Société

Maîtrise de l’anglais dans le monde : pourquoi les Algériens sont les derniers de la classe

L’Algérie s’est classée à la 81e place sur 88 pays dans l’English Proficiency Index (EPI), « plus grande étude mondiale sur les compétences en anglais », établie par la multinationale de l’enseignement des langues et du séjour linguistique, Education First (EF).

Une contre-performance que Flora Stienne, ancienne présidente de Campus France Algérie et actuelle directrice d’Education First Algérie, explique par plusieurs facteurs, dont le plus important, d’après elle, est le peu d’intérêt que portent les Algériens pour cette langue.

« Le principal souci de l’Algérie est qu’elle ne fait pas assez la promotion des langues étrangères, en particulier de l’anglais », explique-t-elle, ajoutant qu’« il n’y a pas encore de volonté assez forte de former des bilingues ou des trilingues à la sortie de l’école ».

Ce manque d’intérêt pour l’anglais se reflète dans l’âge auquel un enfant algérien commence à apprendre l’anglais. L’enseignement de cette langue n’étant « pas systématique au primaire », ce qui empêche les jeunes algériens de progresser rapidement car, d’après Mme Stienne, « plus on apprend l’anglais jeune, mieux on le maîtrise, mais malheureusement, ce n’est pas le cas en Algérie ».

Des méthodes et des programmes en mal d’actualisation

La méthodologie et les techniques d’enseignement de l’anglais laissent elles aussi à désirer, selon notre interlocutrice. « Les cours d’anglais en Algérie sont basés sur l’écrit et l’apprentissage par cœur », note-t-elle à ce sujet en donnant comme exemple les étudiants reçus à EF Algérie. Ces derniers ont eu « des formations dont la méthodologie tournait autour de l’apprentissage par cœur de la grammaire et du vocabulaire et qui était éloignée de l’anglais parlé de tous les jours », explique-t-elle.

Ce système dans lequel « on n’insiste pas assez sur l’oral » permet « d’apprendre les règles de grammaire », ce qui n’est pas suffisant pour « parler dans la rue, pour demander son chemin à Londres par exemple », estime la directrice d’EF Algérie.

Le manque d’actualisation des programmes et techniques d’enseignement de l’anglais est une autre entrave au développement de la langue dans le pays, d’après Flora Stienne pour qui l’apprentissage de cette langue se fait de plus en plus sur des supports nouveaux comme les applications et appareils électroniques.

Les écoles de langues privées sont de plus en plus nombreuses mais toutes n’offrent pas une bonne qualité d’enseignement de l’anglais. « Il y a de plus en plus d’écoles de langues ouvertes mais pour quelle qualité ? », s’interroge Mme Stienne constatant que dans nombre de ces écoles, les professeurs n’ont pas le niveau requis pour enseigner. « J’ai vu des écoles avec des professeurs qui ont le niveau A1 ou A2, qui correspondent à un niveau débutant avec lequel on ne peut pas enseigner », déplore-t-elle.

Le français et l’anglais en concurrence directe

La piètre maîtrise de l’anglais par les Algériens est en partie due à la « grande place » qu’occupe la langue française dans le pays, selon la Directrice d’EF Algérie. « Une bonne partie de la population est francophone et les parents transmettent cette langue à leurs enfants », explique-t-elle, rappelant la « nécessité » qu’ont les Algériens de maîtriser le français, notamment dans les universités.

Les places, tout aussi mauvaises, occupées par les pays voisins dans le classement EPI est un argument en faveur de cette hypothèse pour notre interlocutrice qui y voit la manifestation du « même phénomène ». « Ce sont des pays naturellement tournés vers le français et où cette langue prend beaucoup de place alors que l’apprentissage de l’anglais n’y est pas systématique dans le primaire », détaille-t-elle.

Les jeunes et les habitants du sud meilleurs en anglais

Toutefois, « le français perd déjà du terrain au profit des autres langues et à l’avenir les Algériens parleront plus anglais », prédit Flora Stienne, se basant sur son constat concernant les nouvelles générations. Celles-ci sont, d’après elle, « de plus en plus connectées, et de plus en plus en immersion dans le monde anglophone », ce qui en fait de meilleurs locuteurs de l’anglais.

« Les jeunes appartenant à la tranche d’âge 18-25 ans parlent mieux anglais et s’y intéressent plus », avance Mme Stienne. Un constat « personnel » qui a besoin d’être confirmé par des études plus poussées, selon elle.

En plus de ces disparités générationnelles dans la maîtrise de l’anglais par les Algériens, d’autres, géographiques, sont signalées par Mme Stienne. « Les habitants des wilayas du sud parlent mieux anglais car ils sont en contact avec de nombreuses compagnies étrangères, gazières et pétrolières notamment, et qui ont besoin d’anglophones », affirme-t-elle.

Dans ces wilayas, « l’anglais gagne du terrain aux dépens du français », pour la directrice d’EF Algérie qui voit en l’existence d’un « American corner » (Centre culturel américain) une preuve de l’intérêt des habitants de la région pour l’anglais et de la volonté l’ambassade américaine d’y promouvoir cette langue.

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