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Lutte anti-Covid : énorme faille dans le dispositif algérien

Lutte anti-Covid : énorme faille dans le dispositif algérien

L’Algérie lutte depuis plusieurs mois contre la pandémie de coronavirus Covid-19. Alors que le pays fait face à une recrudescence des cas de coronavirus, le manque de traçabilité des cas Covid représente un trou béant dans le dispositif de lutte et complique davantage les efforts du personnel soignant.

Pratiquement l’ensemble des structures et services composant l’hôpital de Douéra dans l’ouest d’Alger est désormais dédié à la lutte contre la maladie à coronavirus Covid-19, a annoncé le docteur Djamila Ait Yahya de l’hôpital de Douéra.

« La forme du Covid a changé, les malades qu’on reçoit ces jours-ci sont des malades en détresse respiratoire c’est-à-dire des malades qui nécessitent la présence d’une source d’oxygène. Au début nous avons eu une petite difficulté à admettre tous les patients. Les patients étaient souvent orientés vers d’autres structures. Les structures elles-mêmes étaient débordées et faisaient la même chose. Donc nous avons remarqué qu’il y avait un petit malaise », explique le docteur Aït Yahya dans une déclaration à TSA.

« Par contre ces derniers temps nous avons réglé le problème d’oxygène. Nous avons dédié toutes les sources d’oxygène capables de recevoir un malade au Covid. L’hôpital de Douéra a un service de rhumatologie, de sceptique, de chirurgie générale, d’orthopédie, de médecine interne et de Covid. Pratiquement tout l’hôpital est dédié au Covid, parce que nous n’avons pas pu travailler en refoulant des patients », fait-elle savoir.

Le docteur Djamila Aït Yahya indique également que la situation demeure particulièrement inquiétante avec des services submergés, même si une légère accalmie a été constatée. « Nous sommes submergés. Nous l’avons été aux premiers jours plus que ça, aujourd’hui on remarque qu’il y a une légère accalmie. Par contre les malades qui sont en train d’arriver et en salle d’attente sont des malades qui dé-saturent et nécessitent une oxygénothérapie », relate le médecin.

Le Dr Aït Yahya a aussi tenu à rendre hommage à la conscience de la population qui ne se déplace désormais plus aux urgences qu’en cas de symptômes graves. « C’est rare de trouver qu’un patient arrive aux urgences et ne nécessite pas une oxygénothérapie », affirme le docteur, soulignant que « même chez la population, le citoyen a compris, et ça c’est magnifique, qu’il ne faut pas encombrer les urgences inutilement ».

« Ça m’a étonné parce que d’habitude, ce sont des gens qui n’ont pratiquement qu’une petite symptomatologie Covid, un petit syndrome grippal ou une petite diarrhée, qui arrivent et nous demandent de faire un effort supplémentaire. J’ai l’impression que désormais les gens ont compris de ne pas submerger les urgences par des consultations inutiles », se félicite-t-elle, précisant que « ce sont de vraies urgences qui arrivent aujourd’hui ».

La nécessité de dédier l’ensemble des services à la lutte anti-Covid n’a cependant pas été sans conséquences, puisque les patients atteints d’autres pathologies ont été quelque peu relégués au second plan.

« Il y a un ressenti de malades délaissés », affirme le Dr Aït Yahya, indiquant que l’hôpital a uniquement gardé « un service pour les urgences médicales qui font l’extrême urgence » et « un service d’hospitalisation de médecine interne au niveau du nouvel hôpital. C’est une structure qui a été rouverte et préparée pour recevoir les patients cardiaques, les syndromes coronariens, les pathologies de médecine interne », précise-t-elle, estimant que cette solution n’est pas idoine.

« Dédier tous les services au Covid n’est pas la bonne solution », estime le médecin, ajoutant qu’il « faut savoir que les gens compliquent parce qu’ils ont des comorbidités. Les gens sont en train de compliquer chez eux et il y a le Covid. Il est partout. Il faut réfléchir à une autre manière de travailler, une autre stratégie », soutient-elle.

Le docteur Djamila Ait Yahya déplore également l’absence de traçabilité des patients atteints du Covid, qu’elle estime due au fait que les données des malades dépistés par les laboratoires privés ne soient pas remontées vers la tutelle.

« Nous avons perdu la tête du fil. Chacun fait du Covid à l’extérieur, chacun traite à sa manière les patients Covid. Les privés le font, les cliniques… mais la traçabilité n’est plus recherchée », déplore le docteur.

« On ne cherche plus à garder la preuve que cette personne est infectée, que cette famille et son entourage ont été touchés. Au contraire, les gens se cachent. Ce sont les gens qui ont les moyens de se faire dépister à l’extérieur et se faire traiter à l’extérieur. Ils ne déclarent pas leur pathologie et entre temps ils font des dégâts », dénonce le médecin, qui préconise à la profession de rassembler ses moyens.

« L’urgence est de rassembler d’abord nos moyens. Dire que le public fait ce travail, que le privé fait ce travail, et rassembler. Les laboratoires privés doivent signaler les cas positifs à la tutelle. Le Cenep n’est pas au courant de ces formes qui sont à l’extérieur et je peux vous dire c’est carrément des clusters, c’est des familles toutes entières qui sont malades et qui sont traitées à domicile et qui ont des extracteurs d’oxygène et qui ont un traitement. Peut-être même qu’il y a des jeunes avec eux qui sont asymptomatiques, qui sortent sans bavette, sans protection, et sont en train de contaminer et propager la maladie », avertit le docteur.

« C’est pour ça qu’il faut changer notre façon de voir et rassembler tous nos moyens. Il faut avoir une nouvelle organisation et chercher à rassembler tout ce que nous avons comme capacités et redonner une autre vision à cette pandémie », conclut le Dr Djamila Aït Yahya.

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