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Prise en charge des enfants cancéreux : « Nous vivons une situation catastrophique »

Prise en charge des enfants cancéreux : « Nous vivons une situation catastrophique »

Hamida Kettab, présidente de l’association El-Amel, d’aide aux cancéreux.

Hamida Kettab, présidente de l’association El-Amel, d’aide aux cancéreux, décrit dans cet entretien une situation chaotique des enfants atteints du cancer en Algérie. Elle fait état d’une rupture de médicaments, du manque d’équipements, de centres spécialisés. En Algérie, les enfants cancéreux subissent une double peine. En plus de la maladie, ils sont confrontés au manque de médicaments et de centres dédiés pour leur prise en charge.

C’est la Journée mondiale de lutte contre le cancer chez l’enfant. En Algérie, cette maladie prend de l’ampleur. Qu’en est-il de la prise en charge des enfants cancéreux ?

Hamida Kettab : Nous célébrons la Journée mondiale des enfants atteints de cancer, avec beaucoup d’amertume, malheureusement.

Nous vivons une situation catastrophique. Il y a une rupture nationale de médicaments destinés au traitement des enfants atteints de cancer.

Et pourtant, il ne s’agit pas de produits innovants ou d’immunothérapie, mais tout simplement, de produits de base pour les chimiothérapies qui traitent les enfants, et qui ne coûtent pas cher du tout.

Quoi qu’on n’a pas le droit de parler de coût parce que la santé de nos enfants, de nos anges, n’a pas de prix. Une prise en charge vraiment catastrophique qui ne fait qu’empirer avec cette pandémie de Covid-19.

Parce que les petits corps sont d’emblée épuisés par la pathologie et n’arrivent pas à trouver ou trouve difficilement les traitements. Pour les structures, il existe seulement trois ou quatre centres d’oncologie pédiatrique. Le reste ce sont des centres des services de pédiatrie.

Il y a seulement trois centres qui sont dédiés à l’oncologie pédiatrique. Ils sont basés à Alger. Alors pratiquement les enfants de toutes les régions sont obligés de se déplacer et de venir au CHU Mustapha, au CHU Nefissa Hamoud (ex-Parnet), au CHU de Béni Messous et au CPMC d’Alger pour se faire traiter.

Le manque de moyens rend la situation plus grave. Depuis 1997, il n’y a pas eu de nouveaux lits ou de nouvelles structures dédiés aux enfants atteints de cancer.

D’ailleurs, un centre spécialisé pour les enfants atteints de cancer devait justement ouvrir il y a deux ans. Mais jusqu’à aujourd’hui, là où nous célébrons la Journée mondiale des enfants atteints de cancer, il n’est pas encore ouvert. Pourquoi ? Cela reste une interrogation.

Nous enregistrons aussi le manque des plateaux techniques pour le diagnostic et la prise en charge des enfants atteints de cancer.

Toute l’imagerie médicale (scanner et IRM), se fait chez le privé. Le centre de référence, c’est-à-dire le CPMC d’Alger n’est pas doté d’équipements dédiés pour la prise en charge des enfants parce que les équipements pour anesthésier et endormir les enfants ne sont pas disponibles.

Alors, imaginez l’état des parents de ces enfants qui sont obligés de tout faire dans le privé. Un scanner coûte 15.000 dinars, une IRM à 20.000 dinars. À chaque fois, on est obligé de faire et d’évaluer la réponse à la chimiothérapie, au traitement médical. Alors, sincèrement, c’est une prise en charge vraiment catastrophique.

Donc, l’enfant est l’oublié du plan cancer national…

Pour le Plan cancer 2015-2019, il y a eu toute une partie qui est dédiée aux enfants atteints de cancer. Ce Plan a été mis en place. Il comprend des chapitres, des mesures à prendre. Mais, il n’a pas été appliqué. Le problème qui se pose, c’est la mise en œuvre de Plan cancer. Les onco-pédiatres ont participé à l’élaboration de ce Plan pour la prise en charge des enfants atteints de cancer, sous la responsabilité du professeur Zitouni.

Mais le problème qui se pose actuellement, c’est au niveau de la mise en œuvre de ce plan. Rien n’a été fait. D’ailleurs, il y a un centre spécialisé pour la prise en charge des enfants atteints de cancer qui était prévu à Bab el Oued (Alger), mais il n’a pas vu le jour, alors qu’il devait ouvrir il y a deux ans.

C’est de la négligence. Pourtant, le président de la République était clair depuis le début. Il a donné des instructions pour prendre en charge les enfants cancéreux. Il a déclaré le cancer comme priorité nationale.

Nous vivons aujourd’hui une situation dramatique, avec une rupture nationale des médicaments destinés au traitement des enfants cancéreux, comme l’acide folique, le méthotrexate. Ce sont des produits de base qui ne coûtent pas cher. Alors, c’est un problème de gestion, et non de moyens. Ce n’est pas normal.

Vous tirez la sonnette d’alarme ?

Tout à fait. Il faut mettre le paquet et responsabiliser les gens. Ce n’est pas normal. On parle du cancer de l’enfant. Ce n’est pas énorme, ça représente entre 2 et 3 % du nombre de cancéreux en Algérie. Pourquoi faire perdre des chances aux enfants atteints de cancer ?

Parce que pour le cancer de l’enfant, quand il est détecté précocement et quand il est pris en charge dans les délais, on peut parler de 100 % de guérison.

Mais quand la prise en charge fait défaut, ils sont obligés de faire des dizaines, voire des centaines de kilomètres pour venir à Alger, pour demander un traitement ou même pour soulager une douleur. Même pour des morphiniques ils sont obligés de se déplacer sur Alger. Ce n’est pas normal, c’est très grave.

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