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Cinquième mandat de Bouteflika : une stratégie pas si bien pensée

Cinquième mandat de Bouteflika : une stratégie pas si bien pensée

On se demandait bien comment Djamel Ould Abbes et tous les autres allaient s’y prendre pour vendre à l’opinion nationale et aux partenaires étrangers du pays la nécessité, voire même la faisabilité d’un cinquième mandat pour le président Bouteflika.

Qu’un président sérieusement amoindri par la maladie et qui a exercé le pouvoir pendant 20 ans, sollicite, à 82 ans, le droit de le garder pour cinq autres années, ce n’est pas le meilleur exemple de respect des règles de la démocratie et de l’alternance. Pour un précédent, c’en est un et l’exercice ne peut être que difficile.

D’autant plus difficile qu’à la différence de 2014, on ne parle plus d’ « accident ischémique sans séquelles » pour décrire la maladie du président, donc le faux espoir d’une guérison rapide ne peut être miroité cette fois.

Une telle lapalissade ne pouvant échapper aux promoteurs de l’idée, une stratégie semble avoir été mise en place et se dessine même chaque jour un peu plus au fil des sorties du secrétaire général du FLN et autres soutiens traditionnels du chef de l’État. De même que fusent les premières réponses aux multiples interrogations qui avaient accompagné le premier appel solennel lancé par Ould Abbes à Bouteflika pour briguer un cinquième mandat, il y a un peu plus d’un mois. C’est presque cousu de fil blanc, l’idée à vendre devrait ressembler à peu près à ceci : le président Bouteflika n’est pas du genre à s’agripper au pouvoir « comme Harpagon à sa cassette », comme le disaient ses adversaires, mais il ne le quittera pas car le peuple dans toutes ses composantes insiste et supplie pour qu’il « poursuive son œuvre ».

Voilà qui explique déjà le lancement plus que prématuré de la précampagne. Lors des précédentes élections, le président ne dévoilait ses intentions qu’à deux ou trois mois du scrutin et, à pareille période, même les plus zélés de ses soutiens n’osaient pas évoquer sa candidature. Pour l’élection de 2019, la campagne a démarré aussitôt les premiers appels « spontanés » lancés.

Les choses s’annoncent plus compliquées qu’en 2014 et 2009 et il n’y a plus de temps à perdre, semble-t-on se dire. Ould Abbes n’a pas mis plus de deux jours pour joindre l’acte à la parole en allant expliquer aux habitants du Hoggar que sans Bouteflika, ils n’auraient eu ni eau potable ni gaz naturel. Les journaux publics, les télévisions et radios étatiques ont pris le relais pour rappeler au reste de la population toute l’œuvre salvatrice du président, répercutant au passage le souhait de « l’Algérie profonde » de voir le chef de l’État poursuivre ses « réalisations ».

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Le 9 avril, c’est Bouteflika en personne, en dépit de son état de santé, qui s’offre une virée dans la capitale pour inaugurer quelques-unes justement de ces « réalisations », la mosquée Ketchaoua restaurée et deux nouvelles extensions du métro d’Alger. Et si les citoyens agrippés derrières les barrières métalliques devaient donner l’illusion d’un bain de foule, ça ne pouvait que mieux servir la cause. Une cause pour laquelle Oud Abbes est revenu la semaine passée à la charge en lançant un mouvement estudiantin en faveur du cinquième mandat, Djil Bouteflika (Génération Bouteflika), laissant apparaître un pan entier de la stratégie, avant de passer carrément à table ce samedi 5 mai à Oran. « On demande à Dieu de nous donner la force de convaincre le président de poursuivre sa mission ».

Le message peut paraitre sibyllin, mais il est suffisamment clair pour qui suit les péripéties du feuilleton : Bouteflika n’a rien demandé et s’il devait briguer un autre mandat à la tête du pays, ce sera à la demande insistante de la société. Lorsqu’il l’annoncera, vers le début de l’année prochaine, les « 700 000 militants du FLN » et ceux d’autres partis, ainsi que tout ce que le pays compte comme organisations de « la société civile » auront donc « insisté » pendant neuf long mois et il serait pour le moins inélégant de ne pas donner suite à leurs « supplications ».

La stratégie aura au moins le mérite de sauver les apparences, car pour convaincre, il faudra bien plus que ce plan qui porte en lui-même une contradiction criante : pourquoi s’empresser de rappeler les réalisations d’un président à un peuple qui est censé en être conscient puisqu’insiste tant pour le voir continuer son œuvre ?

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