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Le prince héritier Mohamed Ben Salman est-il le bienvenu au Maghreb ?

Le prince héritier Mohamed Ben Salman est-il le bienvenu au Maghreb ?

Mohamed Ben Salmane (MBS), prince héritier de l’Arabie Saoudite, a entamé jeudi 22 novembre, une tournée dans les pays arabes et musulmans. Il entame son périple alors que l’affaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi n’a pas livré tous ses secrets et risque d’éclabousser davantage le Palais royal.

Le futur roi d’Arabie Saoudite, critiqué en Europe et en Amérique du nord et défendu par le président américain, a débuté sa tournée par les Émirats arabes unis, principal allié de Ryad dans la région arabe.

Les deux pays, qui qualifient leurs relations d’historiques, mènent ensemble des opérations militaires au Yémen et coordonnent leurs actions militaro-politiques en Syrie et en Libye.

Après Abu Dhabi, MBS ira ensuite au Bahreïn, en Egypte, en Tunisie, en Mauritanie et en Algérie. Il se rendra entre temps en Argentine pour assister au 13e sommet du G20, prévu les 30 novembre et 1er décembre prochains. À Buenos Aires, MBS doit rencontrer le président turc Recep Tayyip Erdogan pour la première fois depuis l’éclatement de l’affaire Khashoggi.

Apprendre « le métier diplomatique »

La tournée arabe de MBS suscite un vif débat dans les médias et sur les réseaux sociaux au Maghreb et au Moyen-Orient. Il y a, d’abord, les experts qui estiment que le prince héritier saoudien a besoin de « s’initier » au travail diplomatique avant son installation sur le trône et de s’assurer de l’appui arabe face aux nombreuses critiques internationales après l’assassinat, dans des conditions horribles, du chroniqueur du Washington Post, au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, le 2 octobre dernier.

Mis à part Le Caire, Abu Dhabi, Nouakchott et Manama, les autres capitales arabes se sont montrées prudentes sur la question. Alger n’a pas réagi à l’affaire Khashoggi. Tunis a timidement condamné l’assassinat du journaliste.

« L’affaire ne doit pas constituer une occasion pour déstabiliser le Royaume », a nuancé Khemaies Jhinaoui, ministre tunisien des Affaires étrangères.

Des avocats tunisiens déposent plainte contre la venue de MBS

Nouakchott a clairement pris position en faveur de Ryad en dénonçant « la campagne d’allégations fallacieuses qui ne sert ni la transparence de l’enquête ni sa crédibilité ».

Nouakchott s’est dit également confiant en la justice saoudienne, en sa capacité et en sa volonté « de parvenir à dévoiler toutes les circonstances qui ont entouré l’incident ». La Mauritanie a soutenu l’Arabie Saoudite dans sa campagne contre le Qatar, en juin 2017.

En Tunisie, cinquante avocats, menés par Nizar Boujelal, ont déposé plainte, à la demande d’un groupe de journalistes et de bloggeurs, pour empêcher la visite du prince héritier saoudien, prévue mardi 27 novembre.

« Nous voulons savoir pourquoi Khashoggi a été tué », a déclaré le journaliste Khalil Hanachi, à la chaîne qatarie Al Jazeera. Le syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT) a saisi, par lettre, le président Béji Caïd Essebsi pour lui exprimer son refus de la venue de MBS en Tunisie.

Le SNJT a qualifié le prince héritier de « véritable ennemi » de la liberté d’expression. Un rassemblement de protestation est prévu devant le Palais Carthage pour dénoncer une visite considérée comme « une provocation » (certains ont rappelé que l’Arabie Saoudite héberge toujours l’ex-dictateur tunisien Zine Al Abidine Ben Ali).

« Mohamed Ben Salam va visiter la Tunisie le 27 novembre, et il est le bienvenu, comme tous les frères arabes », a réagi Nourredine Ben Neticha, conseiller du président tunisien Béji Caïd Essebsi.

Les Algériens évoquent « Abou Minchar »

En Algérie, des voix se lèvent pour dire « non » à cette visite. Le président du MSP Abderrazak Makri a jugé que « les conditions actuelles ne permettaient pas de recevoir le prince héritier Mohamed Ben Salman ». « Il est responsable de la mort de beaucoup d’enfants au Yémen, de prédicateurs et d’intellectuels et de l’assassinat, à la façon de Daech, du journaliste Jamal Khashoggi », a déclaré M. Makri, ce samedi. « Il veut faire de l’Algérie une république bananière », a-t-il dénoncé, et les algériens « disent non ».

Une pétition a été lancée sur internet pour s’opposer à la venue de MBS. « L’héritier, le plus en vue, du trône, pour être le futur gardien des lieux saints de l’islam, a montré un visage de réformiste. Mais, il est poursuivi d’une ombre fallacieuse. Elle est encore indéchiffrable, car il est jeune et des faits récents disent long sur les méthodes criminelles de son pays. A cause des nombreuses victimes qui, comme nos frères du Yémen, doivent ressentir notre solidarité d’Algériens dignes à leur vulnérabilité », est-il écrit dans cette pétition contre la venue de MBS et qui a déjà récolté plus de 1100 signatures.

Sur Facebook et Twitter, de nombreux internautes ont rappelé l’implication de l’Arabie Saoudite dans la guerre au Yémen, « livrée à la famine et aux maladies », et en Syrie.


La retentissante affaire Khashoggi n’a pas échappé aux internautes algériens qui ont publié des photomontages montrant MBS dans la position d’un tueur muni d’une scie mécanique sous l’appellation parodique de « Abou Minchar ».

En revanche, un hashtag en arabe a été lancé pour contrer cette campagne : « Bienvenu au prince héritier saoudien dans son deuxième pays ». Un texte accompagne le hashtag pour dire que les algériens qui sont hostiles à la visite de MBS sont « les moutons d’El Bena » (Hassan El Bena, fondateur du Mouvement des Frères Musulmans en Egypte) et de « El Khenzira » (pour désigner Al Jazeera). Le site tunisien Kapitalis croit savoir, de son côté, que la visite de MBS en Algérie pourrait être annulée, en raison d’un agenda interne chargé.

| LIRE AUSSI : Pourquoi le prince héritier saoudien MBS vient en Algérie

Risque d’interpellation en Argentine

L’universitaire Abdelali Rezagui a confié à Al Jazeera.net que MBS souhaite que l’Algérie serve « d’intermédiaire » entre lui et la France et entre lui et l’Afrique pour « améliorer son image auprès des opinions » après l’affaire Khashoggi.

En Egypte, des blogueurs ont lancé, pour leur part, la campagne contre « The killer » (le tueur) pour dénoncer la seconde visite du prince héritier saoudien à leur pays (la première était en mars 2018) qualifiée de « honteuse ». Le journal britannique The Guardian a souligné que MBS pourrait être mis aux arrêts en Argentine en cas de dépôt de plainte contre lui pour « le meurtre de Jamal Khashoggi » quelque part dans le monde, selon le principe de « la justice universelle ». L’ONG Human Rights Watch a rappelé que le prince héritier n’a pas d’immunité puisqu’il n’est pas encore chef d’Etat, donc il n’est pas pas couvert par les conventions internationales.

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