Suite aux dernières pluies, les semis des céréales vont bon train en Algérie, mais la sécheresse constitue un défi majeur pour la filière locale. Après plusieurs mois de sécheresse, l’humidité du sol permet enfin l’emploi des charrues.
Cependant, l’inquiétude des agriculteurs se porte aujourd’hui sur la disponibilité en semences certifiées. Pour cette campagne, l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) assure pouvoir mettre sur le marché quatre millions de quintaux de ces semences.
Bien que toutes les régions céréalières n’aient pas reçu les mêmes quantités de pluies, la campagne de semis a démarré en Algérie. C’est le cas de la wilaya d’Ouled Djellal où le wali a personnellement assisté au lancement de la campagne de semis.
Pour beaucoup d’agriculteurs, l’inquiétude était grande après le retard des pluies automnales. Depuis une semaine, avec l’arrivée des pluies, l’espoir renaît dans les campagnes.
Avant l’arrivée de la pluie, des agriculteurs ont parfois commencé à préparer leurs parcelles, notamment les parcelles de jachère labourées au printemps.
Un simple passage d’outil à disque permettant dans ce cas de préparer un futur passage du semoir. Quant aux terres non labourées, l’attente était de mise. L’absence de pluie ayant rendu les sols si durs que l’emploi des charrues devenait aléatoire. C’est dire le retard pris par la campagne de semis en Algérie.
Lors d’un entretien accordé à Ennahar TV, Nouredine Amrani, le chef de la division du développement durable au niveau de l’Office algérien des céréales (OAIC), a indiqué que certaines années, les surfaces emblavées en céréales ont été de 3,5 millions d’hectares et qu’il espérait que cette année, elles dépassent les 3 millions d’hectares.
L’objectif d’augmenter les rendements prôné par les pouvoirs publics s’accompagne donc également de la volonté d’emblaver le maximum d’hectares.
À ce titre, les opérations d’indemnisation des agriculteurs affectés par la sécheresse de cette année permettent à ces derniers de relancer un cycle de production et sont donc un puissant moyen d’aide à l’augmentation des surfaces semées en céréales.
Lors de la précédente campagne, certains agriculteurs n’ont rien récolté, notamment à l’Ouest du pays. Des commissions locales ont recensé les agriculteurs concernés, et en particulier ceux qui s’approvisionnent traditionnellement auprès des Coopératives de Céréales et de Légumes secs (CCLS) ou d’organismes privés pour ce qui concerne les engrais. Ils ont été indemnisés à travers l’octroi gracieux de semences et de fertilisants. La charge étant supportée par le trésor public.
Sécheresse, un défi de taille pour la filière céréales en Algérie
Un temps, la sécheresse de la campagne écoulée a fait craindre un déficit en semences. Ces craintes ont été levées grâce à l’action de l’OAIC. L’orge a fait l’objet de la plus grande attention. Le chef de la division appui durable a indiqué que l’OAIC était en mesure d’assurer les quantités de semences permettant de semer plus d’un million d’hectares.
Dès le mois d’avril 2023, l’Office algérien des céréales a mis sur pied un plan spécial afin de mobiliser les grains qui pourraient être récoltés au Nord malgré la sécheresse. Il a été également décidé de rapatrier vers le Nord la production de semences produites au Sud sous pivot d’irrigation.
Au total, Nouredine Amrani a assuré la production d’un volume de 4 millions de quintaux de semences certifiées de blé dur, blé tendre et orge. Depuis plusieurs années, les CCLS ont renforcé leurs capacités d’usinage afin de trier et de traiter les semences produites par les agriculteurs spécialisés dans ce type d’activité. L’Institut Technique des Grandes Cultures (ITGC) se chargeant pour sa part de la production des premières générations de semences.
Le représentant de l’office a indiqué qu’au niveau des CCLS, les équipes travaillaient selon le régime des 3 fois 8 heures. Cependant, il a demandé que soit prise en compte la nécessaire durée de ces opérations d’usinage qui comportent différentes étapes : tri, traitement puis mise en sac de 50 kg.
Il a ainsi cité le cas de CCLS devant répondre aux besoins d’agriculteurs dont « le nombre a parfois doublé ou triplé cette année » indiquant qu’une CCLS ne peut livrer 60 à 80.000 quintaux de semences certifiées en un jour ou deux voire même en dix jours dans la mesure où l’ensemble des capacités des CCLS n’est que de 100.000 quintaux par jour.
Aussi a-t-il demandé à ce que les commissions de wilaya, où sont représentés les agriculteurs, assurent une programmation des livraisons selon la précocité des variétés et selon le cas des agriculteurs qui ont déjà labouré leur terre. Nouredine Amrani a ainsi rappelé que les semis pouvaient s’étaler durant le mois de décembre. Si cela est possible, cette pratique peut impacter négativement les rendements.
Le chef de la division du développement durable a rappelé que certains agriculteurs de l’Ouest du pays avaient déjà connu des épisodes de sécheresse durant les campagnes 2020/2021 et 2021/2022 : « Durant 3 années, des exploitations n’ont pu récolter ».
À ce titre, une commission comprenant des représentants des Chambres d’agriculture, de l’UNPA et du ministère de l’Agriculture leur a accordé un délai de 3 années pour rembourser le prêt de campagne (Rfig) contracté auprès des banques.
À la question des mesures à adopter face au défi de la sécheresse, Nouredine Amrani a indiqué que le ministère de l’Agriculture prévoyait au Nord 500 à 600.000 hectares consacrés à l’irrigation d’appoint et l’extension à un million d’hectares les surfaces irriguées au Sud. La signature de conventions avec des investisseurs installés au Sud devrait à l’avenir « sécuriser » la production de semences.
La recherche de mesures permettant de faire face à la sécheresse est capitale. Au printemps dernier, des agriculteurs de wilayas de l’Ouest se sont même demandés si à l’avenir, il était raisonnable de continuer à tenter de cultiver du blé.
L’irrigation d’appoint est une alternative, cependant, il est difficile d’imaginer qu’elle puisse être généralisée à l’ensemble des cultures et à l’ensemble des exploitations agricoles, d’autant plus qu’en période de sécheresse, le niveau des nappes d’eau souterraine baisse de même que l’offre des barrages.
L’insuffisance des ressources hydrauliques est telle que pour l’adduction en eau potable des villes, il est fait appel aujourd’hui au dessalement de l’eau de mer.
À travers le ministère de l’Agriculture et du Développement rural, l’Algérie collabore avec le Centre international de recherches agricoles dans les zones arides (Icarda).
Cette organisation internationale a pour mission de mettre au point des techniques afin d’améliorer la sécurité alimentaire face aux défis du changement climatique. Depuis plusieurs années, l’Icarda développe des alternatives au labour.
Elles permettent de semer même en cas de retard des pluies, et cela, à moindre coût. Cet aspect de réduction des coûts d’implantation des cultures pourrait intéresser les exploitations sans trésorerie et actuellement soutenues à bout de bras par les banques.
Cependant, ces alternatives résilientes ne sont connues en Algérie que par une poignée d’agriculteurs et elles sont encore ignorées des services agricoles.
Les exploitations indemnisées sont ainsi laissées dans l’ignorance de ces nouvelles techniques, aussi continuent-elles à utiliser des itinéraires techniques inadaptés, car incapables de les mettre à l’abri d’éventuelles sécheresses.
Après le succès de la production des semences, un nouveau défi est à relever pour la filière céréales algérienne : s’adapter à un environnement marqué par une plus grande irrégularité des pluies.
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