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Pays du Golfe, fonds souverains : pourquoi Ouyahia se trompe

Pays du Golfe, fonds souverains : pourquoi Ouyahia se trompe

New Press
L’Algérie aurait, selon le premier ministre, Ahmed Ouyahia, mieux résisté à la chute des cours de l’or noir depuis mi-2014 et ce malgré des réserves de change qui ont fondu ou en dépit d’un Fonds de régulation des recettes (FRR) complètement à sec

Devant les députés de l’Assemblée populaire nationale (APN), le premier ministre, Ahmed Ouyahia, a estimé, dimanche 17 septembre, que l’Algérie a, face à la crise du pétrole, fait mieux que « certains pays du Golfe ». Il juge par ailleurs que le recours à l’endettement extérieur et les placements financiers des avoirs du pays seraient de mauvaises options.

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L’Algérie aurait donc, selon le nouveau Premier ministre, mieux résisté à la chute des cours de l’or noir depuis mi-2014 et ce malgré des réserves de change qui ont fondu ou en dépit d’un Fonds de régulation des recettes (FRR) complètement à sec. Qu’en est-il réellement dans les autres pays pétroliers ? Revue de détail.

Changement de paradigme économique en Arabie saoudite

Certes, l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole au monde, a lui aussi subi de plein fouet la crise pétrolière. Mais face à un déficit record en 2015 (près de 100 milliards de dollars), le Royaume a bien dû se résoudre à accepter la réalité.

Ainsi, en octobre 2016, l’Arabie saoudite, habituée à jouer le rôle de créancier, est contrainte de lancer son premier emprunt obligataire, et envisage alors de lever entre 10 et 20 milliards de dollars. Le pays parvient finalement à acquérir 17,5 milliards de dollars sur les marchés internationaux.

Si à ce moment-là, le pays dispose de réserves de change encore confortables, il fait donc le choix de se financer sur les marchés internationaux pour éviter de liquider massivement ses actifs.

Quelques mois plus tôt, en avril 2016, Riyad avait également présenté son plan « Vision 2030 » qui doit permettre de sortir de la dépendance au pétrole en quinze ans.

Les initiatives pour diversifier les sources de revenus se multiplient. Le pays investit notamment massivement dans les nouvelles technologies. En juin 2016, le fonds souverain saoudien qui a vocation à stabiliser l’économie des perturbations des cours des matières premières, annonce un investissement à hauteur de 3,5 milliards de dollars dans Uber, le service américain de réservation mobile de voiture avec chauffeur. Un an plus tard, en mai 2017, le fonds souverain d’Arabie saoudite et l’opérateur télécoms nippon SoftBank lancent le plus gros fonds tech de la planète.

Instrument d’influence diplomatique

Ce fonds n’est pas uniquement un moyen de gagner de l’argent. Il est aussi pour Riyad un instrument d’influence politique et diplomatique. En mai dernier, à l’occasion de la visite de Donald Trump en Arabie saoudite, le fonds souverain saoudien Public investment fund (PIF) annonce son intention de confier 20 milliards de dollars au fonds américain Blackstone pour financer la construction d’infrastructures aux États-Unis.

Mais les ambitions de Riyad sont encore plus grandes : le PIF, créé en 2008, doit devenir à terme un fonds de 2000 milliards de dollars. Son financement passe, en partie, par l’ouverture du capital de la compagnie pétrolière saoudienne, prévue en 2018. Néanmoins, il est probable qu’elle soit encore repoussée d’au moins plusieurs mois, selon de récentes informations de Bloomberg.

Si le pays reste confronté à un sévère ralentissement économique (le FMI prévoit une croissance de seulement 0,1% en 2017, contre 1,7% en 2016), les réformes et la stabilisation des prix du pétrole ont permis à l’Arabie saoudite d’amortir le choc.

