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France : l’immigration de nouveau au coeur des débats

France : l’immigration de nouveau au coeur des débats

En plein durcissement sur la question migratoire en Europe, les sénateurs français ont commencé mardi à se pencher sur un projet de loi très contesté sur l’immigration, sous l’œil critique des ONG qui multiplient les actions de protestation.

Dans le même temps, Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont annoncé à Berlin travailler à un accord entre plusieurs pays de l’espace Schengen visant à refouler tout demandeur d’asile vers l’Etat où il a été enregistré en premier.

Le texte français « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » avait été adopté dans la douleur fin avril par les députés de l’Assemblée nationale, où les oppositions d’extrême droite, de droite et de gauche avaient toutes voté contre.

Pour la première fois depuis l’élection en 2017 du président Emmanuel Macron, un député de son parti LREM (La République en marche) avait lui aussi voté contre. Quatorze autres députés macronistes s’étaient abstenus, sur les 312 élus LREM siégeant à l’Assemblée.

Signe du caractère clivant de la question migratoire, la droite avait déploré un texte trop « laxiste », alors que la gauche l’avait jugé « dangereux ».

Depuis, l’immigration s’est encore davantage imposée comme le sujet brûlant du moment, en Europe comme aux États-Unis. Ces derniers jours ont ainsi vu des centaines de migrants ballotés en Méditerranée à bord de l’Aquarius, trois ministres de l’Intérieur européens annoncer un « axe » contre l’immigration clandestine, et l’administration de Donald Trump tomber sous le feu des critiques pour la séparation des familles de clandestins.

En France, où l’on comptait près de 6 millions d’immigrés pour un peu moins de 66 millions d’habitants en 2014, le débat a fait rage sur la question du navire humanitaire Aquarius. Selon un sondage publié lundi, 56% des Français ont estimé que le gouvernement avait fait le bon choix en n’accueillant pas le bateau qui est finalement arrivé en Espagne dimanche.

C’est dans ce contexte exacerbé que le texte sur l’immigration fait son retour au Parlement, et les associations d’aide aux migrants n’ont pas manqué de faire le lien.

Un collectif de bénévoles a manifesté mardi matin devant le Sénat pour alerter à la fois sur les naufrages de migrants et protester contre le projet de loi.

– « De nouveaux Aquarius » –

Arborant des pancartes « centres de rétention = prisons » et « Morts en Méditerranée vous assumez », les militants ont entassé 348 gilets de sauvetage portant chacun le nom d’un sénateur, en hommage aux « 35.000 morts depuis 1993 » dans la traversée en mer vers l’Europe.

Des sénateurs de gauche ont pris la parole pour dénoncer le projet de loi. « D’un côté, on verse des larmes de crocodile pour l’Aquarius et de l’autre, on crée les conditions pour que se produisent de nouveaux Aquarius », a accusé le sénateur et patron du Parti communiste, Pierre Laurent.

Dans la nuit, Amnesty International a projeté sur la façade de l’Assemblée nationale des slogans en faveur de l’accueil des migrants: « parce que ça pourrait être nous un jour », ou « parce qu’il y a de la place pour tous ».

De son côté, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH), autorité morale en France, s’est dite « profondément choquée » par le traitement des migrants à la frontière franco-italienne, « où la République bafoue les droits fondamentaux.

Pour défendre le projet de loi, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb plaide une « urgence à réagir face à une situation qui se dégrade d’année en année ».

La France a enregistré un peu plus de 100.000 demandes d’asile en 2017, un record, et a accordé l’asile à 36% des demandeurs.

Le projet de loi vise à réduire à six mois, contre onze aujourd’hui, l’instruction de la demande d’asile. Parallèlement, il vise à faciliter l’expulsion des déboutés.

Au Sénat, l’opposition de droite majoritaire compte bien durcir le texte. Elle a notamment retoqué le placement en rétention des mineurs isolés, et l’assouplissement du « délit de solidarité » reproché aux personnes venant au secours de migrants.

« Le texte ne comprend aucune mesure significative ni sur l’éloignement des immigrants irréguliers, ni sur l’intégration de l’immigration régulière », a accusé le président de la commission des lois, Philippe Bas (LR, droite).

Le texte doit faire l’objet d’un vote solennel le 26 juin. Une commission mixte paritaire tentera ensuite de trouver une version commune aux deux chambres. En cas de désaccord persistant, c’est l’Assemblée nationale, tenue par les soutiens d’Emmanuel Macron, qui aura le dernier mot.

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