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Financement des clubs de foot algériens : l’argent public coule à flot

Financement des clubs de foot algériens : l’argent public coule à flot

Par Melinda Nagy / Adobe Stock
Football

Avec le rachat de la JSK par Mobilis, l’Etat continue de financer à coup de milliards des clubs de football aux résultats rachitiques et à la gestion douteuse.

Avec le rachat de la JSK par l’opérateur de téléphonie Mobilis, c’est un autre grand club algérien, le plus titré et l’un des plus populaires, qui rejoint le cercle des équipes sportives dont le capital est détenu par l’Etat.

Un comble pour un championnat ayant officiellement le statut de « professionnel » depuis plus de dix ans.

Le professionnalisme a été lancé en Algérie en 2010, du temps où la Fédération algérienne de football (FAF) était dirigée par Mohamed Raouraoua, avec l’objectif de permettre aux clubs de se doter d’une gestion qui leur permettra de trouver des sources de financement autres que les subventions de l’Etat et des collectivités locales.

Mais c’est le contraire qui s’est produit. Faute d’une économie capable de financier des clubs professionnels sur des bases claires, c’est l’État qui met la main à la poche, à travers les sociétés à capitaux publics, avec des aides indirectes se chiffrant désormais en milliards de dinars par année et pour chaque club.

Avant la JSK, cinq clubs étaient repris et gérés par des sociétés nationales, dont trois par Sonatrach et ses filiales (MC Alger, JS Saoura, CS Constantine).

Le CR Belouizdad et USM Alger sont détenus respectivement par le groupe semi-public de tabacs Madar et l’entreprise qui gère les ports algériens Serports.

L’USMA était le seul club algérien à trouver un investisseur privé, le groupe ETRHB de Ali Haddad en l’occurrence, mais il a dû lui aussi passer sous la coupe de l’Etat après la déchéance de l’homme d’affaires.

La première entorse à l’esprit du professionnalisme a eu lieu deux ans seulement après le lancement du projet, en 2012, lorsque la compagnie pétrolière publique Sonatrach a racheté les actions du MCA dans un contexte de mécontentement du public des résultats et de la gestion de leur équipe. Dix ans après, la situation du MCA en termes de résultats sportifs et de stabilité n’a pas changé. Le club peine à briller en Algérie.

Seul le CRB est métamorphosé par la venue de la holding publique Madar en 2018. Et encore, c’est un succès relatif puisque le club a gagné le championnat d’Algérie trois fois de suite mais n’a pas réussi à s’imposer en Afrique devant les mastodontes du continent que sont les clubs égyptiens, marocains ou tunisiens.

Financement du football en Algérie : de l’argent sans la réforme

C’est toute la différence avec la réforme sportive de 1977. Celle-ci avait été suivie de résultats sur la scène internationale, avec les nombreux titres internationaux de la JSK et de l’Entente de Sétif, les qualifications de l’équipe nationale d’Algérie à deux mondiaux consécutifs et surtout de grandes performances dans beaucoup de disciplines, dont le handball qui a outrageusement dominé l’Afrique pendant les années 1980, des médailles olympiques en boxe et en athlétisme.

Le projet avait axé sur les infrastructures, la formation et l’organisation, avec des résultats indéniables.

Des aspects que les sociétés qui gèrent les clubs algériens actuellement ont complètement négligés. Les dépenses faramineuses qui sont faites sont presque exclusivement englouties par les gros salaires des joueurs.

Un journaliste d’El Khabar a récemment jeté un véritable pavé dans la mare en révélant que MADAR a dépensé 600 milliards de centimes (6 milliards de dinars) au CRB en quatre ans.

En 12 ans, Sonatrach et ses filiales ont sans doute mis beaucoup plus dans la gestion du Mouloudia, du CSC et de la JSS. Les montants dépensés pour maintenir ces clubs en Ligue 1 n’ont jamais été révélés. Où est allé tout cet argent ?

Sans doute dans les poches des joueurs, des techniciens, des agents et de tous ceux qui tournent autour de la sphère footballistique. S’agissant, d’une manière ou d’une autre, d’argent public, de telles sommes ont de quoi offusquer.

D’abord, parce qu’il y a doublement deux poids deux mesures. Une poignée de clubs est financée grassement par l’argent de l’Etat, les autres sont contraints de vivoter.

En Algérie, le football engloutit quasiment tous les financements publics et les autres disciplines sont abandonnées à leur sort.

L’équipe nationale de handball a perdu tous ses matchs lors de la dernière Coupe du monde et les Algériens ont quitté les derniers Jeux olympiques avec zéro médaille, comme lors des premières participations de l’Algérie au lendemain de l’indépendance.

Les sommes astronomiques englouties par les clubs financés par les sociétés étatiques offusquent aussi parce que, dans le microcosme économique algérien, les entreprises publiques performantes se comptent sur le bout des doigts, comme l’a montré le dernier rapport de la Cour des comptes.

Beaucoup sont en difficulté, certaines ont du mal à assurer les salaires. Ces dépenses, qui restent entourées d’une grande opacité, sont aussi incompréhensibles au vu des résultats obtenus par les clubs concernés sur la scène internationale.

Plus inquiétant encore, ce financement indirect des clubs de football par l’Etat est opéré sans aucune politique de réforme du sport, pourtant indispensable pour construire des équipes performantes et pérennes.

Les neufs titres africains gagnés par les clubs algériens (6 par la JSK, 2 par l’ESS et 1 par le MCA) l’ont été à une autre époque et sans ces extravagances.

Malgré les sommes colossales dépensées pour financer quelques clubs de la Ligue 1, l’équipe nationale de football continue de compter sur des joueurs nés et formés à l’étranger, faute de joueurs de qualité formés en Algérie.

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