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Mobilisation générale dans les labos pour trouver le « Covid-killer »

Mobilisation générale dans les labos pour trouver le « Covid-killer »

Depuis les premières contaminations, les laboratoires pharmaceutiques du monde entier sont en effervescence. Un médicament en développement ou déjà sur le marché serait-il capable de guérir les malades ? Quand peut-on espérer disposer d’un vaccin ? Une bataille sanitaire et économique majeure, seul espoir d’éradiquer vraiment la contagion du Covid-19.

Depuis quinze jours, les annonces de remèdes miracles contre le coronavirus sont fréquentes : vitamine C et propolis, chloroquine contre le paludisme, traitement anti VIH… Mais avant de pouvoir crier victoire, le milieu médical le sait : il faudra en passer par des essais cliniques. Si le Covid-19 n’est pas le premier coronavirus à provoquer une infection respiratoire appelée Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), les laboratoires pharmaceutiques n’ont pas encore de traitement efficace. Peut-être parce que jusqu’ici, le Sras n’a jamais été considéré comme une maladie grave et un vrai danger sanitaire. Du coup, les projets développés après la première contamination inquiétante en 2013 n’ont pas encore abouti.

À la recherche d’un « Covid killer » qui s’ignore

Mais depuis les contaminations du nouveau coronavirus, en décembre, petits et grands laboratoires se sont relancés dans la course. Face à l’épidémie croissante, ils ont ressorti les candidats potentiels de leurs « pipes » et testé en masse toutes leurs molécules susceptibles d’avoir de l’effet. Alors que lancement d’un nouveau médicament prend plus de six ans entre sa découverte et les pharmacies, la seule stratégie vraiment rapide consiste à trouver quel traitement existant sera efficace pour lutter contre ce nouveau virus, afin gagner du temps, beaucoup de temps.

3.200 patients européens contaminés en test

Mi-mars, l’Alliance de scientifiques pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) s’est mobilisée pour accélérer la recherche sur le virus. Parmi les vingt projets retenus et soutenus par le ministère de la Santé, certains concernent des traitements qui pourraient soigner les patients contaminés au Covid-19. Un essai clinique européen promu par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) s’apprête à évaluer et comparer au moins quatre combinaisons thérapeutiques sur 3 200 patients contaminés, dont 800 en France. Ce test qui devrait démarrer cette semaine, permettra de valider scientifiquement les rumeurs que l’on entend ça et là sur ce qui pourrait ou non fonctionner. Il permettra de mesure l’efficacité de traitements déjà en pharmacie ou en fin de développement.

Anti Ebola ou anti VIH ?

Parmi les molécules retenues, quelques unes tiennent la corde. La société californienne Gilead mise notamment sur un antiviral expérimental : le remdesivir. Lancée contre les virus émergents et testée contre Ebola, cette molécule vise à stopper la multiplication du virus dans le corps des malades. Comme le confirme Gilead : « Plusieurs essais cliniques sont actuellement en cours pour évaluer l’efficacité et la sécurité de ce traitement expérimental chez des patients atteints du Covid-19. Les premiers résultats sont prévus fin avril. » Même sans certitudes, le labo a quand même pris les devants : « Par anticipation des besoins futurs potentiels, nous avons accéléré la production. »
Autre « Covid-killer » potentiel, le Kaletra du laboratoire AbbVie est un traitement contre le VIH. L’essai clinique européen va le tester seul, mais aussi en association avec un « interféron bêta » du laboratoire Merck, c’est-à-dire une molécule qui imite celle naturellement produite par notre système immunitaire pour mieux résister aux infections.

Anti paludique miraculeux ou mirage de la chroraquine ?

