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La précarité des médecins algériens installés en France

La précarité des médecins algériens installés en France

Beaucoup de médecins algériens s’exilent à l’étranger, particulièrement en France. Le phénomène a pris de l’ampleur depuis quelques années et devient régulièrement un sujet marquant de l’actualité.

Comme en février dernier lorsque 1200 médecins formés en Algérie ont réussi d’un coup l’examen d’équivalence qui leur permet d’exercer dans les hôpitaux français.

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On parle de 15 000 médecins algériens qui exercent uniquement en France. D’autres sont dans les autres pays d’Europe, au Golfe ou en Amérique du Nord.

Bien que leur formation coûte beaucoup à l’Etat algérien, leur choix d’aller servir ailleurs n’est jamais condamné par l’opinion publique, eu égard au taux de chômage, à la situation des infrastructures de santé algériennes et aux conditions sociales et professionnelles de ceux qui y exercent.

S’installer en France est-il donc synonyme de délivrance, d’émancipation et de vie décente pour le médecin algérien ? Les moyens et la situation sociale y sont sans doute meilleurs qu’en Algérie, mais comme le montre la protestation en cours dans les hôpitaux français, cette destination n’est pas tout à fait le paradis comme pourrait le laisser penser le nombre de plus en plus grandissant de médecins algériens qui la choisissent.

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Ce mardi 7 juin, les personnels de santé français observent, à l’appel de plusieurs syndicats, une journée de grève et de protestation, pour réclamer notamment des augmentations de salaires et une hausse des effectifs. Le mouvement est largement suivi et fortement médiatisé.

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Parmi les nombreux témoignages rapportés par la presse française, celui de Neila Adjali, chirurgienne à Marseille. Neila, 33 ans, a fait ses études en Algérie, y a obtenu son diplôme de chirurgien orthopédiste et a décidé de s’installer dans l’Hexagone, comme des milliers de ses camarades.

De son témoignage au journal Le Monde, il ressort que cet exil n’est pas la fin de la galère pour elle. D’abord, il y a ce problème d’équivalence. Même si elle a la double nationalité, elle n’est pas reconnue comme chirurgienne.

Il lui faut d’abord passer des examens et justifier de plusieurs années d’expérience en France. En attendant, elle a le statut de FFI (faisant fonction d’interne).

« Tous mes copains de promotion sont disséminés un peu partout en France. Et mon frère est FFI à Nancy », indique-t-elle. Quant à sa rémunération, ce n’est pas ce qu’on peut appeler un gros salaire, eu égard au coût de la vie en France. 1400 euros nets par mois, « soit moins qu’un interne » qui a moins d’années d’études et de travail qu’elle. C’est surtout un salaire à peine plus élevé que le SMIG en France, qui était de 1269 euros au 1er janvier.

« J’ai pourtant les mêmes responsabilités »

Une autre Algérienne, psychiatre, a témoigné dans Mediapart. A 54 ans, et après 22 ans de travail en France, elle attend toujours la reconnaissance de ses connaissances.

Interdite d’abord d’exercer comme médecin, elle a commencé comme infirmière, avant d’évoluer « J’ai été recrutée comme médecin généraliste en psychiatrie, à condition d’obtenir un diplôme universitaire. Je me suis formée trois ans. Puis j’ai travaillé aux urgences psychiatriques, tout en multipliant les examens français : une capacité en médecine d’urgence, en médecine du sport, en gynécologie », dit-elle.

Elle travaille dans un hôpital psychiatrique qui, assure-t-elle, ne fonctionnerait pas sans ses médecins étrangers. Elle gagne plus que les 1400 euros de Neila Adjali, mais son salaire n’est pas à la hauteur de ses compétences et de ses responsabilités.

« Je suis payée 3 000 euros net, quand mes collègues praticiens hospitaliers sont eux payés le double. J’ai pourtant les mêmes responsabilités, cela m’arrive de me retrouver seule à gérer les urgences psychiatriques de mon établissement. Et comme je gagne mal ma vie, je dois faire beaucoup de gardes », se plaint-elle.

« On ne peut exercer qu’à l’hôpital public, qui manque terriblement de médecins. On est une main-d’œuvre bon marché, on fait faire des économies. Le jour où les médecins à diplômes étrangers décideront tous de se mettre en grève, l’hôpital français sera paralysé », met-elle en garde.

La sous-évaluation ne concerne pas que les Algériens, mais touche beaucoup de médecins à diplôme étranger. Mediapart cite le cas de trois oncologues diplômés au Maroc, aux Philippines et au Liban.

Ils ont la nationalité française, ont passé avec succès l’examen de validation des connaissances, font de la recherche médicale, publient dans des revues, ont multiplié les diplômes en France, travaillent cinquante heures par semaine, ont huit à douze années d’expérience, mais ils gagnent toujours entre 2 100 et 2 800 € net.

« Nos carrières, nos salaires sont bloqués », crient-ils. « L’hôpital public profite des petits salaires et des contrats précaires des médecins aux diplômes extra-européens », résume le journal d’investigation.

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