L’Algérie vise la relance de la culture du tournesol avec, dans un premier temps, un objectif de 45 000 hectares, afin d’alimenter les usines de trituration de graines oléagineuses comme celle du groupe Cevital.
Au début du printemps, des réunions techniques se sont déroulées du nord au sud du pays pour inviter les agriculteurs à découvrir cette nouvelle culture et l’approvisionnement en semences assuré. Au nord du pays, les premiers résultats sont encourageants.
À Annaba, Abderrahmane Bordjiba fait visiter son champ de tournesol à un technicien de la société Sarl Green Naciral. S’avançant dans la parcelle, il est vite entouré d’énormes fleurs de tournesol.
Toutes tournées du même côté, elles sont d’un jaune éclatant et dépassent la masse verte du feuillage. Une masse impressionnante de feuilles et de tiges qui ont profité des dernières pluies qui se sont abattues sur le nord de l’Algérie en mai et début juin. Le technicien a filmé la visite et l’a postée sur les réseaux sociaux.
Il lance à l’agriculteur : « C’est à peine si l’on arrive à vous voir au milieu de cette végétation ! ». Ravi, l’agriculteur indique : « les plantes atteignent presque 2 mètres de haut ». Enchanté, le technicien de la société importatrice de semences ajoute : « Je vous souhaite pour l’année prochaine de semer 30 hectares de tournesol ».
Une végétation impressionnante
Si l’humidité de ces dernières semaines est la cause de nombreuses attaques de maladies sur les cultures de tomates de conserve, dans le cas du tournesol aucune trace de maladies sur le feuillage.
Sur ces parcelles n’ayant jamais porté de tournesol, le niveau de spores de champignons inféodés à cette culture reste pour l’instant insignifiant.
S’emparant d’un capitule, le technicien écarte les pétales et laisse apparaître des rangées de graines de couleur noire. Le nombre de graines formées et leur taille augure d’une bonne récolte de graines de tournesol. Plus loin, des abeilles butinent les fleurs et assurent leur pollinisation.
« La culture du tournesol est plus simple que celle du colza » se félicite le technicien, « mais il faut que l’on trouve un herbicide » pour le désherbage.
Défaut d’approvisionnement ? L’agriculteur a été obligé de désherber manuellement sa parcelle et pour cela a mobilisé une dizaine d’ouvriers agricoles pendant 2 à 3 jours.
Un problème qui peut trouver une solution avec l’emploi d’un herbicide ou le recours au désherbage mécanique à l’aide d’une houe rotative. Un outil couramment utilisé par les agriculteurs ukrainiens et russes, mais actuellement indisponible en Algérie.
Autre point critique, la densité de pieds. Lors de la levée, il a été noté la disparition de quelques pieds le long des lignes de semis.
Des 100.000 graines semées, il n’en est resté que 80.000. Dégâts de pigeons, obstacles à la germination telles des mottes de terre ? En culture de tournesol, comme il n’y a qu’une fleur par pied, c’est la densité de pieds qui contribue au rendement.
Mais, à quelques semaines de la récolte, la masse de la végétation est telle qu’elle masque ces manques de pieds et qu’un phénomène de compensation a pu s’opérer avec des fleurs de plus grande taille.
Le rendement le confirmera. Abderrahmane Bordjiba reste confiant et confie : « Dans notre pays, toute culture peut convenir, il faut seulement donner les moyens aux agriculteurs de travailler ».
Algérie : une année exceptionnelle pour le tournesol
Au vu de belles parcelles dans les régions d’Annaba, El Tarf et Guelma, est-ce dire que la culture du tournesol est définitivement lancée en Algérie ? La réussite de son exploitation, Abderrahmane Bordjiba la doit à son sérieux, mais également au sol profond de ses parcelles et à une pluviométrie exceptionnelle.
Les précipitations qui ont fait défaut en mars et avril ont été présentées en mai et juin. Qu’en sera-t-il les autres années, notamment à l’intérieur du pays.
