Après plusieurs semaines d’accalmie relative, l’euro a renoué avec la flambée ces derniers jours sur le marché noir de la devise en Algérie, franchissant la barre de 260 dinars. Un expert financier explique les raisons de cette flambée, avançant deux facteurs en particulier.
Mercredi 7 mai, les cambistes du square Port-Saïd d’Alger, fief du change parallèle en Algérie, proposent l’unité de la monnaie unique européenne contre 260,5 dinars algériens, en baisse par rapport au début de la semaine (261 dinars).
Pour Chabane Assad, fondateur de FINABI Conseil, les raisons de la flambée des devises, de l’euro notamment, sur le marché parallèle peuvent être scindées en deux catégories : l’une économique et légitime, l’autre illégitime, émanant principalement du blanchiment d’argent.
Pour la première catégorie de variables économiques ayant généré cette flambée, l’expert financier explique, dans une analyse publiée ce mardi 6 mai sur les réseaux sociaux, qu’elle est « légitime », car elle émane des « demandes justifiées » des citoyens en devises pour leurs voyages touristiques ou religieux, de santé, d’étude et d’achat de véhicules.
Allocation touristique : « Il est impératif que la Banque d’Algérie tienne ses engagements »
L’autre facteur de la flambée de l’euro sur le marché noir des devises en Algérie est le retard de l’entrée en vigueur de la nouvelle allocation touristique de 750 euros. Cette dernière devait être distribuée à partir de la mi-avril, mais la Banque d’Algérie n’a pas encore fixé les conditions de son octroi.
À ce propos, le spécialiste estime qu’il est « impératif que la Banque d’Algérie tienne ses engagements de l’année dernière d’augmenter l’allocation touristique et d’élargir son offre de devises aux besoins sanitaires et universitaires ».
Reconnaissant que le contexte actuel, marqué par la baisse du prix de pétrole et son impact négatif probable sur la balance des paiements de l’Algérue, est « frustrant », il estime qu’il ne doit en aucun cas « être un frein à la mise en place des décisions politiques prises et décevoir ainsi l’attente née ».
Plus loin encore, Chabane Assad estime que l’offre en devises, au taux de change officiel, doit aussi « s’élargir à l’importation de véhicules ». Car, selon lui, la solution actuelle « est non optimale et accentue la spéculation (sur le marché parallèle, NDLR) ».
À cet effet, il estime que des acteurs du secteur économique public, comme le groupe AGM spécialisé dans la mécanique, peuvent encadrer l’importation des véhicules, à l’instar de ce qui se fait actuellement sur le processus d’importation des moutons.
Il propose enfin d’allouer « un budget annuel de 3 milliards de dollars pour faire face à la demande chronique actuelle (en véhicules) ».
La deuxième raison émane principalement « du blanchiment d’argent »
Pour la deuxième raison de la flambée des devises sur le marché parallèle, l’expert financier affirme qu’elle est liée à des « variables perverses », qui « sont illégitimes », car émanant principalement « du blanchiment d’argent et subsidiairement de l’importation de biens de consommation ».
Pour étayer ses propos, M. Assad explique que les fonds en dinars issus du trafic de drogue, de la corruption et des activités économiques informelles ne peuvent plus être placés dans l’immobilier, vu les dernières dispositions dans la loi de finances, interdisant le paiement en espèces.
Ainsi, cette décision visant à mieux contrôler les masses monétaires en circulation qui a plombé le marché de l’immobilier, « a créé une panique ». « Les barons de cette sphère noire ou grise » n’ont donc de solution que de convertir leurs fonds en devises, car faciles à stocker, détaille l’intervenant.
Ici encore, le fondateur du cabinet de conseils financiers, FINABI, explique que « cinq millions d’euros en coupures de 50 euros nécessitent cinq valises de 20 kilos pour être stockés ». En revanche, son équivalent en dinars (1,3 milliard de dinars) en coupure de 2.000 nécessite 1.300 valises de 20 kilos pour être stocké, ce qui est « moins discret ».
Autrement dit, les besoins en devises, bien qu’illégitimes, de cette sphère noire ou grise pour parvenir à mieux cacher leurs pactoles, créent une forte demande sur le marché parallèle, contribuant ainsi à la flambée des principales devises, l’euro en particulier, analyse l’expert.
Ainsi, le spécialiste affirme qu’il est certes nécessaire de « criminaliser le marché parallèle », mais il est également « impératif que le régulateur bancaire tienne ses engagements dans les plus brefs délais », en définissant notamment « un quota d’importation de véhicules ».