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Référendum en Turquie : Erdogan veut les pleins pouvoirs

Référendum en Turquie : Erdogan veut les pleins pouvoirs

Les Turcs votent ce dimanche 16 avril pour un référendum sur l’amendement de la Constitution et l’adoption d’un nouveau système de gouvernement qui renforcera les pouvoirs du président de la république. Selon des sondages récents, les résultats devraient être très serrés.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est placé au centre de la campagne pour le « oui ». « Demain est très important, vous devez absolument aller aux urnes. N’oubliez pas que ce vote est en notre honneur », a-t-il déclaré hier samedi.

Le référendum divise les fervents partisans d’Erdogan et ses opposants. Ces derniers craignent que ce nouveau système fasse basculer la Turquie vers l’autoritarisme en mettant en péril le principe de séparation des pouvoirs et en plaçant la Turquie sous le règne d’un seul homme.

Dans le nouveau système, le poste de Premier ministre serait supprimé. Le pouvoir exécutif irait alors au président, qui pourrait émettre des décrets et nommer les juges chargés d’étudier ses décisions. Le président pourrait aussi demander des enquêtes disciplinaires contre tout fonctionnaire turc. Les mandats présidentiels seraient limités à deux, de cinq ans chacun, sauf dans le cas où le Parlement abrégerait le second en demandant des élections anticipées.

En mars dernier, la Commission de Venise, qui conseille les chefs de 61 États dont la Turquie, estimait que la réforme conférerait des pouvoirs excessifs au président. L’Union européenne (UE) a ensuite indiqué qu’une telle réforme réduirait par conséquent les chances de la Turquie d’intégrer l’Union.

Les partisans du « oui » vantent toutefois les mérites d’un gouvernement très centralisé, dont ils considèrent qu’il serait plus à même de faire face aux problèmes que rencontre le pays, parmi lesquels la crise économique, l’immigration syrienne, le terrorisme et le conflit contre les Kurdes et la guerre civile en Syrie.

Ces partisans indiquent aussi que la nouvelle constitution réduirait l’influence de l’armée, et donc le risque de coup d’État.

Après un coup d’État raté l’année dernière, le président Erdogan s’est lancé dans une vaste purge qui a visé plus de 100.000 opposants. Selon l’opposition, les partisans du « non » au référendum ont régulièrement été empêchés par les autorités de se réunir et ont été suspectés d’être de mèche avec des groupes terroristes ou des partisans du coup d’État. Le gouvernement turc a nié avoir posé des restrictions à la campagne pour le « non ». « Nous ne forçons personne à voter oui ou non, nous faisons une campagne comme n’importe quelle autre campagne », avait affirmé en mars Ibrahim Kalin, porte-parole du président Erdogan.

« Les gouvernements stables ont été capables de gérer les crises plus efficacement, de mettre en place des réformes structurelles à temps et de rendre le climat de l’investissement plus favorable, en augmentant la prévisibilité », écrivait Ibrahim Kalin dans CNN le 12 avril. Selon lui, la suppression du poste de Premier ministre permettrait d’ « éliminer efficacement le risque d’instabilité politique causé par de faibles gouvernements de coalition ». Quant à la séparation des pouvoirs, elle serait encore plus nette sous ce régime, assure-t-il, indiquant notamment que le Parlement pourrait contrer un décret présidentiel en légiférant.

Si le « oui » l’emportait, les analystes s’attendent à ce qu’Erdogan essaie de se rapprocher de l’Occident, après avoir posé l’Europe en ennemi extérieur afin de s’assurer un soutien nationaliste chez lui, mettant en péril le processus d’accession de la Turquie à l’UE. Le président avait comparé l’Allemagne et les Pays-Bas aux Nazis lorsque les deux pays ont refusé qu’il fasse campagne sur leur territoire pour le référendum.

Cependant, « si son opération de séduction ne rencontre pas de réciprocité, il pourrait lancer un plan B qui resserrerait son emprise sur la société turque », prévient Ozgur Unluhisarcikli, directeur du bureau d’Ankara du think-tank German Mashall Fund. Pour M. Unluhisarcikli, la logique d’Erdogan est de mettre en avant des ennemis de la nation, afin de convaincre qu’un pouvoir exécutif plus fort permettrait de contrer ces ennemis plus efficacement.

Si c’est le « non » qui l’emporte, les observateurs s’attendent à ce qu’Erdogan demande des élections anticipées afin d’assurer à son parti, l’AKP, une majorité au Parlement, ce qui lui permettrait de modifier la Constitution sans référendum. Cependant, une telle manœuvre ne se ferait pas sans résistance du MHP, l’autre parti de droite sur lequel l’AKP a dû s’appuyer pour organiser le référendum.

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