L’Algérie a-t-elle rétabli, dans l’hymne national Kassaman, le couplet où la France est citée nommément ? Depuis quelques jours, la question suscite la polémique sur les réseaux sociaux et fait réagir même à l’étranger.
Le moudjahid Mohand Ouamar Belhadj, ancien secrétaire général de l’Organisation nationale des moudjahidine (ONM), a félicité le président Abdelmadjid Tebboune pour ce geste. Belhadj a longtemps plaidé pour le retour dans les exécutions solennelles de ce couplet. Mais qu’en est-il au juste ?
Le texte de l’hymne national algérien a été composé pendant la Guerre de libération par le poète algérien Moufdi Zakaria. Il est composé de cinq couplets, dont le troisième cite nommément la France, indiquant à l’adresse de ce pays que « le temps des palabres est révolu » et que l’heure de « rendre des comptes » a sonné.
Dans les années 1980, sous la présidence de Chadli Bendjedid, les autorités algériennes ont tenté de supprimer le couplet de la version officielle fixée par la loi. Le motif invoqué était que l’hymne algérien était le seul au monde à citer nommément un autre pays.
Un projet d’amendement dans ce sens a été présenté devant l’APN mais il a été rejeté. Mohand Ouamar Belhadj, député à l’époque, faisait justement partie de la commission qui a rejeté l’amendement avant même d’atteindre la plénière. Il a raconté il y a un mois les péripéties de cette tentative d’amendement.
Selon Abderrazak Makri, ancien président du Mouvement de la société pour la paix ( MSP), il y a eu deux autres tentatives similaires en 1967 puis en 2007.
Le couplet n’a donc pas été supprimé. La loi du 4 mars 1986 relative à l’hymne national stipule que Kassaman est composé de cinq couplets. Le décret d’application daté du 11 mars de la même année a détaillé les conditions et les circonstances d’exécution de l’hymne national.
L’article 7 de ce décret disposait qu’« il peut être procédé à l’exécution de l’hymne national dans des circonstances ou situations spécifiques, dans sa version intégrale ou réduite, selon le cérémonial fixé par (…) : instruction du secrétaire général de la présidence de la République à l’occasion de certaines visites des hôtes de l’Algérie, arrêté conjoint entre les ministères de la Défense nationale, l’Intérieur et la Culture à l’occasion des cérémonies et commémorations nationales avec présence des autorités locales ; et arrêté commun entre le MDN, le ministère de la Culture et les ministères concernés dans tous les autres cas (…) ».
Exécution de l’hymne national Kassaman : ce qui change
Ce décret n’a pas fixé clairement quand l’hymne national peut être exécuté dans sa version intégrale ou réduite.
Un nouveau décret présidentiel promulgué en mai dernier est venu modifier celui du 11 mai 1986. Sa teneur peut être interprétée comme une manière de lever l’ambiguïté et de rendre obligatoire l’exécution des cinq couplets dans les situations prévues par la loi.
Alors que le décret de 1986 disposait que « l’hymne national est exécuté, chant et musique, suivant le cérémonial y afférent, lors… », le décret 23-195 du 21 mai 2023, stipule que « l’hymne national est exécuté, chant et musique, dans ses cinq (5) couplets, selon le cérémonial approprié, lors…».
Parmi les autres nouveautés du décret, l’exécution des cinq couplets lors des « commémorations officielles en présence du président de la République », alors que dans l’ancien décret, elle était prévue uniquement lors des congrès du parti (FLN) et l’investiture du président de la République.
L’exécution de la partition réduite (un seul couplet en musique) est, elle, prévue lors de la communication solennelle du président de la République à la Nation, des cérémonies officielles en présence du président de la République, des visites officielles des chefs d’État étrangers et des cérémonials militaires organisés au sein du ministère de la Défense nationale.
Ce nouveau décret est en somme une manière de formaliser les choses. Dans la pratique, l’exécution du couplet citant la France a été rétablie depuis quelques années. Il a été notamment exécuté lors de la cérémonie d’investiture du président Abdelmadjid Tebboune le 19 décembre 2019.