La Grande mosquée de Paris (GMP) est l’une des victimes collatérales de la crise entre l’Algérie et la France. L’institution est attaquée de toute part, pour l’unique raison apparente d’être dirigée par un Algérien, le recteur Chems-Eddine Hafiz.
La Grande mosquée de Paris n’a jamais nié son lien avec l’Algérie. Dans son billet qu’il publie régulièrement, Hafiz a écrit que cette « double appartenance franco-algérienne (…) est parfois mal comprise ».
Mais depuis quelque temps, ce n’est plus que de mauvaise compréhension qu’il s’agit. L’institution est attaquée, dénigrée et accablée d’accusations aussi graves qu’infondées.
Après l’arrestation d’influenceurs algériens au début de l’année pour appels à la violence, la machine médiatique de l’extrême-droite s’est mise en branle pour impliquer la Mosquée de Paris, accusée directement d’œuvrer à « déstabiliser la France ».
L’accusation a été proférée notamment sur CNews par un activiste algérien et l’ancien ambassadeur de France en Algérie Xavier Driencourt.
Dans un communiqué rendu public le 6 janvier, l’institution a rejeté ces accusations et affirmé que cette campagne « n’est pas un hasard », mais le résultat en partie des positions prises par la Mosquée de Paris, notamment son appel à faire barrage à l’extrême-droite aux législatives françaises de l’été dernier.
La Grande mosquée de Paris a réitéré qu’elle assume ses « liens forts et historiques avec l’Algérie », « en parfait accord avec l’État français et en toute cohérence avec les missions vertueuses et universelles de l’institution ».
Mais la campagne ne s’est pas estompée. Bien au contraire. Les attaques sont désormais assumées par des personnages de la classe politique française. Ses détracteurs l’attaquent sur son financement.
Le vice-président du parti Les Républicains (droite), François-Xavier Bellamy, a saisi la commission européenne pour qu’elle mette fin au système de certification halal délivrée par la Grande Mosquée de Paris pour le compte de l’Algérie.
Campagne contre la Grande mosquée de Paris : les Marocains entrent en lice
En 2023, les autorités algériennes ont donné à la Mosquée de Paris l’exclusivité de la certification de tous les produits halal importés en Algérie en provenance de l’UE et du monde entier.
En septembre dernier, Valdis Dombrovskis, commissaire européen au commerce, a fait part de "préoccupations" de la commission européenne par rapport à cette décision.
Il y a quelques jours, le journal français L’Opinion est revenu sur ce système.
« La presse révèle que la Grande Mosquée de Paris, liée à l’Algérie, fait payer toutes les entreprises européennes qui veulent exporter vers ce pays, pour des certificats halal par ailleurs inexistants», a écrit Bellamy sur X, soutenant que « ce système impose des millions d’euros par an aux agriculteurs et aux industriels dans nos pays, et pose, dans le contexte actuel, un vrai problème de sécurité ».
« Il y a donc un enjeu de sécurité, à la vue du comportement de l’Algérie à l’encontre de la France. Savoir ce que devient cet argent est essentiel », a soutenu Bellamy.
Un député du Rassemblement national, Matthias Renault, a de son côté saisi le parquet de Paris.
La Grande mosquée de Paris est accusée d’avoir mis en place « un juteux système financier » et de réaliser des gains substantiels.
« À ce jour, aucune entreprise européenne bénéficiant de la certification de la Grande Mosquée de Paris ne s’est plainte des prestations réalisées en temps, en heure et en qualité », a répondu le recteur Chems-Eddine Hafiz, en précisant qu’elle a reçu un mandat exclusif de l’Algérie et qu’elle « opère en parfaite conformité avec les droits français, algérien et européen, y compris en matière de droits de la concurrence ».
Hafiz dénonce une « campagne médiatique sans précédent » contre la Grande mosquée de Paris
La Mosquée de Paris est dans le viseur des milieux extrémistes depuis plusieurs années et plus particulièrement depuis l’éclatement de la crise entre la France et l’Algérie.
Les lobbyistes marocains se sont très vite emparés du sujet. De nombreux journaux du royaume ont sauté sur une idée lancée sur X par le polémiste d’extrême-droite Damien Rieu qui s’est demandé « pourquoi ne pas confier la gestion de la Grande mosquée de Paris au Maroc ». Les médias marocains ont aussi inventé, pour mieux légitimer l’idée, une histoire « marocaine » à la Grande mosquée de Paris.
Face à cette tempête d’attaques, Chems-Eddine Hafiz ne se laisse pas ébranler, préférant répondre par la transparence. « La double appartenance franco-algérienne, loin de remettre en cause la souveraineté de l’une ou l’avenir de l’autre, est un bien précieux », a-t-il écrit, ajoutant que, depuis 1982, « l’Algérie a apporté un soutien financier indispensable pour restaurer cet édifice en ruine ».
« Ce soutien, parfaitement conforme aux lois françaises, s’inscrit dans un cadre légal transparent, respectant les dispositions de la loi de 1905 », a-t-il encore défendu.
Jeudi, Chems-Eddine Hafiz a réagi en dénonçant une « campagne médiatique sans précédent » menée contre la plus importante institution religieuse musulmane en France avec « des attaques extrêmement virulentes, totalement mensongères ».
Le recteur de la Grande mosquée de Paris a accusé « des milieux hostiles à l’apaisement des relations entre la France et l’Algérie » d’être derrière cette campagne.
Sur les revenus de la certification Halal, il a assuré que « tout est tracé, maîtrisé, déclaré », et expliqué que l’argent sert à financer le culte musulman.
Hafiz a dénoncé aussi une campagne visant les musulmans d’une façon générale, en affirmant que « de nombreux Français de confession musulmane en viennent à douter de leur place et de leur futur dans leur propre pays », c’est-à-dire la France.