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Médecine esthétique : entre exercice et formation anarchiques et dérives sur les réseaux sociaux

Médecine esthétique : entre exercice et formation anarchiques et dérives sur les réseaux sociaux

TRIBUNE. Face à une demande croissante en soins esthétiques, boostée par une transition sociétale, une amélioration du pouvoir d’achat des populations féminines de plus en plus jeunes et un certain effet de mode, de plus en plus de médecins généralistes libéraux, sont, par vocation, par volonté d’exercer une médecine moins contraignante ou par souci lucratif, séduits par la médecine esthétique.

Dans la grande majorité, les médecins esthétiques exercent dans les grandes villes et préférentiellement dans les beaux quartiers, les quartiers branchés et huppés.

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Cette pratique est néanmoins en train de se démocratiser pour atteindre des villes moyennes de l’intérieur du pays. La médecine esthétique, bien que discipline relativement récente dans notre pays, s’est installée depuis quelques années dans une anarchie qui va en s’amplifiant sous l’effet de la conjonction de plusieurs causes dont essentiellement une inflation de pseudo-médecins esthétiques pour la plupart fraichement diplômés et non qualifiés pour une telle pratique, une importante offre de pseudo-formations et des dérives sur les réseaux sociaux.

La médecine esthétique emploie des techniques d’injection, d’exfoliation, d’extraction des graisses, et divers agents physiques comme la lumière, les lasers, les rayonnements électromagnétiques de très hautes fréquences, le froid intense, les ultrasons etc…

La médecine esthétique est normalement exercée par les dermatologues, les chirurgiens esthétiques et plasticiens ainsi que les médecins généralistes justifiant d’une formation en médecine esthétique sanctionnée par un diplôme universitaire.

Il est indispensable que les médecins généralistes qui veulent pratiquer la médecine esthétique puissent justifier de formations spécifiques aux actes de médecine esthétique et reconnues par l’Ordre des médecins.

Faute de formation académique officielle dans notre pays, l’écrasante majorité des médecins généralistes libéraux démarrent l’exerce de la médecine esthétique avec des attestations, certificats et autres ‘’diplômes’’ sans aucune valeur scientifique médicale, délivrés par des organismes titulaires d’un registre de commerce, des laboratoires et autres fabricants d’équipements et de matériel, soucieux surtout de la promotion de leurs produits, des médecins esthétiques et qui se sont autoproclamés ‘’formateurs’’, et utilisent à cet effet des médecins, nationaux et étrangers, autoproclamés experts en médecine esthétique.

Les formations avec pratiques d’actes médicaux sur des modèles humains sont données l’espace d’un ou quelques week-ends dans des hôtels, centres commerciaux et autres espaces non dédiés ni adaptés à la pratique d’actes médicaux avec les complications qui pourraient en découler.

Les diplômes et autres certificats sont signés parfois par des directeurs de vente de matériel médical et chirurgical. En quoi un directeur des ventes d’une Eurl est-il habilité à cautionner et valider une formation médicale ?

Comment en est-on arrivé à ce qu’un médecin accepte à ce que sa formation soit validée par un responsable des ventes de matériel médical et chirurgical d’une Eurl ?

L’inflation de l’offre de pseudo-formation crée un effet d‘aspiration sur les médecins généralistes en quête de clientèle, notamment ceux dans les grandes villes. Cet effet d’aspiration va générer une offre de soins esthétiques non dénués de dangers sur la santé des patientes. Ce qui devait améliorer un problème disgracieux peut vite prendre une tournure dramatique.

Exercice illégal de la médecine

Outre les réserves formulées ci-dessus sur la qualité de la formation et de l’exercice, certains médecins esthétiques, généralistes pour la plupart et même des spécialistes, nous offrent au quotidien sur les réseaux sociaux un visage affligeant de l’exercice médical piétinant les principes déontologiques et éthiques qui doivent prévaloir dans l’exercice médical.

La médecine esthétique est pratiquée par ceux-là comme un commerce. Des promotions, des ristournes, des rabais sur des soins esthétiques, à qui mieux – mieux, en veux-tu en voilà sont proposés par certains médecins esthétiques sur les réseaux sociaux, au quotidien, à longueur d’année.

Des actes médicaux de soins esthétiques sont soldés comme le sont des chaussures de fin de série. Certains vont jusqu’à se transformer en vulgaires homme/femmes-sandwich faisant de la réclame, de la propagande pour du consommable, des cosmétiques, des équipements et autres matériels.

Certains vont jusqu’à vanter les vertus sur la santé, d’une marque de dentifrice, de yaourt, de biscuits et autres compléments alimentaires. Des cabinets, vidéos à l’appui, se transforment en lieu de kermesse avec tombola et distribution de cadeaux.

Des cabinets sont transformés en supérettes lieux de vente de produits cosmétiques.

Des photos de corps et de visages avant et après traitement, des informations non validées scientifiquement et une autoglorification sur des prouesses, réelles ou supposées, sont balancées sur les réseaux sociaux.

Plutôt que d’être des espaces de promotion de la culture médicale, les réseaux sociaux sont dévoyés et sont devenus le lieu d’un étalage, d’un exhibitionnisme de la vie privée de mauvais aloi, de show et du m’as-tu vu en voilà qui frisent l’indécence professionnelle.

Soucieux du respect des principes éthiques et déontologiques dans l’exercice médical, les pouvoirs publics et l’Ordre des médecins doivent, encadrer et réguler la formation et la pratique, assainir et résorber dans les meilleurs délais cette situation préjudiciable au citoyen, à la profession et aux médecins.

Des actes médicaux de soins esthétiques sont par ailleurs  pratiqués par des non-médecins. Coiffeuses, esthéticiennes, manucures, faux médecins, charlatans et imposteurs créent un marché noir parallèle de la médecine esthétique, illégal et dangereux.

Ces pratiques relèvent de l’exercice illégal de la médecine, de l’usurpation de titres et fonctions punissables par l’article 243 du Code pénal algérien.

*Président du Conseil Régional de l’Ordre des médecins de Blida

 

Important : Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.

 

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