
Le diplomate et ancien ministre algérien Abdelaziz Rahabi a jugé « curieuse » l’initiative des États-Unis pour réconcilier l’Algérie et le Maroc qui a été annoncée par Steve Witkoff, conseiller du président américain Donald Trump.
Dans un entretien à CBS publié dimanche 19 octobre, le conseiller de Trump pour le Moyen-Orient a déclaré que son équipe travaillait sur un « accord de paix d’ici 60 ans jours » entre l’Algérie et le Maroc.
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Pour l’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid, cette « curieuse initiative » est difficile de « qualifier tant l’Algérie n’a pas été formellement associée à ce qui peut relever de l’activisme débordant du président Trump et de la diplomatie du Deal »
« Ce qui a l’apparence de bons offices entre l’Algérie et la Maroc est dans la réalité une opération d’influence coordonnée entre les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne au Conseil de sécurité qu’ils ont transformé en un outil de validation de leurs positions notamment sur le Sahara occidental », accuse le diplomate algérien dans une contribution intitulée : « Le Sahara occidental et la »diplomatie du Deal » de Trump » publiée mercredi soir sur les réseaux sociaux
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« Esprit colonialiste »
Abdelaziz Rahabi accuse la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne d’avoir élaboré un texte qui octroie au Conseil de sécurité de l’ONU, la « possibilité de transférer la souveraineté sahraouie à la puissance occupante et de présenter cela comme un gage à la normalisation des relations entre l’Algérie et le Maroc ».
Le lien qui est fait entre ces situations procède d’un « esprit néocolonialiste » et « présente à tort » l’Algérie comme partie à cette opération dans laquelle elle « n’a aucun intérêt sauf celui de paraître comme sensible aux pressions étrangères », dénonce Abdelaziz Rahabi.
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Le diplomate algérien rappelle que Paris, est « l’auteur intellectuel et matériel » du « Plan marocain d’autonomie », s’active en « ce moment même à le détailler pour le rendre lisible sur le modèle de celui de la Nouvelle -Calédonie ».
Pour la Grande-Bretagne, Abdelaziz Rahabi ne manque de rappeler l’histoire coloniale qui l’a rattrape avec son changement de position sur le Sahara occidental. Les Britanniques qui ont longtemps défendu l’autodétermination sont « rattrapés par leur propre histoire, c’est pourquoi pour eux comme, tout récemment pour la Russie, une large autonomie peut être considérée comme une forme d’expression de l‘autodétermination », souligne l’ancien ministre de la Communication.
Gibraltar et le changement de la doctrine anglaise
Poursuivant, il rappelle aux Britanniques que Gibraltar est « historiquement une terre espagnole » qui est inscrite à l’ONU depuis 1946 comme « territoire non autonome ». Dans ce contexte, Gibraltar « devrait pouvoir bénéficier légitimement de ce virement de la doctrine anglaise », assène-t-il.
Abdelaziz Rahabi reproche aux États-Unis d’avoir « mis tout leur poids pour organiser une vaste opération » dont l’objectif est de présenter le problème sahraoui comme un « différend algéro-marocain, légitimer l’occupation du Sahara Occidental, aider à stabiliser leur allié marocain, proposer au Polisario une large autonomie ou même une partie de son territoire historique sans consultation du peuple ».
L’ancien ambassadeur d’Algérie à Madrid qui est un fin connaisseur du conflit sahraoui, souligne l’inquiétude des États-Unis devant l’expansion de la Russie et de la Chine en Afrique. « Faute de pouvoir compter sur les modestes moyens » de ses alliés africains qui ont une façade atlantique, les États-Unis « cherchent à s’implanter au Sahel qui est une vaste zone de non droit », qui fait face à une « grande instabilité » et représente une « réelle menace terroriste » pour toute la région, analyse-t-il.
Pour Abdelaziz Rahabi, il est difficile de croire que les problèmes de notre région se « règleront sur le modèle moyen-oriental à coup d’équilibres précaires, de promesses financières, de diplomatie transactionnelle et d’effets d’annonce ».
« Sans des négociations directes et inconditionnelles sous l’égide de l’ONU entre le Polisario et le Maroc , il est irréaliste de croire à une solution juste, durable et définitive de la question sahraouie », tranche-t-il.