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Huitième vendredi : retour à la case départ

Huitième vendredi : retour à la case départ

Ce huitième vendredi de mobilisation nationale contre le pouvoir, le premier depuis la désignation d’Abdelkader Bensalah comme chef de l’État par intérim, a tout d’un retour à la case départ.

Après sept semaines de manifestations grandioses et pacifiques pour demander le départ de tout le système, Bouteflika est bien parti, mais un nouveau président aussi rejeté que l’ancien et un gouvernement dénoncé par la majorité du peuple comme étant illégitime ont été installés.

Ce vendredi 12 avril, les Algériens sortiront probablement nombreux dans les rues pour dire, comme au début du mouvement, non à un président, à son gouvernement et aux figures du système qui semblent toujours en place. Tous les événements de la semaine, les manifestations des étudiants mardi et celle des syndicats autonomes mercredi à Alger, imposantes malgré la répression, permettent de prédire une forte mobilisation.

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La tentation de réprimer

Depuis le début de la semaine et la désignation, par le Parlement, d’Abdelkader Bensalah chef de l’État, il est clair et certain que les autorités ont pris le virage répressif dans leur gestion des manifestations. Alors que jusqu’au vendredi 5 avril, les Algériens marchaient librement dans toutes les villes du pays, y compris dans la capitale, mardi, lors de la première marche importante à Alger, les étudiants ont été violemment réprimés par la police.

Canons à eau, grenades lacrymogènes et, pour la première fois, canons à son, ont été utilisés contre eux. La place de la Grande Poste a été occupée par les agents des forces de l’ordre pour y empêcher tout rassemblement, avant que les flots importants de manifestants ne la reprennent, pacifiquement.

Mercredi, les forces de l’ordre ont, de la même façon, tenté d’empêcher la marche nationale organisée à l’appel de 12 syndicats autonomes pour demander le départ de tout le système. Plusieurs blessés ont été déplorés, selon un secouriste bénévole à Alger. « Il y a, depuis mardi, plus de blessés que d’habitude. Il s’agit surtout de malaises et de blessures causées par des impacts de grenades lacrymogènes. On sent un changement net dans le déroulement des marches », a-t-il expliqué.

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Autres indicateurs de ce virage pris par les autorités, le dispositif sécuritaire déployé à Alger depuis quelques jours. À Alger-centre, sur la rue Didouche et le boulevard Mohamed V, dans le quartier de Télemly et ailleurs, les dispositifs habituels ont été fortement renforcés. Les accès est et ouest d’Alger sont également quadrillés depuis jeudi avec des barrages filtrants.

De grands renforts de gendarmerie ont également été déployés dans les wilayas de Bouira, Béjaia et Tipaza, et Blida, pour empêcher l’arrivée dans la capitale, des manifestants venant des wilayas situées à l’est et à l’ouest de celle-ci. Dès la journée de jeudi déjà, des ralentissements de la circulation sur plusieurs dizaines de kilomètres étaient signalés sur l’autoroute Est-Ouest au niveau de la wilaya de Bouira. La circulation est restée perturbée au moins une grande partie de la soirée.

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Alors que les Algériens avaient regagné le droit de manifester librement partout en Algérie, le risque d’une répression est bien de retour et les mêmes doutes qu’il y avait à la veille du 22 février concernant les intentions du pouvoir quant à sa réponse aux marches ont ressurgi, mais il ne semble pas que les Algériens soient découragés ni impressionnés.

Mardi et mercredi, alors que les forces de l’ordre tentaient d’empêcher les manifestations des syndicats autonomes et des étudiants, les manifestants scandaient « Koul youm massira !» (Chaque jour une marche) en réponse aux jets des canons à eau et des tirs de grenades lacrymogènes. Pendant ces deux jours, malgré les tentatives des forces de l’ordre de les empêcher de marcher, les manifestants sont restés pacifiques comme à leur habitude. Aucun jet de projectile n’a été constaté de la part des manifestants qui continuent, malgré tout, à scander « silmia ! silmia ! » (Pacifique ! pacifique !) et « chorta ou chaâb khawa khawa ! » (Police et peuple sont frères).

Quelle réponse du peuple au pouvoir ?

Pour répondre aux revendications que le peuple algérien a exprimées par de nombreuses manifestations impressionnantes par leur ampleur et leur pacifisme, le pouvoir a mis à la place de Bouteflika Abdelkader Bensalah et a maintenu le gouvernement Bedoui et Tayeb Belaiz à la tête du Conseil constitutionnel. « Insuffisant ! Nous voulons qu’ils partent tous ! », hurlent les manifestants depuis deux semaines. « Revendications irréalisables », lui a répondu le chef de l’état-major Gaid Salah dans son dernier communiqué, insistant sur l’application de la solution constitutionnelle.

La réponse des Algériens se fera entendre ce vendredi et dès à présent, il est possible de la deviner. Des « Non ! » unanimes seront opposés à la présidence Bensalah, au gouvernement Bedoui et à Tayeb Belaiz. Les trois B seront sans doute les cibles des slogans des manifestants partout dans le pays ce vendredi et une réponse sera apportée à Gaid Salah également. Concernant ce dernier, les Algériens sont moins unanimes que sur les autres questions. Ils sont partagés entre soutien au chef de l’armée dans une supposée lutte contre « l’État profond », des appels à agir plus concrètement en aidant au départ réel des symboles du système Bouteflika alors que d’autres voient en lui une partie du problème. Beaucoup d’Algériens voient en l’armée l’institution qui peut accélérer, voire forcer les choses, comme elle l’a fait lorsqu’elle a précipité le départ de Bouteflika.

Quelle que soit la réponse que donneront les Algériens au pouvoir ce vendredi, il est certain qu’elle sera, comme depuis le 22 février, imposante, au vu des innombrables appels anonymes ou identifiés à marcher, claire et pacifique, malgré les doutes qui commencent à planer sur la suite des événements et le risque répressif.

Depuis le début du mouvement, beaucoup de choses ont changé, beaucoup de partis, d’organisations, de personnalités et d’institutions ont changé radicalement de position mais le peuple semble, lui, être la seule constante, aussi bien dans la forme de son action, pacifique et joyeuse que dans le message qu’il envoie : départ du système et restitution de la légitimité au seul peuple.

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