On entend aussi beaucoup parler ces jours-ci de la chloraquine, une molécule utilisée depuis longtemps contre le paludisme. Si le Pr Didier Raoult du CHU de Marseille vante son efficacité sur le Covid-19, la communauté scientifique reste prudente. En effet, les chiffres encourageants cités par le Pr Raoult seraient issus du point presse du gouvernement central chinois qui ne comporte aucune donnée clinique précise. Et l’étude qu’il a menée lui-même sur 24 patients ne respecte pas totalement les règles strictes des essais cliniques (avec un groupe placebo). Avant de crier victoire contre le Covid-19, les autorités de santé demandent de nouveaux essais qui vont être menés à Lille. Néanmoins, la chloraquine reste un candidat sérieux et Sanofi s’est déclaré prêt à offrir 300 000 doses de son antipaludique Plaquenil (avec cette molécule) aux autorités françaises pour ces essais.

Les États-Unis ont déjà approuvé le recours, contre le nouveau coronavirus, à la chloroquine, un traitement antipaludéen qui a « montré des résultats préliminaires très très encourageants », a annoncé le président Donald Trump. »Nous allons pouvoir rendre ce médicament disponible quasiment immédiatement », a-t-il assuré lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, estimant que cela pourrait « changer la donne » face à la pandémie. Néanmoins, ce médicament anti paludique a pas mal de risques d’effets secondaires comme une baisse de vision ou des problèmes cardiaques. Pour avoir un effet anti viral intéressant, il doit être administré à hautes doses et comme il est très vite toxique pour l’organisme…  Si on décide d’utiliser cette molécule contre le Covid 19, il faudra bien définir la posologie et créer une nouvelle version du médicament.

Anti polyarthrite ou anticorps de patients guéris ?

De leur côté, le big pharma Sanofi et la biotech américaine Regeneron proposent aussi leur traitement injectable contre la polyarthrite rhumatoïde Kevzara. Selon eux, cet anticorps dit monoclonal, autorisé sur le marché européen depuis 2017, pourrait aussi être efficace contre le Covid-19. Enfin, dans un autre domaine, le laboratoire japonais Takeda se distingue en développant la mise au point d’une « immunoglobuline ». Issues du plasma des patients guéris, les immunoglobulines sont des concentrés des anticorps produits par leurs systèmes immunitaires pour tuer le virus. Ce type de traitement nécessite beaucoup de patients donneurs de plasma et ils sont long à mettre au point.

À quand un vaccin ?

Dans l’idéal, la meilleure arme contre ce nouveau coronavirus serait la mise au point d’un vaccin, mais ce n’est pas pour tout de suite. Lundi, un premier vaccin expérimental a été injecté à un patient pour un essai clinique américain. De même, les chinois se sont lancés dans la course avec des essais sur les humains. Dans la bataille économique, le laboratoire allemand CureVac, situé à Tübingen, a fait parler de lui récemment : son PDG a été reçu par Donald Trump, alors que le labo affirmait être à quelques mois d’un projet de vaccin Covid-19. Si le président américain a tenté de racheter le laboratoire allemand, comme l’affirme le gouvernement d’Angela Merkel, son initiative a échoué et le PDG de CureVac a quitté l’entreprise. Dans cette course au vaccin, Sanofi est aussi sur les rangs et annonce s’être associé avec le ministère de la Santé américain mi-février.

Mais les médecins le savent bien, à partir du moment où un virus est identifié, il faut plus d’un an pour qu’un vaccin soit mis au point et arrive sur le marché. Il faudra donc attendre 2021 pour y parvenir en masse. Pour l’instant, seul un traitement déjà développé et efficace ou une association de deux ou plusieurs traitements pourrait donc améliorer l’état des patients qui développent des formes graves de la maladie.

Cette bataille économique est donc aussi une question d’argent : Emmanuel Macron a annoncé sa décision d’augmenter de cinq milliards d’euros sur 10 ans le budget de la recherche en France, en marge d’une visite à l’Institut Pasteur à Paris. « La crise du COVID-19 nous rappelle le caractère vital de la recherche scientifique et la nécessité d’investir massivement pour le long terme. J’ai décidé d’augmenter de 5 milliards d’euros notre effort de recherche, effort inédit depuis la période de l’après-guerre », a annoncé le chef de l’État dans un tweet.


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