Le gouvernement algérien doit lancer des programmes destinés à soutenir les ménages (notamment les plus nécessiteux) et les PMEs/TPEs affectés la crise économique qui devrait continuer de s’aggraver malgré le dernier accord sur la réduction de la production de pétrole, estiment les deux économistes Raouf Boucekkine et Nour Meddahi, dans une contribution rendue publique ce samedi 11 avril.
Pour y parvenir, notre pays ne doit rien s’interdire, estiment-ils « Y compris le financement monétaire comme partout ailleurs dans le monde ».
Mais le financement monétaire ne doit pas se limiter à la planche à billets déjà utilisée par le passé. « La dette publique interne a entre-temps augmenté de manière substantielle puisqu’elle était de 42% du PIB à fin 2019. Il parait donc délicat d’avoir recours uniquement à ce mécanisme de financement : vu les besoins, la dette publique exploserait à coup sûr », avertissent-ils.
Une autre possibilité existe, selon Raouf Boucekkine et Nour Meddahi : la distribution par la Banque d’Algérie d’un « dividende exceptionnel » au Trésor d’un montant qui peut atteindre 1 500 mds DA (7,25 % du PIB de 2019), sans affecter la dette publique.
Ils expliquent : « La Banque d’Algérie possède dans ses provisions 1 500 milliards de DA. Ce montant provient en bonne partie des gains de change faits par la Banque d’Algérie. Pour rappel, pendant la période 2000- juin 2014, le pays avait un excédent de la balance des paiements, ce qui a amené la Banque d’Algérie à acheter les devises au prix moyen de 75 DA pour un dollar pour les mettre dans les réserves de change. Depuis juin 2014, la balance des paiements est déficitaire, ce qui amène la Banque d’Algérie à revendre les devises au prix du jour, par exemple 127 DA pour un dollar actuellement. Ces gains de change ont permis à la Banque d’Algérie de distribuer à partir de 2016 plusieurs dividendes exceptionnels au Trésor, pour un total de 3 840 milliards DA sur la période 2016-2019. La Loi de Finances (LF) 2020 a prévu un dividende de 783 milliards DA pour l’année 2020 ».
« Ces gains de change ont aussi permis à la Banque d’Algérie d’augmenter ses provisions, qui étaient de près de 680 milliards DA en juin 2014 à la veille du contre-choc pétrolier, pour être portées à 1 663 milliards DA au moment du départ de l’ancien Gouverneur Laksaci », poursuivent les deux économistes.
« Le montant des provisions est plafonné par l’article 102 de la LF 2017 à trois fois le capital, capital qui a aussi été augmenté de 300 à 500 milliards DA en mai 2017. Notons que le même article de la LF 2017 stipule que le Trésor doit combler les pertes de la Banque d’Algérie si les réserves de celles-ci ne peuvent combler ses pertes. Selon le dernier État de Compte de la Banque d’Algérie en date de novembre 2019 et publié par le Journal Officiel numéro 16 du 24 mars 2020, le montant de ces réserves était de 790 milliards DA, montant qui est appréciable.
Étant donné la situation exceptionnelle que traverse le pays, nous sommes favorables à ce que la Banque d’Algérie distribue un dividende tiré de ses provisions, qui s’ajoutera au dividende prévu par la LF 2020 », ajoutent-ils.