Le programme de développement de la culture du tournesol constitue un défi. Avec un rendement moyen de 25 quintaux et en fonction du prix au quintal proposé par l’Office algérien des céréales (OAIC), la marge financière à l’hectare est largement positive, d’autant plus qu’une fois la culture implantée et correctement désherbée, elle ne demande plus d’intervention.
La disponibilité en semences de tournesol a été largement assurée, le questionnement reste dans la définition des dates de semis selon les différentes régions et étages bioclimatiques correspondants.
Ceux-ci vont des plaines côtières abondamment arrosées, au sud aride, en passant par l’intérieur du pays caractérisé par des sécheresses printanières.
Or, le tournesol est semé au printemps et a donc besoin d’un minimum de pluie pour germer. Est-on sûr d’en disposer chaque année ? Dans ce cas, en zone semi-aride, ne faut-il pas privilégier la culture du colza en alternance avec les céréales comme le pratiquent aujourd’hui les agriculteurs dans le sud de l’Australie ?
Le défi du programme tournesol
La nécessité de semis printaniers est liée aux besoins des semences en températures clémentes pour germer. L’apparition de nouvelles variétés permet cependant des semis plus précoces réalisés en février et donc en période plus arrosée par les pluies.
En Algérie, le défi des services agricoles est donc de déterminer une cartographie des régions à tournesol ou à colza et de définir les périodes optimales de semis.
Le tournesol possède l’avantage d’un enracinement profond, ce qui lui permet de profiter de l’humidité du sol si les agriculteurs l’installent au niveau de leurs meilleures parcelles.
En tant que culture d’été, le tournesol risque d’être confronté au déficit hydrique, mais heureusement la plante valorise admirablement l’irrigation de complément et peut se contenter de deux arrosages à condition qu’ils soient judicieusement positionnés autour de la floraison.
Perte à la récolte et dégâts d’oiseaux
Dans les régions d’Annaba et d’El Tarf, si la récolte de tournesol s’annonce prometteuse après les pluies de mai et de juin, reste l’inconnue des dégâts d’oiseaux et des pertes à la récolte.
En cas d’attaque de moineaux sur les capitules chargés de graines, le faible nombre d’hectares actuellement plantés en tournesol risque de concentrer les attaques.
Quant à la récolte, les engins dédiés nécessitent d’être dotés d’une barre de coupe munie de becs cueilleurs spécifiques, un matériel nouveau différent de celui employé pour le blé. Les exploitations disposeront-elles à temps de ce matériel encore peu courant ?
En Algérie, le programme de relance des oléagineux est ambitieux. L’objectif au nord de 45.000 hectares n’est qu’une première étape. Les services agricoles indiquent que des centaines de milliers d’hectares sont susceptibles d’être emblavés de tournesol ou de colza.
Contrairement aux céréales, les oléagineux ne produisent pas de paille. Or, il s’agit d’un produit recherché par les éleveurs et que les agriculteurs s’empressent de vendre aux plus offrants.
Certes, l’alternance des cultures permises par les oléagineux présente l’avantage de nettoyer les parcelles des parasites et ravageurs inféodés aux céréales et de ce fait d’améliorer les rendements.
Avec des prix d’achat au quintal supérieurs à 7.000 DA, les pouvoirs publics ont également assuré l’attractivité financière de ces nouvelles cultures.
Pour rappel, l’objectif est de contribuer à l’approvisionnement des usines locales de trituration pour produire des huiles végétales 100% algériennes.
En une seule journée, une usine moderne peut triturer 5.000 à 6.000 tonnes de graines de tournesol. En tablant sur un rendement moyen de 25 quintaux à l’hectare, l’objectif actuel de 45.000 hectares de tournesol permettra de produire 11.250 tonnes de grains. Soit de quoi assurer le fonctionnement d’une usine de trituration durant deux jours, ce qui loin des besoins de l’Algérie.
Afin d’assurer l’adhésion des agriculteurs à ces nouvelles cultures, le côté financier étant assuré avec des prix rémunérateurs, c’est la qualité du suivi technique des agriculteurs qui sera déterminante dans la réussite du programme oléagineux.
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