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Message de Bouteflika aux journalistes : une posture conciliante dans un contexte particulier

Message de Bouteflika aux journalistes : une posture conciliante dans un contexte particulier

Le message présidentiel, du dimanche 21 octobre, à l’occasion de la journée nationale de la presse était très attendu, car intervenant dans une conjoncture nationale et internationale particulière pour la corporation.

Au plan interne, le débat est centré sur le rôle des nouveaux médias, avec notamment cette affaire d’arrestation d’activistes sur les réseaux sociaux pour diffamation, chantage et atteinte à la vie privée.

Dans le monde, l’assassinat d’un journaliste saoudien dans le consulat de son pays à Istanbul éclipse tout. Les regards sont braqués sur les résultats de l’enquête que devrait dévoiler le président turc ainsi que sur les conséquences politiques et géostratégique de cet acte qui a mis en émoi jusqu’aux alliés les plus fidèles de la monarchie du Golfe.

Même s’il n’en fait pas référence explicitement, le discours du président de la République est assurément imprégné par ces deux événements, tenant à renvoyer l’image d’un État qui garantit et respecte la liberté de la presse et ne persécute pas la corporation.

Le chef de l’État a en effet adopté une posture conciliante envers les journalistes, auxquels il rappelle qu’ils sont sous la protection de l’État et de la loi, les exhortant donc à « contribuer à l’orientation de la société vers le droit chemin » et à « souligner les insuffisances existant à travers notre vaste pays ou les dérives enregistrées ici et là », et qualifiant de « précieuse » leur contribution au « redressement de la situation et au renforcement de l’État de droit ».

Ce n’est pas la première fois que le président Bouteflika appelle les médias à dénoncer les malversations. En mai dernier, à l’occasion de la journée internationale de la liberté de la presse, il avait déjà exhorté les journalistes à « jouer un rôle de contrôle et de gardien vigilant pour relever toutes les insuffisances affectant nos affaires publiques ». Mais cette fois, en rappelant que le journaliste est sous la protection de la loi, il ajoute comme une garantie d’immunité pour ceux qui porteront à la connaissance de l’opinion des faits de malversation ou de corruption. En d’autres termes, la presse nationale peut désormais faire le travail qui est le sien sans crainte de représailles ni de pressions.

Pour mieux convaincre, Bouteflika ajoute, chiffres à l’appui, que beaucoup a été fait pour le secteur des médias qui a donc « connu un essor fulgurant au diapason du processus de reconstruction de l’Algérie dans tous les domaines », faisant état de plus de 150 titres, une vingtaine de chaînes privées, « sans oublier le développement de la presse électronique ».

Une attitude de circonstance imposée par la conjoncture interne et externe ou réelle volonté d’affranchir la presse de tous les obstacles qui l’empêchent de jouer pleinement son rôle ? On ne peut préjuger de ce que sera la politique des pouvoirs publics vis-à-vis de la presse dans les prochains mois à la lumière de ce discours nouveau, qui parait du moins plus conciliant, mais on sait que les promesses faites par le passé sont restées au stade de la profession de foi.

La situation des médias nationaux et de leurs journalistes n’est guère reluisante. Au moment même où la corporation est appelée à célébrer la journée nationale de la presse, des journalistes se sont rassemblés à la maison de la presse d’Alger pour attirer l’attention sur l’état d’un des leurs, Saïd Chitour, emprisonné depuis plus de 500 jours. Souffrant de plusieurs maladies, il risque de connaître le même sort que Mohamed Tamalt, mort en prison en 2016. Merzoug Touati, un blogueur, purge à la prison de Béjaïa une peine de 7 ans de réclusion. Sur le plan social, la vie n’est pas toujours rose pour le journaliste algérien, la situation financière des entreprises de presse n’étant pas reluisante.

Les chiffres avancés par le président de la République dans son discours, aussi vrais soient-ils, ne peuvent être considérés comme le signe de la bonne santé du paysage médiatique national. 150 journaux sortent quotidiennement des imprimeries, mais subissent tous un odieux chantage à la publicité, monopolisée par une agence étatique.

Les chaînes de télévision, certes nombreuses, activent dans la précarité à cause de leur statut offshore en dépit de la mise en place d’une autorité de régulation et l’adoption d’une loi qui en principe autorise la création de télévisions privées. Quant à la presse électronique, dont le président se félicite du développement, elle n’est toujours pas reconnue en tant que telle, faute de textes.

Il y a en effet comme un manque de volonté de mettre en place les outils de développement et de régulation de la profession. L’autorité de régulation de la presse écrite n’est pas encore mise en place alors qu’on en parle depuis des années. Même le président avait annoncé son installation imminente lors de son message du 22 octobre de l’année passée. Celle de l’audiovisuel est opérationnelle, mais dénuée de prérogatives semble-t-il.

Durant de longues années, la presse a entendu de belles promesses, hélas jamais traduites sur le terrain, sinon par des initiatives tendant toutes dans le sens de sa mise au pas. Pour se doter de médias forts et de qualité, l’Algérie n’a assurément pas besoin de beaux discours, d’instances creuses ou de chiffres pompeux, mais d’une volonté politique forte, comme celle qui avait prévalu lors de l’ouverture démocratique du début des années 1990.

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