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Recrudescence des contaminations au Covid-19 : faut-il craindre le pire ?

Recrudescence des contaminations au Covid-19 : faut-il craindre le pire ?

L’Algérie est confrontée depuis quelques jours à une nouvelle hausse des cas positifs au Covid-19, et les alertes sont de plus en plus nombreuses à remonter des centres hospitaliers.

Une situation rendue possible par l’abandon total des mesures barrières et le désengagement perceptible des autorités quant à faire respecter ces mesures. Le relâchement constaté a été précédé par un discours plutôt rassurant avec une communication quasi-absente concernant la situation épidémiologique.

« J’ai entendu des déclarations selon lesquelles la situation est maîtrisée. Je regrette, ni le ministère de la Santé ni qui que ce soit ne peut garantir qu’il n’y ait pas une reprise de l’épidémie lorsqu’il y a un abandon total des mesures barrières », avertit Dr Mohamed Yousfi, chef du service des maladies infectieuses à l’EPH de Boufarik (Blida). « On ne semble pas prendre ses dispositions, y compris le ministère de la Santé. Je regrette que la communication n’ait pas été assez offensive », martèle l’infectiologue dans une déclaration à TSA. « Le fait qu’au sein de la population c’est le laisser-aller, non seulement je dois communiquer en tant que ministre de la Santé mais je dois aussi tirer la sonnette d’alarme comme membre du gouvernement », proteste-t-il.

Tout en soulignant que le contrôle n’est pas du ressort du ministère de la Santé, mais d’autres départements comme le ministère de l’Intérieur ou celui du Commerce, Dr Yousfi estime néanmoins qu’il est de la responsabilité du ministère de la Santé de « faire bouger les choses » en matière de communication.

« Il ne faut pas dormir sur ses lauriers en se disant que c’est fini, on a vaincu l’épidémie », prévient le médecin, qui s’inquiète qu’en sus de cette situation, « on ne fait rien pour accélérer la vaccination, et c’est ça le drame ».  « D’un côté, on minimise et on n’attire pas l’attention sur le non-respect des mesures barrières, et de l’autre on tient un discours selon lequel la vaccination se poursuit normalement. Or, tout le monde est d’accord pour dire qu’on est très en retard en matière de vaccination, sachant que la communication à ce sujet est complètement à côté de la plaque », déplore encore l’infectiologue.

« Tout dépend de nous, citoyens et pouvoirs publics » 

« Lorsqu’on ne communique pas sur le respect des mesures barrières, que le citoyen n’est pas rappelé à l’ordre et que la vaccination ne suit pas, automatiquement chacun fait ce qu’il veut », tonne le médecin spécialiste. Comment envisage-t-il l’évolution de l’épidémie dans les jours à venir ? Y a-t-il un risque que la situation échappe au contrôle ? « Nous l’avons dit avant que les contaminations augmentent, tout dépend de nous, citoyens et pouvoirs publics », précise Dr Yousfi qui met en garde que « si on ne fait rien, si on ne se ressaisit pas, on va aller vers une troisième vague ». « Il n’est pas encore trop tard pour agir », encourage-t-il.

Sur la prévalence des variants (britannique et nigérian) du Covid-19 en Algérie à la lumière de cette recrudescence, Dr Yousfi avoue ne pas être en mesure de s’avancer sur la part des variants détectés jusque-là en Algérie, sur l’ensemble des souches en circulation. « S’ils sont minoritaires, on peut contrôler avec les mesures barrières, mais s’ils sont majoritaires et plus contagieux, cela veut dire qu’on devrait être plus sévère et plus strict sur les mesures barrières et dans le contrôle, au risque d’assister à une flambée », prévient le spécialiste, qui regrette que « personne au ministère de la Santé ne donne une réponse sur le pourcentage des variants ».

Le président de la Fondation de la recherche médicale (Forem), le Pr Mostefa Khiati, a, lui, un avis plus tempéré sur la situation sanitaire. « C’est vrai qu’il y a des alertes mais la plupart ne sont pas documentées. Nous assistons depuis le début de la pandémie à une imprécision des chiffres. Je pense que c’est pour cette raison qu’aujourd’hui il n’y a pas une inquiétude particulière », énonce-t-il dans un entretien à TSA. Il ajoute que la plupart des cas qui ont été observés sont des cas de clusters familiaux. « Ce sont les personnes âgées et celles atteintes de co-morbidités qui en ont payé le prix. C’est ce qu’on voit depuis les trois derniers mois », avance-t-il.

« Maintenant, est-ce cette situation va continuer sur ce rythme ou bien va-t-on assister à un début d’une nouvelle vague comme cela a été le cas en novembre passé ? Malheureusement, nous n’avons pas de paramètres sérieux pour l’affirmer », pointe le Pr Khiati qui explique le pourquoi de sa réserve.

« On navigue dans le flou » 

« D’abord, nous n’avons pas d’études génomiques sur les variants. On navigue dans le flou et l’on n’a pas une vision claire de la situation épidémiologique basée sur des données génétiques », illustre-t-il. « Disons qu’on n’a pas d’indicateurs pour apprécier la situation. On a l’impression qu’on a fini par s’habituer à la pandémie », abonde le scientifique qui constate que les médias lourds accordent très peu d’intérêt aujourd’hui à la pandémie. « Comme si le problème avait été définitivement clos. Or, il y a une erreur. On est face à une pandémie qui n’a fait que nous surprendre depuis le début. L’Algérie devrait prendre ce qui se passe en Europe comme des éléments pour orienter sa politique épidémiologique », exhorte-t-il.

L’autre problème tient au retard dans la mise en place du programme de vaccination. « Nous sommes déjà fin avril et très peu de personnes ont été vaccinées. Il n’y a pas d’information qui est donnée sur le nombre de personnes vaccinées. De même qu’il n’y a pas une accélération de cette vaccination. On ignore les programmes pour les semaines prochaines. On nous a annoncé que l’Algérie commencera la fabrication du vaccin russe Spoutnik V mais en septembre 2021. On ne sait pas quand aurons-nous les premières doses », fait observer le président de la Forem qui déplore une situation « floue » sur le plan épidémiologique et de la lutte contre la pandémie.

« Nous sommes dans un tunnel, nous ne voyons toujours pas la lueur. Nous sommes toujours dans l’opacité et dans le flou. On ne sait pas comment la pandémie va évoluer. A partir de là, nous sommes tenus de prendre toutes les mesures de protection et de prévention. Et redoubler d’efforts en matière de vaccination pour protéger la population », recommande-t-il.

De plus en plus d’enfants touchés par le Covid-19 ? Le professeur en pédiatrie est moins formel et il explique pourquoi. « Tant qu’il n’y a pas de PCR, c’est d’abord un point d’interrogation. Nous sommes au printemps et on connait le problème des allergies et parfois la recrudescence des virus respiratoires chez l’enfant. On en a observé un certain nombre de cas, mais nous les avons traités comme des infections virales banales », confirme-t-il, appelant à ne pas tirer de conclusions très rapides. « On ne peut, chaque fois qu’il y a un écoulement nasal avec fièvre chez l’enfant, conclure à un Covid. Il ne faut pas exagérer. C’est vrai qu’il y a un nombre assez conséquent d’enfants qui se présentent aux consultations de pédiatrie avec des signes respiratoires mais je pense qu’il faut les mettre sur le compte des infections virales et les allergies », conclut-il.

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