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Prolifération des fake news : la nature a horreur du vide

Prolifération des fake news : la nature a horreur du vide

Le ministère de la Défense a été contraint de sortir du silence, ce samedi 18 avril, pour démentir des « informations » d’une extrême gravité véhiculées sur divers supports.

Pendant la soirée de jeudi et toute la journée de vendredi, des animateurs de pages sur les réseaux sociaux ont affirmé, chacun évoquant ses sources, que plusieurs généraux-majors exerçant de hautes fonctions dans la hiérarchie militaire ont été arrêtés. Les « informations » ont été livrées parfois dans les moindres détails qu’elles ont été répercutées et commentées à large échelle.

Ce n’est pas la première fois que les hautes autorités du pays ont recours au démenti ces dernières semaines pour tenter de faire taire ce genre de rumeurs sur des sujets d’une extrême sensibilité. La semaine dernière, c’est la présidence de la République qui est montée au créneau pour informer l’opinion publique que la mouture de la révision de la constitution qui circulait depuis quelques jours sur les réseaux sociaux est en fait un faux.

Son auteur a été arrêté, de même que l’ont été de nombreux autres internautes, comme celui qui a diffusé un faux document du ministère de l’Intérieur instituant une prétendue prime au profit des agents de la Protection civile. Même la gestion de la crise du coronavirus n’est pas épargnée par les fausses informations, les rumeurs et les faux chiffres.

Néanmoins, ce qui s’est passé ce week-end dépasse l’entendement. Trois ou quatre officiers supérieurs de la haute hiérarchie militaire qui se font arrêter d’un coup, ce n’est pas un banal fait divers. Les répercussions de la large diffusion d’une telle rumeur pouvaient être fâcheuses. On parle de large diffusion car, est c’est là où le bât blesse, certaines de ces pages ont une audience non négligeable et les partages qui s’ensuivent font le reste. Lancée jeudi soir à partir de l’étranger, la rumeur de l’arrestation de généraux a fait le tour du pays en quelques heures.

Comment en est-on arrivé là et à qui la faute ? Il serait très facile de désigner ceux qui sont à l’origine des rumeurs par calcul politicien ou autre, et ceux qui les diffusent. L’équation est en effet bien plus complexe. Ce n’est pas la rumeur en elle-même qui pose problème, mais le fait qu’elle soit répercutée à large échelle et, surtout, prise pour argent comptant.

Pour poser la question autrement, pourquoi les théories complotistes et les fausses informations qui foisonnent quotidiennement de par le monde, notamment depuis le début de la pandémie du Covid-19, ne sont généralement pas prises pour plus que ce qu’elles sont, c’est-à-dire des rumeurs, et prennent en Algérie une autre ampleur dès qu’elles sont diffusées ? La réponse est sans doute intrinsèque à la situation du paysage médiatique national.

En situation « normale », les autorités ne devaient en aucun cas pas être contraintes à communiquer sur de pareilles fausses informations, le seul fait qu’elles ne soient pas reprises par les vrais médias, c’est-à-dire ceux qui exercent dans la lumière de la légalité, devant valoir démenti. Or les médias algériens, pour les raisons que l’on sait, n’ont pas pu se hisser au statut qui devait être le leur, celui de source de validation de l’information dans un monde où les nouveaux terminaux, à la portée de tout un chacun, servent aussi de plateforme d’émission, le plus souvent dans l’opacité et l’anonymat.

Un rôle que ne peuvent remplir que des médias à la crédibilité inattaquable et non des journaux, chaînes de télé ou sites électroniques dont les lecteurs n’ignorent pas la censure et les pressions, économiques ou autres, auxquelles ils sont soumis.

La nature ayant horreur du vide, c’est cette carence en crédibilité qui incite le public à s’informer auprès de médias étrangers ou sur les réseaux sociaux dont certaines pages se sont imposées comme de véritables médias alternatifs, comme on l’a constaté lorsque, dans leur majorité, les médias algériens ont passé sous silence les marches du hirak populaire.

Pour ne citer que ces deux faits, la fausse mouture de la Constitution portant atteinte « aux constantes et à l’identité nationales » et la fausse « décimation » de la hiérarchie de l’armée doivent servir de signal d’alarme pour faire prendre conscience aux autorités du danger qu’encourt le pays en laissant presque le monopole de l’audience au secteur informel de la communication.

Il est peut-être temps de comprendre que les fake news et leurs colporteurs ne résisteront pas longtemps à l’émergence de médias forts, non par leurs ressources et la taille de leur capital, mais par leur liberté et leur crédibilité.

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