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Ceuta – Melilla : la contrebande, entre tragédie et intérêts économiques (Vidéo)

Ceuta – Melilla : la contrebande, entre tragédie et intérêts économiques (Vidéo)

Lundi 22 janvier, un Marocain de 39 ans perdait la vie après avoir été pris dans un mouvement de foule qui s’était déclenché au passage frontalier entre le Maroc et Melilla, une enclave espagnole – avec Ceuta – située au nord du Royaume.

L’homme, qui avait fait un arrêt cardiorespiratoire, avait reçu les premiers soins sur place avant d’être transporté à l’hôpital de Melilla où il décédait peu de temps après, indique, lundi 5 mars, le journal Diario de Sevilla dans une enquête signée par Ignacio Cembrero.

Le Marocain était une « mule » et avait cherché à introduire des produits de contrebande au Maroc après s’être fourni à Melilla, au « Barrio Chino ». Un passage que les autorités marocaines ont récemment décidé de fermer pour quelques heures, rapportait Le Desk le 31 janvier dernier.

Les frontières les plus fréquentées d’Afrique

Depuis dix ans, aucun décès n’avait été à déplorer à cette frontière, relate le quotidien andalou, tandis que la dernière victime remontait à 2008. Safia Azizi, une « femme-mulet », mourrait asphyxiée. Du côté de Ceuta, deux autres Marocaines sont mortes dans ces avalanches humaines le 15 janvier dernier, tandis qu’en 2017, trois « femmes-mulets » avaient déjà perdu la vie dans de mêmes circonstances, relate la même source.

Mais comment expliquer ces bousculades ? Ces « mules » – qui sont pour la majorité des femmes –, facturent non seulement en fonction des marchandises qu’elles transportent et de leurs poids, mais aussi du nombre de fois qu’elles parviennent à introduire leurs butins au Maroc. « D’où le fait qu’elles sont toujours en train de courir et que se produisent ces avalanches humaines », écrit le journal.

Selon les chiffres du gouvernement espagnol, entre 12 000 et 15 000 « mules » traversent plusieurs fois par jour la frontière à Ceuta tandis qu’au passage de Melilla, il serait entre 3 000 et 5 000 à effectuer ces allers-retours.

Ces mouvements frontaliers feraient ainsi des frontières de Ceuta et Melilla les plus fréquentées du continent africain, toujours selon Diario de Sevilla. Les autorités marocaines, de leurs côtés, évaluent à 1500 millions d’euros par an ce trafic de contrebande, soit l’équivalent des exportations de l’Espagne vers l’Australie.

| LIRE AUSSI : Entre le Maroc et Ceuta, le travail de forçat des « femmes-mulets »

Des produits fabriqués en Chine, un trafic nourrissant l’économie parallèle

Le phénomène n’est pas nouveau. À l’époque, les « mules » transportaient beaucoup de produits électroménagers dont l’importation légale au Maroc était très taxée. Mais depuis 2012 et l’accord de libre-échange signé entre le Maroc et l’Union européenne, rendant les produits industriels en provenance de l’UE totalement exonérés de droits d’importation, la majorité des produits transportés par les contrebandiers proviennent de Chine. Des produits de faible valeur et dont la qualité est moindre, précise le quotidien.

Si cette contrebande permet de faire vivre des dizaines de milliers de Marocains, elle offrirait également la possibilité au Maroc d’économiser ses devises puisqu’il est possible de payer en dirhams au sein des deux enclaves espagnoles. Cette contrebande permettrait aussi de blanchir une partie de l’argent généré par le trafic de haschisch, estimé à 9,750 millions d’euros, selon une évaluation des Nations unies, détaille Diario de Sevilla.

La contrebande représente par ailleurs une source de revenus pour les douaniers marocains stationnés aux frontières. Pour les traverser, les porteurs leur versent des pots-de vin qui varient en fonction de la taille de l’emballage qu’ils transportent et de leur contenu. Il y a 15 ans, le journal marocain Al Ayam estimait que les fonctionnaires affectés là-bas empochaient environ 90 millions d’euros par an.

Dans le même temps, un autre hebdomadaire à Casablanca, As Sahifa, indiquait qu’« à Bab Sebta [la frontière de Ceuta] et dans le port de Tanger, des postes de responsabilité sont vendus à un prix élevé », finit par expliquer le journal espagnol, précisant qu’aucune estimation sur les montants de ces bakchichs attribués aux douaniers n’a été faite ces dernières années.

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