Au Québec, on ne parle que de lui. Karim Zaghib, scientifique d’origine algérienne, subjugue la province francophone canadienne depuis qu’il a concrétisé son projet ambitieux d’attirer un géant mondial de l’industrie électrique pour y installer une usine de batteries.
En octobre dernier, la firme suédoise Northvolt a annoncé officiellement sa décision d’investir sept milliards de dollars dans une grande usine au Québec.
Ce n’est pas toutes les semaines qu’une telle somme est investie dans la province canadienne et c’est pourquoi la cérémonie a été marquée par la présence de hauts responsables du gouvernement du Canada, dont le Premier ministre Justin Trudeau. Tous n’ont pas tari d’éloges pour celui que la presse canadienne appelle « le cerveau branché ».
C’est Karim Zaghib qui, en 2020, s’est mis en tête l’idée de mettre à profit l’énorme potentiel du Québec pour en faire une place mondiale de l’industrie de batteries.
Considéré comme l’un des plus grands spécialistes du monde de la batterie et du stockage de l’énergie, il savait où s’adresser. Il prend contact avec le PDG de Northvolt qui n’est pas resté sensible à ses arguments. Trois ans après, le projet s’est concrétisé avec à la clé 3000 postes d’emploi. « Historique pour notre province », s’est-il félicité sur les réseaux sociaux.
Si le Québec ne manque pas d’atouts pour attirer un tel projet, la réputation de Karim Zaghib dans les milieux scientifiques et industriels a pesé lourd dans la décision de la firme suédoise, reconnaît la presse canadienne.
« Avec un tel ambassadeur scientifique (…) le gouvernement avait un atout de poids », écrit l’Actualité.com.
En plus de son bagage scientifique, Karim dispose aussi d’un incroyable réseau de contacts.
Le PDG d’Investissement Québec, Guy LeBlanc, qui l’a engagé en 2020 comme conseiller stratégique, raconte comment lui et ses collaborateurs ont été « renversés » lors d’une rencontre virtuelle organisée avec le patron du Chinois CATL, leader mondial des batteries. « Alors que le cadre était très protocolaire », l’Algérien et le Chinois « se parlaient familièrement et plaisantaient ensemble ».
Karim Zaghib est né à Constantine, en en Algérie, au lendemain de l’indépendance. Installé en France avec sa famille, il a fait des études de mathématiques et d’électrochimie à l’université de Grenoble où il a obtenu un DEA puis un doctorat.
Il a aussi fait une habilitation de physique à l’université Pierre et Marie Curie de Paris. C’est un stage de trois ans au Japon qui l’a connecté définitivement avec le monde de la batterie.
En 1995, le chercheur français Michel Armand l’a mis en contact avec Hydro-Québec et c’est la grande aventure canadienne qui commence.
Dès son arrivée, il a compris que la province canadienne a du potentiel en matière d’énergie électrique et, partant, d’industrie de batteries.
Un écosystème propice, une énergie hydro-électrique, donc verte, abondante et des institutions à l’écoute. Au fil des années, sa conviction s’est confortée en découvrant un « formidable capital humain », des ingénieurs, techniciens et chercheurs.
Karim Zaghib, le chercheur algéro-canadien aux 1.000 brevets
L’usine de batteries au lithium qu’il a pu concrétiser n’est qu’une partie de ce que Karim Zaghib a apporté au Canada.
Ses travaux de recherche, notamment pour obtenir une batterie toujours plus efficace et surtout plus verte, ont donné lieu au dépôt de près de 1000 brevets dans le monde entier, 973 précisément. Et il n’en profite pas. Un scientifique qui ne cherche pas à s’enrichir par ses travaux , ça ne court pas les rues et c’est un motif supplémentaire de l’admiration dont il jouit au Canada.
Les brevets que Karim Zaghib a déposés portent certes son nom mais ils sont la propriété de la société publique qui l’emploie.
« Je veux que mon travail crée de la richesse et contribue à construire un monde meilleur », dit-il à l’Actualité.com.
Son empreinte dans le domaine de la recherche au Canada est indélébile. A Hydro-Québec, il a laissé un centre d’excellence en électrification des transports et en stockage d’énergie composé de 150 chercheurs issus de 25 nationalités.
A l’Université Concordia qu’il a rejoint en 2022, il dirige le projet « Électrifier la société » à la tête de 140 chercheurs. Une subvention de 123 millions de dollars lui a été allouée par le gouvernement fédéral.
En plus des batteries, Karim Zaghib a une autre passion, le foot. Même après avoir quitté la France, il est resté supporter de l’Olympique de Marseille. « Quand je mourrai, je veux qu’on m’enterre avec une batterie et un ballon de foot », plaisante-il.
Lire aussi : Rencontre avec El Mouhoub Mouhoud, président de Paris-Dauphine