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Restrictions des visas pour les Algériens : pourquoi le gouvernement fait profil bas

Restrictions des visas pour les Algériens : pourquoi le gouvernement fait profil bas

Les Algériens sont parmi les plus touchés par les nouvelles restrictions adoptées par l’Union européenne en matière d’octroi des visas. Relevant déjà du parcours du combattant, l’obtention du fameux document devient de facto mission impossible pour de larges franges de la population.

Faut-il s’en offusquer ou accepter la nouvelle donne comme une retombée inéluctable de la montée de la migration clandestine ?

L’Algérie officielle a répondu par la voix de son ministre des Affaires étrangères qui n’y voit rien d’autre qu’une manière pour l’Europe de se refermer et de se protéger devant les proportions prises par le phénomène ces dernières années.

« Ce sont des politiques protectionnistes menées par certains pays. Lorsque vous avez le phénomène de la migration clandestine vers l’Europe, il faut réfléchir sur toutes les mesures qui ont été prises pour que l’Europe se referme. Des mesures prises pour décourager le phénomène de la migration clandestine », selon Abdelkader Messahel qui s’exprimait jeudi sur la question.

C’est à peine si ce dernier n’a pas nié la restriction qui frappe les Algériens en déclarant à la même occasion : « Nous avons des accords avec des pays européens. Les choses se passent normalement, les demandes se font, les visas sont accordés. Il y a parfois des dépassements. Nous sommes en train de les gérer d’une manière à préserver la dignité humaine et la dignité des Algériens. »

De par sa fonction, M. Messahel ne pouvait se permettre d’autre rhétorique que le ton diplomatique qui, hélas, ne permet pas d’aller au fond des choses dans ce genre de dossier.

Le chef de la diplomatie algérienne s’est borné à émettre un avis prudent, sans répondre aux véritables questions, celles précisément que ne peuvent s’empêcher de se poser analystes et simples citoyens.

À quoi obéit cette décision inattendue des 28 États de l’Union européenne ? La restriction des visas pour les Algériens fait-elle suite à la réticence des autorités algériennes d’autoriser la reconduite aux frontières, donc le rapatriement, des ressortissants nationaux en situation irrégulière en Europe ? Un chantage des Européens pour amener l’Algérie à accepter l’ouverture de camps pour migrants sur son territoire ?

Sans doute que la position du gouvernement vis-à-vis du rapatriement des Algériens expulsés des pays d’Europe pour le motif d’être en situation irrégulière, peut bien constituer un prétexte raisonnable pour ces derniers de restreindre le nombre de visas et de donner un tour de vis supplémentaire aux procédures de leur octroi.

On se souvient, la question du rapatriement d’environ 1 600 Algériens d’Allemagne avait fait l’objet d’âpres négociations tout au long de l’année 2016 entre le gouvernement algérien, alors dirigé par Abdelmalek Sellal, et son homologue allemand qui avait jugé que l’Algérie, au même titre que le Maroc et la Tunisie, était un « pays sûr ».

La partie algérienne voulait d’abord que la nationalité des concernés soit dûment prouvée et avait trop insisté sur les procédures, en mettant en avant un accord signé entre les deux pays en 2006 prévoyant le rapatriement par avion, avec pas plus de 30 personnes par vol et la prise en charge des frais inhérents par le gouvernement allemand.

Devant la réticence des pays d’origine des migrants, dont l’Algérie, à accepter la mise en œuvre de la reconduite aux frontière des « sans-papiers », les États d’Europe ont peut-être pris les devants pour régler le problème en amont, en procédant donc à des mesures restrictives sur les visas.

Cela dit, la posture de l’Algérie vis-à-vis de la question est difficilement tenable puisque sur son propre territoire, elle procède à des expulsions massives et systématiques de migrants subsahariens, au point de soulever un tollé parmi les ONG internationales.

Le dogme de la réciprocité

Il y a aussi cette lancinante question de mise en place de camps sur la rive sud de la Méditerranée que les Européens voient comme une solution efficace au flux de migrants subsahariens. Avec la Turquie, l’accord conclu dans ce sens en 2016 avait eu comme effet immédiat le tarissement des flux de réfugiés venant principalement de Syrie et d’autres pays instables du Proche-Orient.

Le président Erdogan avait négocié ferme et a pu arracher des compensations financières et des facilitations pour les citoyens turcs dans l’obtention du visa d’entrée dans les pays de l’UE.

Les Européens ont voulu rééditer avec les pays du Maghreb cette expérience de sous-traitance de la gestion des migrations clandestines mais l’Algérie, très à cheval sur les principes et les questions de souveraineté, a signifié un niet catégorique à leur proposition. «Nous l’avons dit. Il est exclu que l’Algérie ouvre une quelconque zone de rétention. Nous sommes déjà confrontés aux mêmes problèmes. Nous procédons à des reconductions, mais nous le faisons selon des arrangements que nous avons avec nos pays voisins», avait expliqué le même Messahel en juin dernier.

Quoi qu’il en soit, la diplomatie algérienne ne semble pas faire une priorité de l’obtention des visas par les nationaux. N’a-t-elle pas elle-même une politique d’octroi de visas plus que restrictive ? Hommes d’affaires, journalistes, membres d’ONG ou simples touristes trouvent souvent du mal à obtenir le document auprès de nos représentations diplomatiques à l’étranger, sous le prétexte, qui n’a pas lieu d’être, de réciprocité.

Cela, au moment où le bon sens et les objectifs déclarés de la politique économique du pays, soit l’encouragement des investissements et le développement du tourisme, dictent de faire preuve de plus d’ouverture. Dans les consulats d’Algérie à l’étranger, les préposés à l’étude des demandes de visas sont hantés par la crainte d’accorder le fameux document à quelque personne « indésirable », journaliste ou membre d’ONG critique envers l’Algérie. Du coup, dans bien des cas, ils ne se posent pas trop de question : mieux vaut ne prendre aucun risque en rejetant la demande même à des touristes.

Beaucoup de choses sont à revoir en la matière pour la diplomatie algérienne et le plus tôt sera le mieux. Le dogme de la réciprocité ayant montré ses limites, il est peut-être temps d’essayer le pragmatisme, à moins que ceux qui sont censés changer les choses n’aient aucune raison (personnelle) de le faire, le passeport diplomatique étant un sésame qui ouvre toutes les portes…

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