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La violente charge de Djilali Hadjadj contre le Parquet d’Alger

La violente charge de Djilali Hadjadj contre le Parquet d’Alger

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Djilali Hadjadj est furieux. Le président de l’Association algérienne de lutte contre la corruption émet de sérieuses réserves sur le communiqué rendu public ce lundi 1er avril par le Parquet général d’Alger qui a annoncé l’ouverture d’enquêtes sur la corruption et sur les transferts illicites de capitaux vers l’étranger et ordonné des interdictions de sortie du territoire national à l’encontre de plusieurs suspects.

Selon M. Hadjadj, tel qu’il est publié, le communiqué du Parquet est non seulement « contraire à la réglementation en vigueur », mais c’est aussi « facteur de déstabilisation ». Entretien.

Un commentaire sur le communiqué du Parquet d’Alger ?

Premièrement ce communiqué n’est pas signé. Deuxièmement, le nom du Procureur général n’apparaît pas. Si liste il y a, pourquoi ne pas la rendre publique de manière officielle ? Si le communiqué est authentique il faut rendre publique la liste. Rendre publique la liste ce n’est pas violer le secret de l’instruction.

Encore une fois, si le communiqué est authentique, le procureur général doit faire référence à la loi du 20 février 2006 relative à la lutte contre la corruption. Les motifs à propos des personnes qui feraient l’objet d’une interdiction de sortie du territoire national, doivent être rendus publics.

Jusqu’à preuve du contraire, ces personnes-là doivent bénéficier de la présomption d’innocence. Je reste persuadé que ce communiqué, même si on apprend qu’il est authentique, est contraire à la réglementation en vigueur. Et si l’authenticité du communiqué n’est pas remise en cause, le Procureur général est fautif. Tel qu’il est publié, le communiqué est facteur de déstabilisation.

Ces dernières heures, des médias ont annoncé des arrestations et des interdictions de sortie du territoire contre bon nombre d’hommes d’affaires soupçonnés de corruption. Que se passe-t-il ?

Nous n’avons pas d’informations sur ce qui se passe réellement, et nous sommes plutôt enclins à ne pas donner de crédits à ce type d’informations. À supposer que ce soit le cas, qui aurait pris ces décisions et sur quelles bases ? Pour nous, il est clair que seuls le droit et la loi doivent prévaloir. Et puis, comme par enchantement, la justice qui est dans un état de délabrement avancé, se réveillerait subitement pour alpaguer telle ou telle personnalité suspecte de corruption, alors que cette même justice était en hibernation pendant 20 ans, voire même a obéi aux ordres de l’Exécutif, et surtout plus grave, cette justice a systématiquement et arbitrairement jeté en prison des dizaines de lanceurs d’alerte et autres dénonciateurs de la corruption. Nous disons oui à un État de droit, qui reste à construire, et non à une chasse aux sorcières aux effets dévastateurs !

Ces arrestations sont-elles annonciatrices d’autres à venir ?

Nous disons clairement non à toute mesure arbitraire non fondée sur le droit et la loi ! Dans le pouvoir en place ou les morceaux qu’il en reste, qui serait habilité à arrêter qui ou en aurait la légitimité ? Nous l’avons déclaré haut et fort pendant des années : la Cour suprême était le cimetière des grosses affaires de corruption impliquant des dignitaires du régime, et certains de ces dignitaires continuent d’occuper des fonctions importantes, même au sein des plus hautes juridictions du pays ! Et le dossier Khalifa est très évocateur à ce sujet…

Y a-t-il une réelle volonté de lutter contre la corruption ou s’agit-t-il tout simplement d’une diversion, voire d’une lutte de clans ?

Il n’y a jamais eu de volonté politique pour lutter contre la corruption, bien au contraire : la corruption pendant ces 20 dernières années, engraissée par la manne pétrolière, a été un instrument de pouvoir et du pouvoir pour se maintenir, un pouvoir qui avait pour devise : « Enrichissez-vous ! Et laissez-nous nous enrichir ! ». Et puis, ce n’est pas ce qui reste du pouvoir actuellement qui pourrait changer les choses : il serait plutôt tenté de choisir l’option du « sauve-qui-peut », de protéger ses arrières et d’imposer une « immunité à vie » pour ses principaux dignitaires, voire une « amnistie » pour tous les crimes économiques et financiers commis par ses « fidèles ».

Des magistrats et des avocats ont alerté sur un phénomène de fuites de capitaux en appelant les institutions bancaires et financières à faire preuve de vigilance en ces temps troubles. La situation est-elle si inquiétante ?

Initiatives opportunes à saluer, mais il faut faire plus. La pression populaire doit se faire plus forte sur l’Exécutif actuel, aussi décrié soit-il, tout en ciblant les institutions les plus habilitées à prévenir et à limiter les risques de fuite des capitaux. Je fais allusion notamment à la Banque d’Algérie, à la Cellule de traitement du renseignement financier (CRTF), à l’administration du Trésor, aux Douanes algériennes, à la police des frontières, etc… Oui la situation est inquiétante car les risques de fuite des capitaux sont très élevés dans un contexte d’instabilité politique.

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