
L’Algérie a lancé lundi sa deuxième réforme agraire après celle de 1971, avec comme objectif principal d’assurer sa sécurité alimentaire. Ce lancement a été effectué lors de la première journée de la Conférence nationale sur la modernisation agricole.
TSA a recueilli les avis de trois participants qui ont mis l’accent sur la connexion entre savoir académique et savoir-faire paysan, le rôle du Conseil scientifique agricole qui a été installé lundi par le ministre de l’Agriculture Yacine Oualid, et l’importance du soutien des instituts techniques aux jeunes investisseurs.
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Connecter les agriculteurs avec les scientifiques
Pour le Professeur Rachid Benaïssa, ancien ministre de l’Agriculture (2008-2013) : « Le fait qu’il y ait une conférence sur la modernisation de l’agriculture est en soit une étape importante. C’est une étape que l’agriculture algérienne devait avoir et devait intégrer. »
L’ancien ministre de l’Agriculture a souligné que : « L’agriculture a toujours été ouverte aux technologies et au savoir » et à ce titre, il a rappelé : « nous avons un savoir énorme au niveau des agriculteurs et des éleveurs eux-mêmes. Et il y a également un savoir académique qui existe au niveau des universités et des écoles », soulignant l’impérieuse nécessité de « la connexion entre les deux est importante et capitale. »
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Le professeur Benaissa a explicité les synergies possibles : « Quand les deux se mettent en symbiose pour atteindre un certain nombre d’objectifs, c’est en soi quelque chose d’important. »
Il s’est ainsi félicité de la participation de nombreux opérateurs à cette conférence: « C’est pourquoi cette conférence se veut ouverte à l’ensemble des acteurs autour de la mission de la modernisation, c’est-à-dire, introduction de techniques nouvelles » mais il a tenu à insister sur « la valorisation des acteurs eux-mêmes, leur émancipation et leur formation ».
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Il a replacé l’agriculture dans son contexte : « Aujourd’hui, il est clair que l’agriculture affronte plusieurs défis. Le défi climatique d’abord, mais pas uniquement. Il faut également qu’il y ait de la solidarité institutionnelle et de la solidarité entre l’ensemble des acteurs et intervenants au niveau du secteur. »
Rachid Benaïssa n’a pas manqué de rappeler que « l’agriculture est un fait complet et social. Ce qui intègre beaucoup de disciplines : de l’écologie, de l’économie, de la solidarité, de la technique et de la technologie. »
Revenant sur la nécessaire connexion entre les parties prenantes du secteur agricole il a souligné : « J’ai l’habitude de dire que quand on va chez les agriculteurs, ils ont l’impression que les autres ne les comprennent pas ; et inversement et réciproquement ». « Ceux qui détiennent le savoir scientifique pensent que les autres ne sont pas aptes à recevoir la connaissance ou le savoir », ajoute-t-il.
Aussi a-t-il insisté : « C’est donc cet obstacle qu’il faudra briser et faire en sorte qu’il y ait cette connexion entre le savoir académique et le savoir accumulé sur des centaines d’années parce que les gens qui sont sur le terrain travaillent également par rapport à ce qu’ils savent, ce qu’ils ont hérité et comment ils font. »
Pour l’ancien ministre de l’Agriculture, « cette connexion est centrale pour une évolution positive et rapide de notre agriculture. »
Changements climatiques
Quant à l’expert Ammar Azzioume, président du nouveau conseil scientifique, il a confié à TSA que l’agriculture algérienne a besoin d’une modernisation tant concernant les productions végétales qu’animales.
Il a tenu à souligner le contexte : « nous allons avoir des changements climatiques très sévères dans les années à venir ». M. Azzioume voit la science et la technologie « comme une force motrice pour anticiper tous ces problèmes et y faire face ». A cet égard, il met en garde : « on ne doit pas négliger la formation et la recherche ».
Ce conseil installé officiellement ce lundi par le ministre de l’Agriculture et du Développement rural et celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a une vocation consultative.
Son président s’est félicité de sa composition de 34 membres et a souligné sa nature : « interdisciplinaire dans sa composition » tout en précisant qu’il sera ouvert à la participation d’autres experts à travers ses différentes commissions.
Selon Ammar Azzioume, professeur en biotechnologie et lauréat du Prix du président de la République pour le chercheur innovant, le conseil sera à l’écoute du « ministre de l’agriculture et des acteurs dans le domaine de l’agriculture pour définir des priorités du secteur ». Ce qui devrait permettre de « tracer une feuille de route à moyen et long terme pour une agriculture durable ».
Quant à Abdellatif Dilmi, le secrétaire général de l’Union nationale des paysans algériens (UNPA), a confié à TSA son sentiment : « On dispose actuellement de toutes les capacités pour offrir aux jeunes sortis de l’université des moyens : l’investissement, la terre, les autorisations de forage, l’ouverture de pistes, la connexion au réseau électrique. Mais il faut les accompagner. Comment ? Avec les instituts techniques » qui doivent « jouer leur rôle pour accompagner les agriculteurs. »
Puis il s’est élevé contre la poursuite des importations : « Il ne faut plus attendre pour que des bateaux nous apportent du blé et de la poudre de lait. C’est une honte. » Il a estimé que « maintenant qu’on a des moyens, il faut que tous les opérateurs participent à bâtir un secteur agricole de haut niveau pour développer l’économie nationale. »
Le deuxième jour de la conférence devrait être consacré au travail par commission sous la forme d’ateliers autour de différents thèmes dont l’intensification de la production au niveau des filières stratégiques, la gestion durable des ressources en eau, l’agriculture intelligente et le financement.
La conférence est ouverte aux différents opérateurs agricoles, cependant Saidi Chaabane de la société Srid spécialisée dans l’agro-fourniture déplore sur les réseaux sociaux que ce segment de la filière agricole n’ait pas été invité.
Les firmes de produits phytosanitaires qui travaillent avec les importateurs locaux pour approvisionner le réseau national de grainetiers privés assurent un réel soutien technique aux exploitations. Une absence qui n’empêche pas une prochaine collaboration de ce segment au niveau des commissions du Conseil scientifique.