Dans la guerre de l’énergie qui se livre parallèlement au conflit en Ukraine, Occidentaux et Russes multiplient les mesures et contre-mesures, comme le plafonnement des prix du gaz sur lequel l’Algérie vient de prendre position.
Aux menaces de suspension des livraisons de gaz par Moscou, l’Union européenne et le G7 ont répondu par le plafonnement des prix du pétrole russe. Une mesure similaire a été annoncée concernant le gaz importé par les pays de l’Union européenne.
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L’Algérie, acteur gazier incontournable, vient de faire connaître sa position sur la question du plafonnement des prix de l’énergie.
La mesure occidentale est entrée en vigueur le 5 décembre. Elle est doublée d’un embargo partiel sur l’entrée du pétrole russe sur le territoire de l’Union européenne.
Alors que le prix du baril tournait autour de 85 dollars, celui du pétrole russe est plafonné à 60 dollars. Les analystes sont divisés quant à l’efficacité et aux conséquences de la mesure.
Les cours ont baissé dans la foulée, à 75 dollars, avant de remonter légèrement, mais les analyses redoutent une hausse conséquente à cause des frais supplémentaires pour l’acheminement des livraisons russes vers des destinations plus lointaines et éventuellement une baisse de la production russe qui pourrait manquer de la pièce de rechange et de l’assistance technique occidentale.
Beaucoup estiment que ce sont les importateurs du Sud qui ressentiront plus la flambée, l’Occident ayant les moyens de supporter des prix élevés.
Concernant le gaz, l’Union européenne a décidé lundi de plafonner les prix des livraisons qu’elle importe à 180 euros le MWH. La Russie a qualifié la mesure d’ « inacceptable ».
L’Algérie est un partenaire historique de la Russie et un fournisseur fiable d’énergie, notamment de gaz, pour l’Europe. Sa position vis-à-vis de cette question était très attendue et elle vient de la faire connaître.
Le ministre de l’Energie et des mines, Mohamed Arkab, a fait savoir ce mardi 20 décembre que l’Algérie ne soutenait pas l’idée du plafonnement des prix du gaz naturel qui risque, selon lui, d’affecter directement les investissements.
Gaz : l’Algérie évoque une décision « unilatérale »
« L’Algérie ne soutient pas l’idée de plafonner les prix (…) Les marchés de l’énergie doivent rester libres pour pouvoir poursuivre les réalisations et les investissements dans l’amont », a déclaré M. Arkab à la presse en marge d’une journée algéro-allemande sur l’énergie, tenue à Alger.
Suite à la flambée des prix du gaz depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, l’Algérie a imposé à ses principaux clients la révision des contrats à long terme pour les adapter aux prix du marché. M. Arkab a mis en avant cette entente sur les prix à long terme.
« L’Algérie est considérée comme un fournisseur fiable et sûr pour l’Europe et nous sommes parfaitement d’accord avec nos partenaires européens pour ce qui est des prix à long terme », a-t-il indiqué.
Le ministre algérien a qualifié, lors de son intervention aux travaux de la journée algéro-allemande, la décision de l’Europe d’ « unilatérale » et estimé qu’elle pourrait affecter les industries de pétrole et de gaz, au même titre que d’autres changements dans la législation européenne, comme celle relative à la neutralité carbone.
L’Algérie a souffert pendant de nombreuses années du désinvestissement dans son industrie énergétique. Pour attirer plus d’IDE, elle a adopté une nouvelle loi sur les hydrocarbures et les tensions mondiales actuelles sont perçues par les observateurs comme une aubaine afin de convaincre les compagnies occidentales de consentir les investissements nécessaires pour augmenter la production.
L’Algérie a été très sollicitée ces derniers mois pour revoir à la hausse les quantités de gaz livrées à l’Europe qui cherche à s’affranchir des hydrocarbures russes.
Des accords dans ce sens ont été signés avec l’Italie, mais les capacités actuelles de production de l’Algérie ne permettent pas de couvrir dans une large mesure la demande supplémentaire de l’Europe.
Pour cela, elle a besoin de plus d’investissements. Le même Mohamed Arkab l’a signifié clairement dans une interview au journal allemand Der Spiegel en juin dernier. « Nous espérons que les Européens ne changeront pas de cap et ne nous laisseront pas seuls avec les investissements », avait indiqué le ministre algérien.
L’Algérie souhaite que la question énergétique soit traitée avec une approche économique, loin de la politique.
En inaugurant la foire de la production nationale mardi 13 décembre, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a lancé plusieurs messages concernant la géostratégie du pétrole et du gaz.
Il a notamment émis le vœu de porter les exportations de gaz de l’Algérie à 100 milliards de mètres cubes dès l’année prochaine, soit près du double des volumes actuels, et dit que les questions liées à l’énergie ne doivent pas être politisées.