search-form-close
L’Algérie croule sous les pastèques : les prix s’effondrent

L’Algérie croule sous les pastèques : les prix s’effondrent

Pastèque / Par Andrii Zastrozhnov / Adobe Stock

Sur les marchés de gros et en bordure de routes, partout en Algérie des remorques chargées de pastèques. Des cargaisons qui ne trouvent pas preneur tant l’offre est abondante. En une année, les prix de gros sont passés de 100 à 20 DZD le kilogramme. Au détail, à Alger, la pastèque se vend au prix de 100 dinars le kilo.

À la production du sud est venue s’ajouter celle des wilayas du nord. Au sud, la pastèque est aujourd’hui produite au niveau d’immenses serres multi-chapelles d’un hectare. Celles-ci offrent des conditions idéales pour la culture des pastèques et permettent une mise sur le marché précoce.

Début juin, à Magrane (El-Oued) Lazhar Ababssa confiait à Ennahar Tv : « Avec ce type de serre, nous n’avons plus les effets négatifs du vent ou de la pluie. Quant à la température, on joue sur les ouvertures pratiquées sur les côtés de la serre. »

Algérie : les prix des pastèques s’effondrent

Dans la serre, des pastèques à la peau sombre sont disséminées sur le sol sablonneux. Des ouvriers les ramassent et ont du mal à en porter deux en même temps tant les pastèques sont grosses. Le propriétaire en ramasse une de belle taille et indique qu’avec la variété Sugar Baby certaines d’entre elles atteignent un poids de 36 à 37 kg ce qui lui permet de revendiquer un rendement de 1 200 quintaux à l’hectare.

Le plus souvent il s’agit de plants de pastèques greffés sur des plants de citrouille. Une opération effectuée alors que les plants sont très jeunes. Des investisseurs maîtrisant cette technique se sont spécialisés en tant que pépiniéristes et produisent chaque année des dizaines de milliers de plants. Avantages, plus de vigueur qui permet de « faire du tonnage » avec des pastèques de grande dimension, résistance aux sols salés et aux maladies, mais parfois un goût quelque peu fade.

Les maisons de semences proposent régulièrement de nouvelles variétés à l’image de Syngenta qui met sur le marché la Crimson Sweet Hercules. Autre innovation, l’utilisation de variétés hybrides. Ainsi l’importateur ACI basé à Blida commercialise la Soledad F1.

Mécanisation de la culture de la pastèque

Au nord, plus question de semer des pastèques par poquet dans le sol. Les plants sont produits sous serre puis repiqués sur des bandes de terre recouvertes de film plastique noir.

Des artisans ont mis au point de petites machines attelées aux tracteurs qui déroulent en un seul passage un film plastique et une gaine d’arrosage pour goutte à goutte. Des socs disposés astucieusement de chaque côté de l’engin permettent de recouvrir de terre le bord du film plastique, une opération auparavant fastidieuse et coûteuse en main d’œuvre.

Aujourd’hui la culture de la pastèque est en partie mécanisée en Algérie. Ces différentes innovations permettent un gain de temps pour arriver à repiquer jusqu’à trois mille plants en terre par hectare et gagner en précocité. Mécanisation et irrigation localisée ont permis de multiplier les surfaces cultivées.

Un autre facteur concourt à l’augmentation de la production de pastèques en Algérie, le savoir-faire paysan que certains n’hésitent pas à transmettre à travers les réseaux sociaux. C’est le cas de conseils de fertilisation concernant des étapes cruciales tels les apports de calcium qui renforcent l’écorce ou ceux de potassium qui renforcent le goût sucré.

Plus de vendeurs que d’acheteurs

Sur un marché de gros, des pick-up de marque Mazda chargés à ras-bord de pastèques attendent les acheteurs potentiels. Afin d’augmenter la capacité de chargement, l’arrière des véhicules a été rehaussé de ridelles.  Le chargement est tel que les amortisseurs sont écrasés par le poids. Signe que les journées sont longues à attendre des acheteurs, un chauffeur a installé une chaise à côté de son pick-up.

A l’entrée ouest de Berihanne dans la wilaya d’El Tarf à l’extrême est de l’Algérie, les producteurs ont improvisé un marché. Chaque jour des dizaines de remorques chargées de pastèques stationnent en bordure de route en attendant d’éventuels acheteurs.

La wilaya est réputée pour la qualité de ses produits. La saison dernière, Kamel, un agriculteur de la commune d’Al Ousfour confiait à Ennahar Tv : « Des grossistes viennent de Jijel, Sétif, Annaba ou Constantine pour s’approvisionner. »

 Kamel, un grossiste de Jijel, témoignait du prix élevé des pastèques au micro de Ennahar Tv : « Le consommateur doit payer 1 000 DA et plus pour une pastèque. » Pour sa part, il témoignait rechercher la qualité « Nous avons fait le tour des producteurs, mais nous avons trouvé des pastèques sans goût puis, nous avons choisi celui-là car il a de bons produits. »

Un commerçant se plaignait de la hausse des prix et de la difficulté du consommateur pour acquérir des pastèques : « En 2023 un chargement de pastèque coûtait 5 à 6 millions de centimes, en 2024 il faut compter 14 à 15 millions. Puis pour le vendre, il faut une à deux semaines. Et finalement, tu ne gagnes rien. »

Pour leur défense, les producteurs se plaignent du coût élevé du prix des produits phytosanitaires.

Surproduction et gaspillage d’eau

Chaque saison, il arrive que des invendus de pastèques soient jetés dans des fossés. Cette surproduction de pastèques se traduit par un gaspillage d’eau, une ressource rare en ces temps de canicule. Certes, les producteurs utilisent l’irrigation localisée qui permet d’économiser l’eau au niveau des parcelles. Mais à l’échelle régionale, cette économie d’eau reste un leurre et ne se traduit par plus d’eau à destination de l’adduction des villes en eau potable. Les enquêtes de terrain montrent que quand un agriculteur passe au goutte à goutte, l’eau ainsi économisée lui permet d’irriguer de nouvelles surfaces.

Comme pour les autres productions, le matériel d’irrigation et les engrais utilisés pour la culture de la pastèque bénéficient des subventions publiques. Cependant, il est difficile de contrôler si l’eau qui coule dans un tuyau est destinée à la production de pomme de terre ou de pastèques.

Faudra-t-il que pour maîtriser la pression sur l’utilisation de l’eau, les services agricoles fassent comme des pays voisins qui limitent les surfaces cultivées en pastèques en fixant un quota par agriculteur. La question est posée à la filière.

  • Les derniers articles

close