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Reportage. Blida, la ville des roses

Reportage. Blida, la ville des roses

La place du 1er novembre, l’ancienne place d’armes puis Georges Clémenceau durant la colonisation française de l’Algérie, constitue la plaque tournante de Blida. C’est le lieu de rencontres des Blidéens et un inévitable point de chute des visiteurs et des touristes.

Les Blidéens continuent de l’appeler « place ettout », (place des muriers). Cette expression découle, selon certains, de la corruption du mot « toutes » donné à cette place qui regroupait autrefois l’ensemble, donc « toutes », les administrations coloniales. Elle est ornée au milieu par un superbe kiosque à musique octogonal abritant en son centre un gigantesque palmier. Le kiosque refait à neuf est entouré d’un petit canal d’eau.

Place ettout n’a pas trop changé. Elle est entourée d’immeubles à arcades, dont l’un abrite l’imprimerie Mauguin, l’une des plus anciennes imprimeries d’Algérie. Créée en 1857, elle est toujours en activité avec, en partie, des outils d’impression de l’époque. Ses portes sont parfois ouvertes aux visiteurs, à condition de prendre rendez-vous avec des responsables de l’établissement.

Blida est fondée au milieu du 16e siècle par sidi Ahmed El-Kébir. Ce saint homme avait accueilli de nombreuses familles andalouses chassées d’Espagne au 15e et 16e siècle. C’est à ces familles qu’on attribue l’introduction de la culture de l’orange dans la Mitidja.

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La résistance réprimée

Blida avait été occupée par les troupes coloniales françaises en 1835, en déployant d’importants moyens humains et matériels afin de faire face à la résistance des tribus de la région.

Une résistance réprimée dans le sang. La répression qui s’abattit sur les populations fut d’une atrocité ahurissante. « Ce n’était partout que massacres et pillages. Ainsi, le 22 du même mois (novembre 1831), le général Trézel, chef de l’état-major de l’armée, s’étant porté sur Sidi-el-Kébir, beau village situé dans une gorge de l’Atlas, à une demi-lieue derrière Blida, fit main basse sur tous les biens, malgré les prières et les larmes de ses habitants inoffensifs. Les vieillards, les femmes et les enfants, qui s’étaient réfugiés dans le sanctuaire d’un marabout, à l’approche des Français, furent tous passés au fil de l’épée », relevait V. A. Dieuzaïde dans son Histoire de l’Algérie de 1830 à 1870, publié en 1880 à Oran, Algérie(1).

La ville a été détruite au moins à deux reprises par des tremblements de terre forts violents, notamment en 1825 et 1867. Elle a vécu une série d’épidémies qui ont causé beaucoup de décès. Le « quartier réservé », créé par les Turcs et maintenu par la France coloniale, a été fermé par les autorités algériennes une douzaine d’années environ après l’accession du pays à l’indépendance.

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Blida demeure encore « la ville des roses » chantée, peinte et dépeinte par des auteurs et des artistes de renom. Au lendemain de la première guerre mondiale, le 7 mai de chaque année, les habitants, principalement les colons, se livraient à ce qu’on appelait « la bataille des roses. »

Ils se jetaient des fleurs depuis les balcons et dans la rue une bonne partie de la journée. Au milieu de l’après-midi, participants, habitants et spectateurs rejoignaient la place d’armes, l’actuelle place du 1er novembre, où la musique et les fanfares prenaient le relais. Des prix étaient décernés à ceux qui ornaient admirablement de fleurs leurs voitures, carrosses et engins agricoles.

Les concurrents rivalisaient par l’originalité et la grande variété des fleurs servant à embellir leurs voitures. La cérémonie était suivie d’une grande fête, de la musique et de la danse sur la même place. Il y a trois ans, des élus locaux avaient annoncé qu’ils songeaient à relancer cette fête.

