettre dans les banques qui sont devenues très exigeantes en matière de l’origine des fonds », explique un notaire.

En Algérie, la suppression du cash dans le paiement a entraîné une baisse des opérations dans le marché immobilier. Un marché structuré depuis janvier dernier afin de lutter contre le marché informel et l’évasion fiscale.

Selon la Fédération nationale des agences immobilières (FNAI), ces nouvelles dispositions devraient conduire à une stabilisation, voire à une baisse des prix des biens immobiliers.

En attendant, les clients sont rares à franchir le seuil des agences immobilières, happés par les courtiers. Des méthodes déloyales, dénoncées par les professionnels de ce secteur aujourd’hui en souffrance.

TSA +