
Déterrée par des parlementaires représentés par un député du RND, la proposition de loi relative à la déchéance de la nationalité algérienne suscite des critiques en Algérie. Interrogé par TSA, l’un des initiateurs, le député Hicham Sifer, donne plus de détails sur sa proposition.
Le texte déposé au bureau de l’APN le 15 octobre dernier propose de déchoir de sa nationalité « tout citoyen qui commet à l’étranger des actes susceptibles de porter gravement atteinte aux intérêts de l’État, à l’unité nationale ou fait preuve de loyauté envers un autre pays tout en persistant à renoncer à sa loyauté à l’État algérien ».
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Pour Zoheir Rouis, vice-président du parti Jil Jadid, « déchoir un Algérien de sa nationalité, c’est rompre le lien le plus sacré entre un peuple et son État. » « C’est dire à des millions de citoyens à l’étranger : « votre loyauté se mesure à votre silence » », ajoute-t-il dans un post publié sur les réseaux sociaux mardi soir.
Le vice-président de Jil Jadid (opposition) ajoute, qu’une « telle logique, venant par ailleurs d’un parti qui est loin de pouvoir faire la leçon de patriotisme aux Algériens, contredit la Constitution, les engagements internationaux de l’Algérie et l’esprit même de Novembre 1954, fondé sur la dignité et la souveraineté du peuple. »
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« Suspicion sur les Algériens de la diaspora »
Cette proposition de loi sur la déchéance de la nationalité algérienne « ne protège pas la nation : elle la fragilise, en transformant la nationalité en arme politique et la citoyenneté en condition révocable », estime-t-il.
Zoheir Rouis estime que cette proposition de loi « jette la suspicion sur les Algériens de la diaspora, comme si leur attachement au pays devait sans cesse être mis à l’épreuve », et qu’elle contribue à créer deux « catégories de citoyens : ceux de l’intérieur, tolérés, et ceux de l’extérieur, suspectés. »
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Il affirme que la nationalité doit « rassembler, pas exclure ni dissuader », et que le rôle d’un député « n’est pas d’introduire des instruments d’exclusion, mais de renforcer la démocratie, les libertés publiques et l’État de droit ».
« Un État fort n’a pas peur de ses citoyens. Il écoute, dialogue et unit. Adopter un tel texte ne ferait qu’aggraver la méfiance, la radicalisation et l’exil politique, là où il faudrait restaurer la confiance et la justice », conclut-il.
« La proposition de loi ne vise pas la diaspora algérienne »
Le député Hicham Sifer, du Rassemblement national démocratique (RND), soutient que le projet de loi modifiant et complétant l’Ordonnance n° 70-86 du 15 décembre 1970, relative à la nationalité algérienne, est « conforme aux dispositions de la Constitution, notamment à son article 36, ainsi qu’aux mécanismes internationaux applicables permettant aux États de déchoir des individus de leur nationalité dans des cas spécifiques, principalement liés à des menaces contre la sécurité et l’intégrité de l’État et à un manque de loyauté envers celui-ci ».
En 2021, un projet de loi similaire a été proposé par des députés, mais le président Abdelmadjid Tebboune est intervenu pour le retirer.
« La proposition de loi ne vise personne en particulier et ne cible pas la diaspora algérienne, se défend Hicham Sifer dans une déclaration à TSA ce mercredi 29 octobre. Au contraire, j’ai bien choisi le timing du 15 octobre pour le déposer au bureau de l’Assemblée, soit deux jours avant la commémoration du massacre du 17 octobre 1961 à Paris. Notre diaspora, qui avait répondu à l’appel du FLN, a montré son profond attachement au pays ».
Ce projet de loi introduit la « possibilité » de déchoir de leur nationalité, les Algériens qui « commettent des actes graves à l’étranger » contre les intérêts de l’État algérien ou portent atteinte à l’unité nationale, explique le député. « Les Algériens de l’intérieur ne sont pas concernés par cette mesure », ajoute-t-il.
La déchéance ne s’appliquera pas aux Algériens qui « commettent des actes graves à l’étranger et qui rentrent au pays pour y être jugés », précise encore le député de Guelma.
« Le Code de procédure pénale prévoit des poursuites judiciaires contre des actes commis par des Algériens à l’étranger. Il prévoit aussi des poursuites judiciaires contre des étrangers qui commettent des actes à l’étranger contre la sécurité, les intérêts et les services consulaires et diplomatiques de l’Algérie », détaille Hicham Sifer.