Une initiative susceptible de donner un coup de fouet à l’animation culturelle et artistique de la ville. Elle pourrait drainer plus de visiteurs et de touristes locaux et, pourquoi pas, étrangers. En 1998 et 1999, Boufarik et Blida avaient accueilli plusieurs groupes de touristes étrangers, français notamment.

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Résidence forcée du roi du Bénin

C’est à Blida que fut placé en résidence surveillée Béhanzin Kondo, roi du Dahomey, actuel Bénin, après sa défaite face aux forces coloniales française, à la fin du 19e siècle. La villa la Paisible dans laquelle il vivait avec quelques membres de sa famille se trouve dans le vieux quartier Douiret de la ville.

Elle a été visitée par le président du Bénin, Thomas Boni Yayi, lors d’une visite officielle en février 2015 en Algérie. Le roi Behanzin est mort le 9 décembre 1906 à l’hôtel de Nice (ex-Genève), actuel Tipaza (en travaux), au square Port Saïd à Alger.

Vaincu par les troupes françaises qui envahirent son pays, il fut déporté à la Martinique, puis exilé en Algérie. Arrivé à Alger le 18 avril 1906, où il rendit son dernier souffle moins de huit mois plus tard des suites d’une pneumonie, selon la presse de l’époque. Inhumé au cimetière de Bologhine (ex-Saint-Eugène) à Alger, en présence de son fils Ouanilo (exilé lui aussi), ses restent ne furent rapatriés dans son pays qu’en 1928.

Pendant son séjour forcé à Blida, à 50 km au sud d’Alger, le roi Béhanzin recevait un grand nombre de visiteurs. « Sa porte était ouverte à tous, et à tous; il réservait le même accueil affable », sauf pour les représentants du gouvernement français, qu’il accueillait avec dédain et mépris, selon un journal de l’époque.

« La demeure, qui se devine encore de nos jours derrière de hautes murailles et des portes voûtées, est bâtie dans un parc d’environ 1,5 ha, planté de toutes sortes d’arbres dont des pins d’Alep, des figuiers de barbarie, de palmiers et de vignes », rapportait l’APS lors de la visite effectuée à Blida par le président du Bénin.

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Sites historiques et touristiques 

La bâtisse mérite d’être classée patrimoine national. Elle pourrait figurer parmi les sites historiques, touristiques et des loisirs de la ville, telle que la place du 1er novembre (ex-Clémenceau) abritant en son centre le kiosque à musique, le jardin Patrice Lumumba (ex-Bizot) fondé en 1867, les mausolées de Sidi Ahmed El-Kébir, Sidi Yacoub Mohamed Chérif et Ben Saadoune Ben Baba Ali ainsi que les mosquées Hanifi et El Kawther.

Le superbe palais Aziza, du nom de la fille de Hussein Dey, situé à Béni Tamou, près de Blida, peut être ajouté à la liste des sites historiques et touristiques de la « ville des roses » à inclure sur les tablettes touristiques.

La bâtisse n’a rien à envier aux palais ottomans de la Basse Casbah d’Alger. Elle devait être restaurée et transformée en musée, après le relogement des familles qui l’occupaient depuis l’indépendance en 1962.

Avant cette date, elle avait connu plusieurs affectations : prison au début de la colonisation, caserne militaire puis résidence d’un officier parachutiste française en 1962, à la veille de l’indépendance.

Comme Alger, Blida, durant l’occupation ottomane, était entourée de remparts de quatre mètres de haut percés de six portes, dont Bab Sebt, Bab Dzair, Bab Zaouïa et Bab Rahba.

La ville est située non loin de deux sites drainant de nombreux visiteurs : les gorges de la Chiffa et son ruisseau des singes, la station climatique de Chréa située dans l’enceinte du Parc national de la biosphère du même nom.


(1) Histoire de l’Algérie de 1830 à 1870, V. A. Dieuzaïde  T1, Imprimerie de l’Association ouvrière, Heintz, Chazeau et Cie, 1880, Oran.

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