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Au fait, c’est quoi Yennayer ?

Au fait, c’est quoi Yennayer ?

Source: amazigh-montreal.org
La fête de Yennayer survient au milieu de l’hiver. Les rites qui marquent la célébration de Yennayer varient beaucoup d’une région à une autre, mais il existe un fonds commun de symboles qui sont retrouvés partout et tous rappellent l’abondance et le confort.

Le président Abdelaziz Bouteflika a annoncé, mercredi lors de la réunion du Conseil des ministres, sa décision de consacrer Yennayer journée chômée et payée dès le 12 janvier 2018.

Une fête agraire

Yennayer, qui signifie pour les étymologistes de la langue amazighe « premier mois », marque le début de la nouvelle année chez les amazighs. C’est une fête agraire qui trouve ses origines dans les traditions paysannes des peuples d’Afrique du Nord. Cette fête, qui n’est pas la seule du calendrier agraire amazigh, est fortement liée aux changements de saison. Pour Karim Salhi, enseignant et chercheur au département de langue et culture amazighes de Tizi-Ouzou, Yennayer est « une des portes de l’année, un de ses seuils à travers lesquels on passe d’une saison à une autre, d’un cycle à un autre ».

La fête survient au milieu de l’hiver, une période difficile pour les populations rurales. « Les réserves stockées dans les ikoufan (silos), commencent à s’épuiser, la période des récoltes de l’été est loin tout comme celle du printemps où on peut recommencer à planter, semer et récolter des aliments comme les fèves. Alors, les gens célèbrent Yennayer pour conjurer les esprits maléfiques et contenter les bons esprits afin d’éloigner la famine qui menace toujours en cette période », explique M. Salhi.

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Un repas symbolique

Les rites qui marquent la célébration de Yennayer varient beaucoup d’une région à une autre, mais il existe un fonds commun de symboles qui sont retrouvés partout et tous rappellent l’abondance et le confort.

Pendant la journée de Yennayer, le foyer est rénové, les cendres sont évacuées et les « Inyen » ou pierres du foyer, toujours au nombre de trois sont remplacés. Les maisons sont nettoyées et les murs blanchis à la chaux. Aujourd’hui, même si les familles algériennes ne cuisent plus leurs repas au feu de bois et n’habitent plus dans des maisons aux murs enduits de chaux, les rites de nettoyage, de renouvellement de la vaisselle, d’ustensiles existent toujours dans de nombreuses régions.

Le soir du 12, du 13 ou du 14 janvier, selon les régions, les familles se réunissent autour d’un plat traditionnel qui diffère de ceux cuisinés en d’autres occasions. Les aliments cuisinés doivent rappeler la fertilité, l’abondance, explique Salhi Karim. « Les aliments cuisinés sont ceux qui lèvent ou gonflent avec la cuisson, comme le couscous ou d’autres pâtes, comme les beignets de toutes sortes, les graines, les céréales sont aussi fortement présentes car ils symbolisent la fécondité », explique-t-il.

La viande est un élément central du repas de Yennayer et elle doit provenir impérativement d’un animal sacrifié, « Asfel ». Ce sacrifice est un « rite d’expulsion », pour M. Salhi, et il doit permettre de conjurer le mauvais sort, de faire couler le sang de l’animal au lieu de celui des hommes.

L’animal sacrifié varie d’une région à une autre, ainsi, si en Kabylie ce sont surtout les volailles qui sont consommées le soir de Yennayer, dans le M’zab, ce sont des caprins ou des ovins qui sont sacrifiés.

Le repas de Yennayer, qui se veut intime et doit rassembler tous les membres de la famille est consommé le soir et peut durer jusqu’au milieu de la nuit. Le dîner est rassembleur et même les membres de la famille absents, comme les filles mariées ou les enfants immigrés, sont symboliquement représentés par des plats ou des cuillères qui leur sont consacrés et disposés auprès de ceux qui participent effectivement au repas.

Selon M. Salhi, « les esprits ou forces invisibles ne sont pas en reste. Une tradition qui a subsisté jusqu’à récemment voulait qu’on dispose des quantités de nourritures à divers endroits symboliques de la maison, comme le seuil, les silos, le foyer, des endroits censés abriter les esprits bienfaisants de la maison ».

Le soir de Yennayer, esprits et humains doivent manger à satiété, tous doivent être rassasiés au terme du repas, afin d’éloigner la disette durant l’hiver.

Depuis quand fête-t-on Yennayer ?

« Yennayer est une fête qui a toujours existé en Afrique du Nord », affirme M. Nahali, enseignant et chercheur au département de langue et culture amazighes à l’université de Batna. « Yennayer est une fête agraire qui est probablement apparue avec l’apparition de l’agriculture en Afrique du Nord, ce qui situe son apparition à une période très reculée », explique-t-il.

En 1980, Ammar Negadi, militant et chercheur dans le domaine de l’amazighité, souhaitant créer une ère amazighe, a choisi l’an 950 avant Jésus-Christ, année de l’accession d’un roi amazigh du nom de Sheshonq ou Chichnaq au trône d’Égypte, comme « l’an zéro du calendrier amazigh », avec Yennayer, comme le premier jour de l’an. Le choix de cet événement comme point de départ de la datation amazighe a été repris par l’Académie Berbère, le MCB et d’autres organisations amazighes.

Cette datation qui a rencontré un vif succès auprès des populations et des mouvements amazighs a été reprise et promu par ceux-ci et beaucoup de militants aiment à rappeler que dans quelques jours, nous fêterons l’entrée de l’an 2968 de l’ère amazighe.

Or, Yennayer est une fête agraire, « probablement antérieure à l’époque de Sheshonq », explique M. Salhi qui regrette ce « malentendu » mais qui estime toutefois que cette datation est « importante du point de vue symbolique, car elle permet d’avoir une datation spécifique aux amazighs, semblable aux datations chrétienne et islamique ».

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