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Quand la campagne contre des hommes d’affaires met à mal la cohésion au pouvoir 

Quand la campagne contre des hommes d’affaires met à mal la cohésion au pouvoir 

Le président Abdelaziz Bouteflika a instruit son premier ministre Abdelmadjid Tebboune de sévir contre « les hommes d’affaires qui ne respectent pas les règles et ceux qui transfèrent de l’argent d’une manière illicite à l’étranger ». Parmi les hommes d’affaires visés figure Ali Haddad. Son groupe ETRHB Haddad a notamment reçu plusieurs mises en demeure de la part d’organismes publics concernant des projets en souffrance.

Le nom de Haddad a été associé au président de la République dès 2010. Sept ans durant lesquels l’homme a bénéficié d’une place de prédilection dans le milieu politico-économique. Son groupe a obtenu pour près d’un milliard de dollars de crédits bancaires. Il a remporté des projets dans une trentaine de wilayas dans les secteurs des travaux publics, des chemins de fer et de l’hydraulique.

Le groupe a diversifié ses activités, en touchant à des secteurs complexes qui nécessitent beaucoup d’expertise pour la réalisation de chemins de fer. Fin 2014, son patron est placé à la tête du FCE. Il recevait des ambassadeurs et lors de réceptions officiels, il s’affichait aux premiers rangs, à côté des ministres.

Des zones d’ombre

Haddad était devenu intouchable grâce à cette proximité ostensiblement affichée avec le pouvoir. Mais les choses semblent prendre une autre tournure depuis la nomination d’Abdelamdjid Teboune à la tête de l’Exécutif. Que se passe-t-il réellement au sein du pouvoir qui expliquerait un changement aussi radical en si peu de temps ?

Dans cette guerre contre les hommes d’affaires « non intègres », pleinement assumée par Abdelamdjid Teboune, plusieurs zones d’ombre restent à éclaircir. La première a trait au timing. Pourquoi maintenant ? En d’autres termes, pourquoi le Président a décidé d’agir moins de deux ans avant les élections présidentielles de 2019 ? Durant les dernières années, la classe politique, la presse et l’opinion publique s’interrogeaient régulièrement sur la place qu’occupait Ali Haddad, pas seulement dans le milieu des affaires, mais dans la sphère politique algérienne.

Les contrats obtenus par l’ETRHB, un groupe sorti de l’ombre sous l’égide du président Bouteflika, suscitaient des interrogations et nourrissaient chez certains de la suspicion. Le temps a fini par donner raison à ces derniers, du moins si l’on prend en considération les mises en demeure adressées à Haddad et l’incident de l’École supérieure de la sécurité sociale. Le pouvoir pourra-t-il ignorer à ce point l’existence d’anomalies dans ce dossier ? A priori, un tel scénario est inenvisageable. Le contraire serait alors plus grave car il indiquerait de graves et d’inquiétants dysfonctionnements au sein de l’État.

Le silence mystérieux d’Ouyahia

L’autre question : pourquoi le faire de cette manière, publiquement et presque brutalement ? Le président Bouteflika a choisi la manière forte pour signifier son divorce avec Haddad. Ce choix pourrait signifier que les tentatives menées depuis plusieurs mois pour écarter le patron du FCE du jeu ont connu de la résistance au sein même du pouvoir.

La proximité de Haddad avec les cercles du pouvoir a permis à l’homme d’affaires de tisser des liens forts avec les cercles de décision. Certains acteurs politique n’ont pas d’ailleurs hésité à afficher leur amitié avec Haddad. C’est le cas d’Ahmed Ouyahia, patron du RND et directeur de Cabinet du président Bouteflika. « Haddad est un ami et restera un ami », assumait ouvertement Ouyahia, le 17 décembre, dans une conférence de presse animée quelques jours après l’incident du Forum algéro-Africain sur l’investissement.

Le même jour, sur Dzaïr News (la chaîne de Haddad), Ouyahia affirme : « Entre Dzaïr News et le RND, nous partageons une chose : nous, on soutient le système et vous, votre patron soutient le système ». Ahmed Ouyahia maintiendra-t-il ses propos aujourd’hui, alors que Haddad semble en disgrâce ? Une chose est sûre : au moment où la classe politique, opposition et partisans du pouvoir -même Ould Abbes- se positionne, force est de constater que le parti d’Ouyahia brille par son silence concernant le bras de fer entre le gouvernement et Haddad.

Un pouvoir en mal de cohésion

L’autre réaction qui suscite l’étonnement est celle du secrétaire général de l’UGTA. Selon les informations recueillies par TSA, c’est bien Sidi Said qui a suggéré à Ali  Haddad de quitter l’École supérieure de la sécurité sociale. « Haddad a pris place parmi la délégation officielle qui devait accueillir le Premier ministre. Informé, Tebboune a demandé que le président du FCE quitte le premier rang », souligne notre source. « Sur le plan protocolaire, Haddad n’avait rien à faire avec la délégation officielle, contrairement à Sidi Said qui avait sa place », souligne notre interlocuteur. Mais en solidarité avec Haddad, « Sidi Said a suggéré au président du FCE de quitter la salle avec lui », ajoute notre source.

Quatre jours plus tard, Sidi Sadi signe un communiqué de soutien avec Haddad. « On peut comprendre parfaitement que des patrons se solidarisent entre eux. Mais l’alignement de l’UGTA pose problème en effet ». Hier, l’UGTA, dans un communiqué, a fait un pas en arrière. Mais le texte n’a pas été signé par le patron de la Centrale syndicale.

Ces prises de position des uns et des autres marquent un tournant qui peut être décisif dans les rapports de force au sein du pouvoir en Algérie à moins de deux ans des présidentielles. Au-delà de la campagne contre certains hommes d’affaires, c’est la cohésion au sein même du pouvoir qui est sérieusement remise en cause. Une sorte d’opposition non déclarée s’y installe. Après la dislocation du pouvoir de l’ombre, le noyau apparent du pouvoir semble se fissurer dans le sillage de la guerre de succession au chef de l’État.

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