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Éducation nationale : la grève de trop

Éducation nationale : la grève de trop

« Faut-il priver des milliers d’élèves d’école durant des semaines pour un conflit entre deux individus ? ». Cette interrogation de la ministre de l’Éducation nationale, Nouria Benghebrit, dans un entretien hier vendredi à TSA, résume à elle seule la gravité de la situation qui prévaut dans le secteur, marquée depuis maintenant plusieurs années par un recours quasi systématique à la grève, le plus souvent illimitée.

Un droit, certes, constitutionnel et qui ne devrait être remis en cause en aucun cas, mais qui doit être, en revanche, exercé avec responsabilité. Ce qui n’est pas le cas, hélas. Cette légèreté avec laquelle les syndicats décident du recours au débrayage relève de l’abus d’un droit institué pour préserver les intérêts des travailleurs et non pour prendre en otage des franges entières de la société.

Dans certaines wilayas, la situation frise le ridicule. Des dizaines de milliers d’élèves de la wilaya de Tizi Ouzou risquent de passer une année blanche à cause d’un banal incident entre un agent de police et une enseignante, une affaire qui aurait pu être réglée dans le cadre des lois en vigueur. Au lieu de saisir la partie compétente en pareil cas, la justice en l’occurrence, par un dépôt de plainte en bonne et due forme, les enseignants, sous la bannière du Cnapeste, ont préféré dégainer encore en décrétant une grève illimitée.

Leur revendication ? Sanctionner deux cadres de la direction de l’éducation qui n’auraient pas assez défendu l’enseignante malmenée, selon Mme Benghabrit. C’est pourquoi la ministre parle de « PV vides ». Que ce soit à Tizi Ouzou, Blida ou ailleurs, les revendications, pour cette fois, ne sont pas fondées, et même si elles l’étaient, ne mériteraient pas un recours à la grève, illimitée de surcroît.

« Aujourd’hui, les crises et les problèmes qui se posent au niveau de l’éducation sont d’abord des problèmes d’ordre relationnel et non professionnel », assène Mme Benghebrit. Et les problèmes d’ordre relationnel, il y a des cadres prévus pour les régler. Les élèves doivent être laissés en dehors de ces tiraillements. Car en parlant de droits, les élèves aussi ont les leurs et l’État, représenté ici par le ministère de l’Éducation, a l’obligation de les garantir.

Tout comme le ministère de la Santé doit veiller sur ceux des patients dans les hôpitaux publics où le recours abusif à la grève commence aussi à exacerber. Simultanément au mouvement des médecins résidents, qui entame son troisième mois, les paramédicaux n’ont pas eu besoin de beaucoup de palabres lors de leur réunion de la semaine passée pour décréter un débrayage à partir de ce lundi 5 février – finalement gelé ce samedi.

Préciser qu’il s’agit d’une grève illimitée relèverait presque du pléonasme, tant les autres formes de protestation, plus « civilisées » et moins pénalisantes pour le citoyen, comme les débrayages de quelques heures, le brassard noir, la grève tournante, ne font plus partie du glossaire de certains syndicats.

La justice a déclaré plusieurs grèves illégales et l’administration n’a pas hésité à recourir aux ponctions sur salaire, menaçant d’aller plus loin, jusqu’à la radiation. Faut-il y voir une remise en cause du droit de grève et s’inquiéter pour les libertés syndicales ? Certes, les jugements systématiques en faveur de l’administration ont de quoi susciter des appréhensions, mais dans certains cas, notamment ces derniers mois, les juridictions administratives ne pouvaient émettre d’autres avis devant le caractère intempestif, abusif et souvent sauvage des débrayages.

Cette propension à vouloir « tout et maintenant » n’augure rien de bon. Un phénomène qui, hélas, n’est pas propre aux seuls syndicats. Le blocage des routes est banalisé et là aussi, pour des raisons souvent futiles. Parfois, il suffit d’une coupure de courant électrique, de l’eau potable pour voir une route nationale ou une autoroute fermée pendant toute une journée, voire plus. Récemment, la RN 12 reliant Tizi Ouzou à Béjaïa fut bloquée pendant plusieurs jours de suite à cause d’une sombre affaire de… trafic de drogue ! Encore un problème qui devait se régler devant les juridictions et qui se retrouve sur la route. Sans doute, la situation ne peut plus durer.

La classe politique est interpellée en premier lieu. Défendre la cause des syndicats, donc des travailleurs, est une noble mission, mais rappeler les droits des élèves, des patients, des voyageurs, bref de tous les citoyens, et appeler tout le monde à plus de responsabilité et de retenue, n’est pas moins louable.

Au pouvoir ou dans l’opposition, de gauche ou de droite, un parti politique se doit d’être à l’écoute de la société. Et la société, ce ne sont pas que les syndicats. Ces derniers ont aussi tout à gagner à revoir leurs méthodes d’action. Cette légèreté ne les mènera nulle part, sinon au discrédit.

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