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Législatives : « Ma femme m’a servi le café et m’a sommé de ne pas aller voter ! »

Législatives : « Ma femme m’a servi le café et m’a sommé de ne pas aller voter ! »

TSA - Hadjer Guenanfa

Sur le boulevard Mohamed Belouizdad (ex-Belcourt), les magasins sont presque tous ouverts mais les clients se font rares ce jeudi 4 mai en fin de matinée. Les écoles et autres établissements qui font office de bureaux de vote ressemblent à des bâtisses abandonnées. Seule la présence de quelques policiers et d’agents de la Protection civile rappelle que des élections ont lieu ce jour de semaine, décrété chômé et férié.

©TSA – Hadjer Guenanfa

À 11 heures, le bureau de vote Makhlouf Zenati a comptabilisé 117 votants sur 1340 inscrits. C’est très peu. Le scrutin est cependant sur toutes les lèvres même s’il ne semble susciter un grand engouement. Près de Laâqiba, Samir et ses deux amis en parlent justement. Ils n’ont pas voté. « Pourquoi je vais voter ? Ou est-ce que je vais voter pour une candidate qui dit qu’il faut augmenter le salaire des députés parce que tout le monde lui bipe et elle doit les rappeler ? », se demande Samir, la trentaine bien entamée.

©TSA – Hadjer Guenanfa

Habitués des réseaux sociaux, Samir et ses amis suivent de près la vie politique du pays et ses nombreuses histoires anecdotiques. Mais ils restent totalement insensibles aux discours sur la stabilité du pays ressassés par les responsables du pouvoir et certains partis. « Voter pour la stabilité de qui ? Pour leur stabilité ? La stabilité du pouvoir ? Je suis chômeur et je n’attends rien de l’État », tranche Amine. Samir poursuit, sans aucune ironie : « Ah si seulement j’avais un passeport français, j’aurais voté pour Macron. Vous avez vu le niveau du débat ? ».

©TSA – Hadjer Guenanfa

« Ma femme m’a sommé de ne pas aller voter »

Il est midi et le quartier semble avoir du mal à sortir de sa torpeur. Brahim commence à peine à installer sa table sur laquelle il propose des articles à l’effigie du club de foot du quartier, le CRB. « Laissez-moi tranquille ! J’ai une chose à dire : je ne vote pas. Autre chose : je ne fais pas confiance aux journalistes ! », lâche-t-il. Un vieux fonctionnaire observe la scène et renchérit : « Une fois élus, quand ils passent par le quartier, ils ne s’arrêtent même pas pour vous voir ».

Ses trois voisins, des quinquagénaires, ont l’air un peu plus décontractés, un peu moins grisés par la situation.  Eux aussi n’ont pas jugé nécessaire d’aller vers les bureaux de vote. Vêtu d’une gandoura sombre, les cheveux gris et la barbe fournie, Abdelkader s’amuse : « Ma femme m’a servi du café ce matin et m’a sommé de ne pas aller voter ». Une allusion au dernier discours du Premier ministre à Sétif où il appelle les femmes à exiger de leurs maris d’aller voter et de ne pas leur servir le café avant.

« J’ai voté blanc »

Direction un autre quartier populaire de la capitale, Bab El Oued. Sur la route en passant par la rue Hassiba Ben Bouali, la Grande poste et le boulevard Zighout Youcef, la circulation est fluide. Certains profitent de cette journée chômée payée pour aller pêcher ou s’installer sur les plages. Khaled, chauffeur de taxi, travaille toute la journée. Il a voté ce matin dans l’école de sa commune de naissance à Bloghine.

« J’ai voté blanc. Dans certains dossiers, on peut vous exiger maintenant la carte de vote. Moi j’ai des enfants. Donc je fais attention. On ne sait jamais », explique-t-il. Sur l’avenue Colonel Lotfi à Bab El Oued, les habitants tiennent le même discours. « Même si mon père est candidat, je ne me porterai pas garant pour lui tellement la situation est pourrie dans ce pays. Personne dans mon entourage ou parmi les gens que je connais n’a voté », précise Omar debout devant un café maure du quartier. Son ami ajoute : « Seuls ceux qui attendent de recevoir leurs logements ou attendent quelque chose se sont déplacés dans les bureaux de vote ».

Parmi les quelques commerçants interrogés, seul Amar a voté pour… Louisa Hanoune. « Elle court depuis Chadli. Qu’il la laisse gouverner pour deux ou trois ans. Peut-être que ça va marcher », pense-t-il. À Bouloughine, l’affluence est toujours aussi faible dans les bureaux en début d’après-midi.

Un gobelet de café à la main, Amar grille une cigarette juste à côté du centre de vote Youssef Naimi. « On vote ou pas, les listes sont faites à l’avance », affirme-t-il.

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