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Nna Nora, le parcours émouvant d’une cheffe algérienne devenue symbole à Paris

De la Kabylie aux marchés parisiens, Nna Nora a réussi à transformer Aghroum (galette) en un symbole de la cuisine algérienne à Paris. Son parcours est bouleversant.

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Nna Nora, le parcours émouvant d’une cheffe algérienne devenue symbole à Paris
Pour d’autres, Na Nora, ce nom à consonance kabyle ne dit peut-être pas grand-chose / Source : Instagram Nna Nora pour TSA
Karim Kebir
Durée de lecture 3 minutes de lecture
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De la Kabylie aux marchés parisiens, Nna Nora a su transformer la galette farcie en un symbole de la cuisine algérienne en France. Au Village international de la gastronomie, qui s’est tenu du 11 au 14 septembre courant à Paris, sa recette a attiré la grande foule au stand algérien.

Un succès incroyable pour un mets aussi simple. Tout le monde a l’air de connaître cette femme d’une cinquantaine d’années, avec sa tenue traditionnelle berbère, et son air jovial. Certains se précipitent même dans ses bras pour la saluer.

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Pour d’autres, Nna Nora, ce nom à consonance kabyle, ne dit peut-être pas grand-chose. Sauf que cette dame, désormais populaire sur les réseaux sociaux et qui s’affiche en tenue traditionnelle, a réussi une prouesse digne d’un conte de fées : devenir ambassadrice d’un plat simple et ancestral, l’aghroum farci (la galette farcie), qu’elle a hissé au rang de symbole.

D’un mets ordinaire, transmis de génération en génération dans l’anonymat, elle en a fait une spécialité désormais à l’honneur dans les sphères de la gastronomie.

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Une réussite dont elle ne cache pas la fierté. « Honorée et très heureuse de représenter l’Algérie. Je la représente en tant que citoyenne algérienne vivant en France, qui porte haut et fort ses traditions, son patrimoine culinaire pour lequel j’essaye, à mon modeste niveau, de lui donner de la lumière », dit-elle à TSA qui l’a rencontré à Paris.

Et comme pour perpétuer le lien avec la tradition, elle n’a pas choisi un nom qui répond aux exigences du marketing moderne, mais simplement « Nna Nora ». « Je voulais maintenir le nom « Nna Nora », car c’est le signe de respect, de la grande tata, de la cousine et de la sœur », explique cette mère courage au parcours bouleversant.

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De la Kabylie aux marchés français

Rien, pourtant, n’a été simple pour cette femme qui a quitté sa Kabylie natale en quête d’avenir pour ses enfants. C’est en 2014 qu’elle débarque en France avec ses six enfants.

Pour survivre, elle commence à écumer les marchés parisiens en vendant ce qu’elle sait faire de mieux : la galette. « Qui aurait cru que l’aghroum que je faisais pour nourrir mes enfants allait ramener de l’aghroum à mes enfants à Paris ? », s’interroge-t-elle avant d’ajouter, un tantinet philosophique : « Je dis que tous les chemins mènent à Rome et celui de « Nna Nora » m’a mené à l’aghroum. Je pense que c’est le chemin de tout le monde ».

Installée tour à tour à Barbès, Saint-Denis et surtout Romainville, son destin bascule un jour grâce à une rencontre improbable avec Florian OnAir, influenceur gastronomique, au restaurant « La Cantine des Mamas ».

« Je ne sais pas si c’est une qualité ou un défaut, mais j’aime aller vers les autres. Je lui ai dit : « Ah ! si vous voulez goûter une spécialité kabyle, je suis au marché de Romainville le dimanche. C’était une blague. Eh bien, il est venu un dimanche, il a goûté ma galette farcie, l’a balancée sur les réseaux et ça a fait dix millions de vues. C’est à partir de là que les gens ont commencé à connaître Nna Nora ».

Devenue virale, la vidéo attire l’attention d’une certaine Katia, fondatrice du restaurant Majouja à Paris, qui la contacte aussitôt et lui ouvre une nouvelle voie professionnelle. Aujourd’hui, elle y officie comme cheffe et son aghroum farci y est très demandé. « Dieu merci, je ne regrette pas. Après un parcours mouvementé, comme toute la diaspora, j’ai réussi à trouver ma place. »

Derrière le succès, une profonde blessure

Une consécration au prix d’un parcours mouvementé, entre hauts et bas, selon ses propres aveux, mais qui a fini par lui conférer une place au sein de la communauté algérienne et française.

En évoquant le « parcours mouvementé », « Nna Nora » pense à cette blessure profonde, derrière le succès, qui l’a marqué à jamais en cette année fatidique de 2020, lorsque le destin lui ravit un de ses enfants, Hillal, mort à seulement 20 ans.

D’autant qu’elle venait d’être remerciée, un épisode dont elle a souffert, d’un restaurant en pleine période de la pandémie du Covid. « En 2020, j’ai vécu une tragédie. J’ai perdu mon fils Hilal. Je ne savais pas si j’allais travailler, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. Mais grâce à la cuisine, je me suis réconciliée, j’ai fait ma thérapie ».

Si elle porte encore les stigmates de cette douleur, c’est parce que Hillal était celui qui a toujours cru en elle, même dans les moments difficiles : Un jour, il m’a dit : « Yemma, tu finiras sur les plateaux de télévision française. Le jour viendra où ceux qui t’ont méprisée baisseront les bras devant toi ».

Aujourd’hui, « Nna Nora » réalise peu à peu cette prophétie. Elle est déjà apparue sur France 3, France 5, et d’autres invitations suivront probablement.

« Moi-même, je n’y croyais pas. Mais après sa mort, il y a des douleurs qui donnent de la force. Tout ça, je le fais à sa mémoire. J’ai réussi à transformer la douleur en une force », confie-t-elle.

Revigorée par son succès, « Nna Nora » ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Au village gastronomique de Paris, elle ne se contente pas seulement de promouvoir l’aghroum, mais elle veut aussi faire découvrir aux visiteurs un autre plat du terroir, un peu méconnu au niveau international : la rechta.

« On a voulu mettre en valeur la rechta, un plat un peu méconnu dans le monde(….). Des préparations qui sont faites avec des produits typiquement algériens :« Mes galettes farcies (présentées au village, ndlr) sont faites à base du fromage Tassili, d’huile d’olive Numidia d’Ifri, et la rechta, je la concocte avec la sauce de « Nna Nora ». Je souhaite que ce patrimoine culinaire aille plus loin que possible », espère-t-elle.

Aux sceptiques et autres critiques, elle répond avec humour. C’est vrai que certains disent : « Tu n’es pas allée sur la planète Mars avec ta galette, mais j’ai réussi tout de même à la faire manger au pied de la tour Eiffel ». De quoi lui donner des ailes. Et une belle revanche sur le sort.

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