Les attaques se multiplient en France contre l’Algérie, sur fond de crise diplomatique inédite entre les deux pays. Parallèlement, un autre son de cloche se fait entendre. Crise ou pas, les adeptes d’une relation apaisée défient la stigmatisation et les critiques et expriment leur sympathie au pays d’où est originaire une partie importante de la population française. La commémoration des 80 ans des massacres du 8 mai 1945 à Guelma, Kherrata et Sétif a été marquée, cette année, par l’organisation de cérémonies en France. De nombreuses initiatives ont été lancées par des parlementaires et des élus locaux malgré les critiques du courant extrémiste opposé à tout geste de reconnaissance des crimes de la colonisation.
Un groupe d’élus a prévu une cérémonie de dépôt d’une gerbe de fleurs au Mont Valérien, à Paris, pour rendre hommage aux victimes de ces massacres. Sollicité pour parrainer l’événement, le président Emmanuel Macron n’a pas répondu. La cérémonie a finalement été annulée mais la tentative de la tenir est déjà révélatrice que quelque chose est en train de bouger dans la classe politique française vis-à-vis de la question mémorielle.
À Marseille, le maire socialiste Benoît Payan a maintenu une cérémonie destinée à commémorer ces événements douloureux malgré les vives critiques de l’opposition qui l’accuse de vouloir “réécrire l’histoire”. Alors qu’une cérémonie officielle est prévue par le préfet dans la matinée en souvenir de la victoire sur l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale, Payan a programmé, à proximité, un hommage aux victimes de “l’autre 8 mai”, dans l’après-midi de ce jeudi 8 mai. Pour la mairie, cette action s’inscrit dans le cadre de sa démarche de “mémoire partagée et de dialogue entre les peuples”. Symboliquement, la plaque commémorative des massacres, inaugurée en juin 2024 et saccagée quelques jours plus tard, sera restaurée à la place Léon Blum, dans la cité phocéenne.
Boualem Sansal, 8 mai : quand les amis français de l’Algérie bravent les critiques
Mercredi, une délégation de 12 députés et sénateurs français s’est rendue en Algérie. Au programme de la visite, la participation à une marche commémorative ce jeudi à Sétif. “Nous y allons dans une démarche de reconnaissance, de main tendue. Je pense qu’il est venu le temps où la France doit aussi pouvoir regarder son passé en face« , a expliqué la député écologiste d’origine algérienne Sabrina Sebaihi.
Lundi 5 mai, ce sont 70 députés de l’Assemblée nationale française qui ont déposé une proposition de résolution visant à reconnaître et condamner les massacres du 8 mai 1945. “La République française, fidèle à ses valeurs de vérité et de justice, se doit de reconnaître solennellement et officiellement que ces actes constituent un crime d’État perpétré contre une population civile désarmée, en contradiction flagrante avec les principes qu’elle proclame défendre”, ont-ils écrit.
Un autre événement qui a coïncidé avec la commémoration des évènements du 8 mai confirme qu’une partie de la classe politique française assume pleinement ses positions et ne se laisse pas intimider par la droite dure et l’extrême-droite quand il s’agit de l’Algérie. Il s’agit du vote d’une résolution demandant la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné en Algérie à 5 ans de prison ferme pour atteinte à l’intégrité du territoire national.
Malgré l’acharnement du courant extrémiste, des élus de gauche ont dit non à “l’instrumentation” de cette affaire pour pousser davantage les deux pays vers la rupture. La résolution a été adoptée avec 307 voix. Néanmoins, 28 députés de la France Insoumise (LFI) ont voté contre, les élus communistes se sont abstenus et les socialistes ont émis des réserves.
Cette résolution est un moyen d’”instrumentaliser Boualem Sansal » et de « régler des comptes avec l’Algérie« , a accusé en plénière le député Éric Coquerel. Parmi les opposants au texte figurent des élus qui ne se sont pas non plus laissé intimider ces derniers mois par le discours ambiant sur la Palestine, comme Mathilde Panot, Louis Boyard, Manuel Bompard et David Guiraud.