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Entretien avec Karim Younes : «Le changement de gouvernement est une exigence de tous»

Entretien avec Karim Younes : «Le changement de gouvernement est une exigence de tous»

Le panel pour le dialogue et la médiation est sur le point d’être mis en place. Comment vont se dérouler les choses une fois le panel installé ?

Le panel établira un calendrier de rencontres avec l’ensemble des acteurs politiques, issus des partis et de la société civile. Il aura pour mission de prendre connaissance des différentes propositions de sortie de crise et de les évaluer par rapport aux exigences du mouvement citoyen. Ensemble, nous essayerons d’étudier les points de convergence, afin d’en faire un premier pas vers le dénouement progressif et pacifique de la crise. Il s’agit d’être utile pour l’avenir de la République qui demeure notre boussole dans la tourmente du monde actuel.

Combien de temps va durer le processus de dialogue ? Quelles seront les parties concernées ?

Le dialogue prendra fin avec la programmation de la conférence nationale d’où émanera la commission de préparation, d’organisation et de contrôle des élections, ainsi que la feuille de route du processus politique devant aboutir au changement du mode de gouvernance du pays.

La parole est d’abord aux acteurs de ce formidable mouvement, issu d’une génération capable de suggérer les solutions qui entrent dans le cadre philosophique de sa démarche.

On ne doit plus se substituer aux hommes et femmes qui ont pris la noble et courageuse décision de changer la trajectoire que doit prendre notre pays.

La génération d’avant février 2019 doit tenir compte des nouveaux besoins et des interpellations de la société d’aujourd’hui et lui apporter l’appui nécessaire par un soutien franc et qualitatif expurgé de toute forme d’opportunisme et d’hypocrisie afin de rendre irréversible la marche vers de nouveaux lendemains

Certains pensent que la présidentielle, y compris après un processus de dialogue et une révision de la loi électorale, ne fera que perpétuer le système actuel. Que répondez-vous ?

Notre pays est confronté à une crise de légitimité qui ne peut qu’aggraver la crise économique et la crédibilité de l’Etat à l’international. L’élection d’un président de la République dans un délai raisonnable me semble donc nécessaire ; il pourra conduire durant son mandat, les réformes que la feuille de route élaborée par la conférence nationale aura préalablement soumises à l’ensemble des candidats au scrutin présidentiel.

Je pense que la question ne se posera plus ou tout au moins atténuée dès lors que le dialogue sera ouvert à toutes les forces et acteurs du paysage politique en mesure de formuler des résolutions clairement affichées, concrètes et réalisables, j’ajouterai contraignantes pour éviter toutes mauvaises interprétations ou prise de liberté par rapport à la réalité du texte convenu par la conférence nationale des acteurs du paysage politique et citoyen.

Vous avez conditionné le lancement du dialogue par la mise en place de mesures d’apaisement dont la libération des détenus d’opinion et l’ouverture des champs politique et médiatique. Pouvez-vous énumérer ces conditions ?

Les conditions pour l’entame d’un dialogue sérieux et serein sont celles exprimées par le hirak et la classe politique, à savoir les mesures d’apaisement, l’ouverture du champ politique et médiatique et la confiance accordée au panel de mener les démarches politiques, sans interférence.

Mais il me semble qu’il serait peut-être plus juste de parler de la nécessité de la mise en place de mesures d’apaisement dont la libération des détenus d’opinion, de la liberté de manifester sur tout le territoire national, de la liberté de circulation, en levant les verrous sur les axes routiers qui bloquent l’accès à la capitale les jours de marche, l’arrêt de la violence policière lors des manifestations, l’ouverture des champs politique et médiatique des média lourds et la régularisation des chaînes privées. Ce sont là quelques mesures susceptibles de permettre de faciliter l’entame d’un dialogue qui soit utile et bénéfique pour le pays.

Concrètement, comment allez-vous mesurer l’ouverture des champs politique et médiatique, par exemple ?

La mesure se fera à travers le droit de s’exprimer sur les chaines opérant sur le territoire national et les conférences sans l’obligation d’autorisation administrative préalable. Avoir des médias libres permet de laisser le débat se dérouler en Algérie, avec des acteurs locaux sérieux, loin de toute manipulation.

Beaucoup d’Algériens suivent la situation dans leur pays à travers des médias étrangers ou basés à l’étranger, ce qui constitue un véritable danger quand celui-ci obéit à des chapelles pas toujours en phase avec les intérêts de notre peuple. Le débat sur la situation en Algérie doit se dérouler surtout en Algérie, entre Algériens.

Le hirak exige le départ des symboles du régime, notamment Bensalah et Bedoui. Quelle est votre position sur ce sujet ?

Le changement de gouvernement est une exigence de tous pour le remplacer par une équipe gouvernementale de compétences politiquement neutres. Pour ce qui concerne le chef d’Etat intérimaire, sa présence est utile tant que la Constitution n’est pas gelée, car il est le seule habilité à opérer des changements exigeant le respect constitutionnel. Un changement de gouvernement devient aujourd’hui une revendication essentielle et de base pour un retour à la confiance.

Au terme de la conférence nationale qui doit définir le processus politique à mener, de nouvelles approches pourront émerger.

Le pouvoir dit qu’il ne va pas participer à ce dialogue mais il aura, sans doute, son mot à dire concernant l’application des recommandations issues du dialogue. Quelles sont les garanties que vous avez obtenues concernant l’application de ces recommandations ?

Le pouvoir a pris l’engagement d’accorder toute liberté à l’instance de dialogue et de respecter ses recommandations. Il nous appartient à tous, sous la vigilance du mouvement citoyen, de veiller au respect de cet engagement. Le paysage politique a changé. Il ne s’agit plus d’appliquer les choix du gouvernement mais il appartient à ce dernier de mettre en œuvre en ce qui concerne les résolutions issues de la conférence des acteurs de la société politique et civile. Au demeurant, cette dernière fait montre d’une haute idée de ses devoirs vis-à-vis de l’Etat national.

Comment comptez-vous convaincre les Algériens que le pouvoir va tenir sa promesse ?

C’est l’adhésion consensuelle des acteurs politiques, à une démarche de sortie de crise et au processus de démocratisation réelle qui pourra redonner confiance au peuple. Par la confiance revenue et des mesures quantifiables et contraignantes qui ne souffrent d’aucune suspicion.

Il faut peut-être ajouter que la persistance éventuelle des divergences au niveau de la classe politique risque de démobiliser les citoyens et ne contribuera pas au changement attendu. Chacun sera comptable de ses responsabilités devant l’histoire et le peuple algérien.

L’armée ne va pas participer directement au dialogue mais elle est omniprésente dans le débat politique. Comment voyez-vous son rôle, aujourd’hui et dans l’avenir ? 

L’Armée nationale a toujours occupé une place déterminante dans le système politique algérien. Elle ne peut donc pas être écartée d’un revers de main dans la démarche de sortie de crise même si son chef répète qu’elle ne s’ingérera pas dans la recherche d’une sortie de crise qui doit demeurer du ressort de la société civile et des partis politiques.

Le processus de changement de système de gouvernance, engagé avec la naissance du mouvement citoyen, permettra, à travers la révision constitutionnelle, de baliser les missions de cette institution et de l’éloigner des activités et luttes politiques.


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