Comme la Turquie en 2012, la Russie intervient directement dans le débat sur le passé colonial de la France en Algérie alors que Paris et Algérie viennent de mettre fin à 8 mois de crise inédite.
Moscou apporte son soutien à Alger dans ses efforts pour amener la France à reconnaître les crimes commis pendant la colonisation de l’Algérie entre 1830 et 1962.
Le litige mémoriel est l’un des dossiers sur lesquels bute la relation algéro-française, qui traverse régulièrement des périodes de brouille.
« La Russie soutient l’Algérie dans sa lutte pour que la France rende des comptes sur le colonialisme », a déclaré la porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, citée ce jeudi 10 avril par le média russe Sputnik.
La Russie soutient également les efforts de l’Algérie pour obtenir réparation pour « les graves conséquences passées et présentes de la colonisation et du néocolonialisme », a ajouté la porte-parole de la diplomatie russe au cours d’un point de presse à Moscou.
La Russie rappelle une nouvelle fois à la France son passé colonial en Algérie
S’attaquant frontalement à la France, Zakharova a estimé que ce pays « ne peut plus réprimer l’indépendance et la souveraineté des peuples ».
« L’héritage colonial de Paris est un fait historique », et ses crimes « restent douloureux pour de nombreux peuples du monde », a appuyé la responsable russe.
Le média russe a souligné que le Parlement algérien se penche actuellement sur l’élaboration d’une loi pour la criminalisation du colonialisme, rappelant les propos de son président Ibrahim Boughali qui a plaidé en janvier dernier en faveur d’une telle loi en raison des « attaques françaises répétées » visant à nuire à l’image de l’Algérie, ajoutant que « la crise actuelle entre l’Algérie et la France exige que l’on aborde la question de la responsabilité coloniale ».
En pleine crise politique et diplomatique avec la France, l’Assemblée populaire nationale (APN), la chambre basse du Parlement algérien, a installé en mars dernier une commission chargée de faire une proposition de loi criminalisant le colonialisme.
Le travail mémoriel entre les deux pays a été confié en 2022 à une commission mixte d’historiens. Le panel a toutefois suspendu ses travaux à cause de la crise entre Paris et Alger qui a débuté en juillet dernier.
Litige mémoriel : ce que réclame l’Algérie de la France
Les deux pays ont entrepris au début de ce mois un processus de retour à la normale. Lors de la visite à Alger du chef de la diplomatie française Jean-Noël Barrot, dimanche 6 avril, les deux parties se sont mises d’accord pour relancer tous les dossiers en suspens, y compris celui de la mémoire.
Le président Abdelmadjid Tebboune a même invité l’historien Benjamin Stora qui préside cette commission du côté français pour se rendre en Algérie afin de réactiver ce panel.
L’Algérie réclame de la France la reconnaissance de ses crimes coloniaux ainsi que le nettoyage des sites des explosions nucléaires et des essais chimiques dans le Sahara algérien.
Paris et Moscou sont en grand froid depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine et particulièrement depuis que le président Emmanuel Macron a qualifié la Russie, dans un discours prononcé le 5 mars dernier, de « menace pour l’Europe".
Ce n’est pas la première fois qu’un pays tiers en brouille avec Paris interfère dans le débat sur le passé colonial de la France en Algérie.
En janvier 2012, en réaction au vote en France d’une loi incriminant la négation du génocide arménien, le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait accusé la France d’avoir commis un génocide en Algérie.
Des propos mal accueillis par les autorités algériennes de l’époque. Ahmed Ouyahia, alors Premier ministre, avait appelé publiquement Erdogan à cesser de « faire du sang des Algériens un fonds de commerce ».
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