Partout en Algérie, les services agricoles sont mobilisés pour le recensement des moutons. L’opération s’accompagne de la pose de boucle d’identification à l’oreille des animaux.
Une opération vivement saluée par les éleveurs. Mais, pourquoi compter nos moutons ?
À Djelfa, en pleine steppe, un vétérinaire tient en main une pince. D’un geste précis, il appuie sur l’outil et fixe une boucle à l’oreille d’une brebis que maintient un éleveur.
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L’animal ne semble pas souffrir de l’opération et il est aussitôt libéré. L’éleveur en attrape un autre dans l’enclos. Un enclos fait d’un simple grillage retenu par quelques piquets.
Tout autour, l’herbe est rare et la blouse blanche du vétérinaire tranche sur l’ocre du sol. À nouveau un coup sec avec la pince et une nouvelle boucle posée.
Avant de poursuivre, chacun prend la pose pour immortaliser l’instant. La photo sera publiée sur les réseaux sociaux et signée Chambre d’agriculture de Djelfa.
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L’opération concerne l’ensemble du territoire national et mobilise les services vétérinaires. Ainsi à Laghouat, une circulaire des services sanitaires de wilaya insiste sur la nécessaire mobilisation de tous les moyens et rappelle que les opérations doivent être clôturées avant la fin de l’année.
Nombre de moutons, sujet évoqué par le chef de l’État
Fin septembre, lors d’une rencontre gouvernement-walis, le flou autour des effectifs ovins en Algérie avait même été évoqué par le président Abdelmadjid Tebboune.
Suite à une instruction du Premier ministre, Aïmene Benabderrahmane, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural avait alors annoncé le lancement d’une vaste opération de recensement du cheptel.
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Des commissions, présidées par les walis et comprennent des représentants des services agricoles, des services vétérinaires, de l’Union nationale des paysans algériens et de la Chambre nationale de l’agriculture ont donc été mises en place.
Au début du mois de novembre, le ministre de l’Agriculture annonçait le futur lancement de l’opération indiquant que s’il le fallait, les marchés aux bestiaux pourraient être fermés.
Connaître les « éleveurs éligibles aux aides de l’État »
Les opérations ont été officiellement lancées non pas à partir du siège du ministère de l’Agriculture, mais à partir de la Chambre nationale d’agriculture.
À cette occasion, comme le rapporte l’agence officielle APS, le secrétaire général du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, Hamid Bensaad, a indiqué que le but était d’assurer la « lutte contre les maladies infectieuses, tout en assurant la traçabilité de chaque produit issu de la ferme afin de protéger la santé du consommateur et de contrôler les mouvements du bétail ».
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De son côté, le président de la Chambre nationale d’agriculture, Yazid Hambli, a estimé que l’opération devrait permettre la participation des éleveurs.
Un signe supplémentaire qui témoigne de « la révolution culturelle » que connaît depuis peu cette structure comme souligne un observateur.
De leur côté, les organisations professionnelles agricoles ont insisté sur l’autre portée du recensement des moutons.
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Pour le président de la Fédération nationale des éleveurs, Djillali Azzaoui, et le président de l’Association nationale des éleveurs de bétail, Hadj Himoune Mustapha, il s’agit surtout de connaître les « éleveurs éligibles aux aides de l’État ».
Vente d’orge à prix subventionné
En Algérie, les éleveurs sont très sensibles aux aides de l’État. Pour les services agricoles, connaître le nombre de têtes possédées par chaque éleveur est primordial.
C’est sur cette base que les éleveurs peuvent acquérir une dotation en orge. Pas n’importe quelle orge, mais des quotas à prix réglementé fournis par les Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS).
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Jusqu’à présent, pour justifier de leur effectif, les éleveurs devaient fournir une attestation provenant des services vétérinaires. En effet, chaque année, les troupeaux doivent être vaccinés aussi les vétérinaires disposent-ils des effectifs précis détenus par les éleveurs.
Les CCLS avaient pris l’habitude de s’appuyer sur ces attestations. Cependant, il semble que de petits malins individus ne possédant pas de cheptel aient pu se procurer des attestations et aient bénéficié de quotas d’orge. Des quotas aussitôt mis en vente sur le marché libre avec une belle plus-value à la carte.
600 moutons l’an passé, mais plus que 400 aujourd’hui
Sur le terrain, les éleveurs se plaignent du coût des fourrages. À Aïn Skhrouna (Saïda), Cheikh Mazouzi, un éleveur confie à Ennahar TV : « L’année dernière j’avais 600 moutons. Aujourd’hui je n’en ai plus que 400 et à ce rythme certainement plus que 300 l’année prochaine ».
En zone steppique, les éleveurs doivent faire face aux sécheresses récurrentes mais également aux opérations de mises en valeur des terres.
Partout se multiplient les labours et les plantations d’oliviers qui diminuent la surface des parcours. Aussi, les éleveurs se rabattent-ils sur l’orge et le son de blé pour compléter la ration des animaux pâturant sur des parcours à la végétation rare.
Flambée du prix de la viande
Cheikh Mazouzi ajoute : « L’année dernière les prix du quintal d’orge a atteint 6000 DA avant de revenir à 4500 DA. Si je n’avais pas vendu 100 à 150 moutons, ces bêtes que vous voyez-là n’auraient pas survécu ».
En zone steppique, en période de soudure, le cheptel ovin ne survit donc que grâce à l’orge et au son de blé. La lutte contre les détournements de quota d’orge s’avère capitale pour les pouvoirs publics.
D’autant plus que le prix de la viande rouge atteint des sommets et que de nombreux consommateurs disent ne plus pouvoir en acheter.
Vers la numérisation de la filière élevage
À elles seules, les boucles posées par les vétérinaires suffiront-elles à connaître le nombre de moutons ? De nombreuses questions subsistent pour pérenniser l’identification des animaux.
Les vétérinaires devront-ils retourner dans les exploitations à chaque naissance ? À l’étranger, c’est l’éleveur lui-même qui pose les boucles de ses animaux.
Comme pour les plaques d’immatriculation des automobiles, chaque boucle comporte le numéro de l’élevage ainsi que le numéro d’ordre de l’animal.
La pose de la boucle est obligatoire avant l’âge de 6 mois. Et lors de déplacements, l’éleveur risque une amende en cas de contrôle routier et d’animaux sans identification.
L’identification du cheptel présente de nombreux avantages. Inscrire ces habitudes dans la durée nécessitera des efforts. Pour la seule éradication de la vente de poulets vivants, il a fallu dix ans note un observateur. Il est à espérer que dans le cas du nombre de moutons les délais soient moins longs…