search-form-close
L’opération « mains propres » de Tebboune et les « rapports » reçus par Bouteflika

L’opération « mains propres » de Tebboune et les « rapports » reçus par Bouteflika

Le président Abdelaziz Bouteflika a sévèrement rappelé à l’ordre, mardi 8 août, son premier ministre Abdelmadjid Tebboune et à travers lui plusieurs ministres directement impliqués dans la gestion des importations et de l’investissement. Ce rappel à l’ordre, qui sonne comme un désaveu, a été rendu public via la chaîne de télévision Ennahar TV.

Aussi bien dans son contenu que dans sa forme, cette sortie du chef de l’État est inédite. Mais elle pose plus de questions qu’elle n’apporte de réponses dans la confusion actuelle. En intervenant dans le débat et en recadrant son gouvernement, Bouteflika est certes dans son rôle, celui de président-arbitre, gardien des institutions et des équilibres. Mais, dans cette affaire, son arbitrage est intervenu un peu trop tard. Le Premier ministre était allé trop loin dans l’application de son engagement, tenu devant les députés, de séparer entre l’argent et le pouvoir politique.

Plus inquiétant encore, dans ses « instructions » au gouvernement, le président donne l’impression de découvrir une situation pourtant connue de tous : des importations bloquées alors que les commandes avaient été passées avant l’instauration des licences – ce qui est contraire aux règles élémentaires appliquées en matière de commerce international-, des instructions données aux banques pour prioriser le logement au détriment de l’investissement, des pressions exercées sur les hommes d’affaires…

| LIRE AUSSI : Tebboune exige une application stricte du système des licences d’importation

Aujourd’hui, une question se pose : pourquoi le chef de l’État a-t-il attendu plusieurs semaines avant d’agir ? La réponse se trouve sans doute dans la nouvelle méthode de gestion des affaires du pays depuis la maladie du chef de l’État. Une méthode qui commence à montrer sérieusement ses limites. Quand un président ne reçoit jamais son premier ministre pour des séances de travail et ne tient que deux ou trois conseils des ministres par an – un seul depuis le début de l’année en cours-, il est tout à fait logique d’arriver à ce genre de situations. Si le Président avait été en contact régulier avec son gouvernement, il aurait sans doute arbitré progressivement et corrigé les excès, évitant au gouvernement et aux institutions de l’État de se donner en spectacle de cette manière.

L’autre anomalie concerne ces mystérieux « rapports » qu’aurait reçus le chef de l’État, selon Ennahar TV, avant de prendre sa décision de rappeler à l’ordre son Premier ministre. D’où viennent ces rapports ?  Qui les a commandés ? En théorie, le travail du gouvernement est contrôlé par le Parlement. Quand la loi n’est pas respectée par le gouvernement, comme le suggère Bouteflika dans son rappel à l’ordre, il y a le Conseil constitutionnel et le Conseil d’État pour la rappeler et la faire respecter.

Or, l’existence de ces « rapports » reçus par Bouteflika laisse entendre que ces institutions ont été court-circuitées par une autre institution, sans doute sécuritaire. C’est en somme un retour aux anciennes méthodes : le DRS qui contrôlait le travail des institutions civiles.

Enfin, dans cette affaire, une institution est particulièrement malmenée. C’est la justice. Une opération « mains propres » n’est pas une affaire de Premier ministre ni de ministres mais celle de la justice. Elle doit être menée dans le respect de la loi et dans la transparence.

  • Les derniers articles

close