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Politique des subventions : le discours flou du gouvernement

Politique des subventions : le discours flou du gouvernement

Le gouvernement n’a aucune intention de revoir le dispositif de subventions des prix. C’est du moins ce qu’a laissé entendre, ce vendredi 16 février, le premier ministre Ahmed Ouyahia, lors d’un meeting du RND, son parti, à Biskra.

« Ces jours-ci, j’étends que l’État va supprimer la subvention. C’est un mensonge. On a fait une interprétation d’une déclaration d’un responsable dans certains médias. Des marchands de la politique ont sauté dessus pour vous dire que le régime veut vous affamer. Nous n’allons supprimer la subvention ni pour l’essence ni pour le pain ni pour le lait ni pour l’électricité ni pour autre chose », a-t-il déclaré.

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Il faisait allusion aux récentes déclarations du ministre des Finances, Abderrahamane Raouia, lors du 6e Sommet gouvernemental à Dubaï, aux Émirats arabes unis, sur les subventions.

Raouia a, selon l’agence Reuters, annoncé que l’État envisage de mettre fin aux subventions des prix d’essence dès 2019 et des autres produits en 2020.

Le ministre des Finances a rappelé que l’État algérien subventionne beaucoup de biens et de services comme le pain, l’huile et l’électricité. Raouia a même parlé de la nécessité d’éliminer le déficit budgétaire de l’État d’ici trois à quatre ans. Ces annonces ont été faites devant des responsables du Fonds monétaire international (FMI).

Le FMI, par la voix de sa présidente, Christine Lagarde, a demandé, à partir de Dubaï justement, aux pays arabes de réduire leurs dépenses considérées comme « très élevées » à cause notamment des « subventions et des salaires ».

Le FMI veut que les pays arabes se concentrent sur l’éducation, la santé et les investissements publics comme axes prioritaires.

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Bedoui réplique à Raouia

Avant Ahmed Ouyahia, Noureddine Bedoui, ministre de l’Intérieur, s’est engagé, lui aussi, sur le sentier économique en démentant toute volonté du gouvernement d’abandonner la politique de subvention et des transferts sociaux.

« Nous vivons sur les plans économiques et financiers des conditions non ordinaires. Il y a des difficultés. Mais, nous rappelons que sur instruction du président de la République, nous n’allons jamais abandonner au niveau du gouvernement les acquis sociaux des citoyens. J’entends ici et là que nous allons abandonner le pouvoir d’achat en tant que pouvoirs publics. De cette tribune, je dis que les instructions du président sont strictes en matière du maintien des acquis.

Nous n’allons jamais abandonner le soutien et l’accompagnement sociaux, la subvention qui va au citoyen algérien qui en a besoin », a déclaré le ministre de l’Intérieur, mardi 13 février, lors de l’inauguration du 1er Salon international de la sécurité et de la prévention routière, au Palais des expositions des Pins maritimes (Safex), à l’est d’Alger.

En novembre 2017, Noureddine Bedoui avait dénoncé le fait que les producteurs de fromage et de yaourt profitent à 80% du lait subventionné.

Raouia n’a pas démenti ses propos

Un communiqué du ministère des Finances, datant de dimanche 11 février, a détaillé le programme de Abderrahmane Raouia à Dubai qui a notamment participé à une réunion à huis clos des ministres arabes des Finances sur « les réformes fiscales ».

Une réunion qui s’est concentrée sur « les modifications socio-économiques en réponses aux changements technologiques et démographiques, à la mondialisation et au nouvel environnement de prix du pétrole ».

« De nombreux pays de la région sont aux prises avec le dilemme selon lequel leurs modèles sociaux-économiques traditionnels, fondés sur le rôle de l’État en tant qu’employeur principal et fournisseur de subventions et d’avantages énergétiques ou sociaux importants, doivent être modifiés », est-il souligné dans le communiqué, repris par l’agence APS.

Il est évident que la question des subventions des prix des carburants et des autres produits a bel et bien été abordée par le ministre des Finances à la faveur de cette réunion suivie de près par le FMI. Il a, selon Reuters, évoqué la réforme du système des subventions pour le rendre « à la fois plus efficace et plus favorables aux Algériens à faibles revenus ».

Abderrahamane Raouia n’a, lui-même, pas démenti ses propos ou dit que ses déclarations ont été mal « rapportées ou mal comprises ». Ouyahia et Bedoui l’ont fait à sa place.

Défaut de communication ?

Nous sommes donc face à une situation de cafouillage qui peut être liée soit à un défaut de communication gouvernementale sur une question aussi sensible que celle des subventions soit à un manque de vision sur la conduite de la politique économique du pays dans une conjoncture aussi compliquée sur le plan social.

Raouia s’est-il trop prononcé alors qu’il ne fallait pas tout dire compte tenu du caractère délicat de la question des subventions ? Le ministre des Finances s’est-il « lâché » dans une réunion à huis clos ? Ou était-il dans un exercice périlleux de communication internationale face à des partenaires étrangers soucieux de voir l’Algérie revoir son modèle social rapidement ?

La « règle d’or » en Algérie est de ne jamais remettre en cause les acquis sociaux et le système de subventions surtout à une année des élections présidentielles.

En parlant de « 2019 », Abderrahamane Raouia a mis son pied dans la mauvaise marche de l’escalier. D’où la réaction rapide du Premier ministre à Biskra qui, pour une fois, n’a pas rappelé qu’il parlait en tant que secrétaire général du RND.

Ouyahia, qui a plaidé pour que le langage de la vérité soit adopté, a critiqué ceux qui disent qu’il n’existe pas de crise financière en Algérie, attaqué, en même temps, ceux qui « manœuvrent » autour de la question de la levée des subventions et a tiré à boulets rouges sur l’initiative politique de Louisa Hanoune sur l’Assemblée constituante pour « sauver l’Algérie ».

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Le Premier ministre, qui a pris le temps de préparer ses répliques après des semaines de silence, met tout dans le même paquet, politise toutes les questions pour pouvoir répondre à partir de la posture d’un responsable de l’État qui a l’œil sur tout mais qui n’a pas forcément les réponses à toutes les questions.

Ouyahia, qui a reconnu que l’Algérie vit à moitié à crédit (après le recours à la planche à billets), n’a pas dit par quels moyens ni par quel mécanisme la politique de la subvention sera maintenue alors que l’État connait un déficit budgétaire et que les réserves de changes fondent comme la neige au soleil.

« Le pays doit connaître des réformes pour rétablir les équilibres financiers », a-t-il plaidé. Reste à savoir comment…

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