Riyad a annoncé une baisse de 51% de son déficit budgétaire au premier semestre 2017 en raison de la mise en œuvre de réformes et de la stabilisation du prix du pétrole. Le déficit est tombé à 72 milliards de riyals (16,3 milliards d’euros).

Résilience au Qatar et affranchissement de la manne pétrolière

Cette stratégie de diversification des sources de revenus n’est pas nouvelle. Le Qatar a créé en 2003 la Qatar investment authority (QIA) dont l’essentiel des ressources provient de la manne pétrolière et gazière de l’émirat.

Le Fonds investit massivement dans des grands groupes et détient des participations dans des groupes stratégiques tels que EADS, Volkswagen, Barclays, Credit Suisse ou encore Glencore. Il est également très actif dans l’industrie du luxe ou dans l’immobilier qui lui assure des revenus réguliers (c’est notamment l’un des plus grands propriétaires de la ville de New-York).

Grâce à une série d’acquisitions très diversifiées, le Qatar, est parvenu à maintenir le cap malgré la baisse des prix du pétrole. Il affiche 2,6% de croissance en 2016, et devrait atteindre 3,4% cette année, selon le FMI.

Si la crise diplomatique qui l’oppose à l’Arabie saoudite et ses alliés du Golfe pourrait contraindre le Qatar à « faire le ménage » dans certaines de ses participations, le pays assure qu’il y a, à ce stade, peu d’impact sur son Fonds souverain. Il est de toute façon très peu présent dans les pays du Golfe.

Mercredi 13 septembre, le cheikh Abdallah ben Mohamed ben Saoud Al-Thani, directeur général de Qatar investment authority (QIA), a affirmé qu’il n’y avait « pas de problème » pour le Fonds totalisant plus de 300 milliards de dollars (250,5 milliards d’euros) d’actifs à travers le monde.

Norvège : le fonds souverain a gagné 50 milliards d’euros en 2016

Autre affirmation d’Ouyahia : l’Algérie a bien géré ses réserves de change en refusant notamment la création d’un Fonds souverain qui aurait fait perdre à l’Algérie ses économies en devises. Les propos du Premier ministre pourraient laisser entendre que la dépendance des fonds souverains aux mouvements de la Bourse est risquée. Mais l’exemple de la Norvège contredit nettement cette affirmation.

Créé en 1998 pour recueillir les revenus tirés de l’exploitation pétrolière et gazière afin d’en faire profiter les générations futures, le fonds souverain de ce pays a atteint mardi 12 septembre le montant record de 1.000 milliards de dollars. Fin août dernier, la banque centrale du pays a par ailleurs annoncé que le fonds souverain avait gagné 202 milliards de couronnes (21,7 milliards d’euros) au deuxième trimestre, tiré par ses placements en actions.

Ce fonds -le plus important au monde- est placé sous la tutelle de la Banque centrale norvégienne. Il investit l’intégralité de ses ressources dans des actions (62,5% de son portefeuille), des obligations (34,3%) et des placements immobiliers (3,2%) à l’étranger, avec des participations réparties dans un total de 77 pays.

Fin 2016, le fonds contrôlait 1,3% de la capitalisation boursière mondiale avec des participations dans près de 9 000 entreprises cotées dont Apple, Alphabet (maison-mère de Google) ou encore LVMH. L’année dernière, les investissements en actions, certes plus risqués, ont permis un rendement de 8,7%. Au total, selon la Banque centrale norvégienne, le fonds a gagné 50 milliards d’euros en 2016.

Toutefois, la Norvège n’a pas échappé à la règle et son économie a été affaiblie par la chute des prix des hydrocarbures depuis trois ans. En 2016 et 2017, le pays pétrolier a été contraint de puiser dans son Fonds souverain afin d’équilibrer son budget. Toutefois, Oslo a mis en place des règles très strictes dans l’utilisation de ce Fonds. L’État n’est autorisé à prélever que 3% maximum par an de la valeur du fonds, contre 4% auparavant.

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