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La justice pour freiner la grogne sociale ?

La justice pour freiner la grogne sociale ?

Toufik Doudou New Press

C’est devenu un rituel : les grèves enclenchées par les syndicats sont systématiquement stoppées par la justice. Dernière décision en date : celle de ce mercredi 24 janvier concernant la grève des médecins résidents. Elle a été déclarée illégale par le tribunal administratif de Bir Mourad Raïs. Avant celle des médecins, c’est la grève du personnel navigant d’Air Algérie qui a été déclarée illégale.

Un paradoxe

Le recours systématique à la justice ne menace-t-elle pas le dialogue social en Algérie ? Meziane Meriane, président du Snapest, pense que les démarches des pouvoirs publics créent une impasse. « Avant de recourir à la justice, il aurait fallu ouvrir un véritable dialogue », explique-t-il. « Nos responsables ne sont-ils pas capables de mener des négociations ? », s’interroge notre interlocuteur.

Le président du Snapest relève le paradoxe entre les verdicts des tribunaux administratifs et la réalité du terrain : « la justice étudie la forme est non le fond. Or sur la forme, les syndicats déclenchent les grèves conformément à leurs statuts et leurs règlements intérieurs qui sont approuvés par le ministère du Travail. Je ne comprends pas sincèrement pourquoi la justice déclare illégale chaque grève ». Le syndicaliste pense que la justice doit être épargnée de ce genre conflit.

Reculer sur le droit de grève

Pour Me Boudjemaa Ghechir, avocat et militant des droits de l’Homme, le respect ou non de la procédure judiciaire par les grévistes ne se pose même pas à ce stade. « Dans la majorité des cas, la procédure est respectée. Le problème est plus profond, il est en rapport avec cette détermination du pouvoir d’étouffer les libertés individuelles et collectives », affirme-t-il dans une déclaration à TSA.

Invalider une grève est, selon cet avocat, « une manière de reculer sur le droit à la grève ». Me Ghechir  rappelle que la justice a « été de tout temps instrumentalisée par les pouvoirs publics pour mettre les bâtons dans les roues des syndicats ». Les syndicalistes sont-ils obligés d’exécuter les décisions de justice même s’ils se sentent lésés ? L’avocat est catégorique : « Oui ».

Me Amar Khababa, avocat, souligne à TSA que le premier objectif recherché par les pouvoirs publics en recourant à la justice est « la remise en cause de la légitimité de la grève pour amener les syndicalistes à renoncer à leurs actions ». Pour lui, la justice « est instrumentalisée », même si, reconnait-il, « certains syndicats ne respectent pas la procédure inhérente au déclenchement de la grève ». Me Khababa estime que « la justice administrative doit se libérer du pouvoir politique ».

La classe politique et l’UGTA absentes

Autre élément inquiétant révélé par ces grèves : les partis politiques et les élus se mettent à l’écart des conflits sociaux. La grogne qui gagne du terrain ne semble guère les secouer. Le FLN, devenu la première force politique dans le pays à la faveur des deux dernières élections, n’a pas abordé cette question en dépit des multiplies sorties médiatique de son patron, Djamel Ould Abbas. Quant au RND, son secrétaire général Ahmed Ouyahia, qui est également Premier ministre, a donné le ton lors de la dernière conférence de presse, en pointant du doigt les actions des résidents.

L’opposition ne fait pas mieux. La grogne est passée sous silence, peut être bien parce qu’elle ne coïncide pas avec un agenda électoral. Quant à l’UGTA, le partenaire social du pouvoir, elle ne semble pas concerner par le bouillonnement du front social. Nos tentatives de décrocher une réaction des membres de la centrale syndicale sont restées vaines.

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