L’Algérie s’est résignée à lever l’interdiction sur l’importation de viandes blanches et rouges, revenant ainsi sur une mesure censée encourager les producteurs nationaux pour disposer d’une filière locale compétitive.
L’orientation globale de régulation des importations de nombreux produits, par la rationalisation, la restriction ou l’interdiction, va dans cet objectif.
Pour les viandes en tout cas, il s’en est résulté une hausse des prix jamais vue. Le kilo de viande de bœuf a atteint 2.500 dinars, devenant inaccessible même aux bourses moyennes.
Le poulet a aussi pris des ailes, dépassant les 500 dinars le kilo, alors qu’il dépassait rarement les 300 dinars il y a quelques années.
Ce sont les filières algériennes qui illustrent leurs difficultés à mettre sur le marché des produits en quantités suffisantes pour se substituer à l’importation.
Ce retour à l’importation des viandes et l’achat massif des céréales à l’étranger montrent aussi combien le chemin est long pour atteindre la sécurité alimentaire.
Pourtant, les chiffres officiels inhérents aux performances de l’agriculture algérienne sont éloquents. En février dernier, aux assises nationales sur l’agriculture, le président de la République a révélé que la production agricole algérienne a atteint, en valeur, 35 milliards de dollars. En volume, la production a été doublée entre 2020 et 2022, selon un rapport publié un mois plus tôt au forum de Davos. Où est donc le problème ?
Si l’on doit admettre que l’agriculture algérienne a nettement amélioré ses performances ces dernières années, il faut aussi noter que certaines filières ne suivent pas le rythme.
Or, il se trouve que ces filières sont les plus importantes pour la sécurité alimentaire du pays : céréales, laits, viandes, sucres et graines oléagineuses.
Pour ces deux dernières filières, l’Algérie dépend entièrement de l’importation et ce n’est que depuis quelques mois que des projets de lancement d’une production locale sont annoncés.
La filière céréalière, la plus sensible et la plus stratégique de toutes, est tributaire des précipitations et ne couvre parfois pas la moitié des besoins nationaux.
Cette année par exemple, la sécheresse a fait baisser la production à 2,7 millions de tonnes (chiffre du département d’État US de l’agriculture), pour des besoins de 10 à 11 millions de tonnes.
Sécurité alimentaire : l’Algérie doit attendre
Cela fait trois décennies, voire plus que le développement de la filière est érigé en priorité nationale, mais ni les rendements ni les volumes produits n’ont bougé sensiblement.
Le nouvel objectif assigné par le président de la République aux céréaliculteurs est de produire 9 millions de tonnes sur 3 millions d’hectares emblavés, à raison de 30 quintaux à l’hectare.
De tels chiffres, très raisonnables, sont en principe à la portée de l’Algérie et il est difficile de comprendre pourquoi elle peine à les atteindre malgré tout l’argent dépensé par l’État en accompagnement, dans l’encouragement de l’irrigation notamment.
Le problème réside peut-être dans un déficit de modernisation de la filière, y compris dans son management.
Ce qui vaut aussi pour l’élevage. Selon l’aveu du chef de l’État, pendant de longues années, le gouvernement ignorait jusqu’à la taille du cheptel et ce n’est qu’après l’introduction de techniques modernes de recensement, comme l’usage des drones, qu’un chiffre plus proche de la réalité est arrêté : 19 millions de têtes.
Dans cette filière aussi, des sommes colossales sont dépensées en soutien aux éleveurs. En vain, puisque ceux-ci viennent de signer leur échec à améliorer leurs performances, même en étant libérés pendant plusieurs années de la concurrence de l’importation.
Au contraire, l’arrêt de l’importation a été mis à profit par les producteurs et les intermédiaires pour augmenter les prix de façon indécente, que ce soit pour les viandes ou tous les produits locaux que l’État a eu la louable intention d’encourager.
L’autre bon exemple est celui de la pomme locale, devenue inaccessible depuis le gel de l’importation de ce fruit. C’est le marché qui a été privé de son régulateur qu’est l’importation.
Toutes ces conséquences doivent amener les pouvoirs publics à se rendre à l’évidence que l’obsession de tout produire localement est une illusion. Ou du moins, les méthodes adoptées ne sont pas les bonnes.
L’agriculture algérienne a un grand potentiel comme le montrent les performances de ces dernières années, mais une profonde réforme est nécessaire pour la moderniser, fixer les priorités, utiliser l’eau surtout celle peu renouvelable du Sahara pour les filières stratégiques comme le blé, les oléagineux, l’élevage…
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