Fin de l’impunité pour les soldats franco-israéliens qui participent aux exactions de l’armée israélienne à Gaza ? Le gouvernement français ouvre la porte à d’éventuelles poursuites judiciaires contre des soldats franco-israéliens coupables de crimes pendant la guerre en cours à Gaza.
La question a été soulevée il y a plusieurs mois par des activistes et des hommes politiques en France. La diffusion d’une vidéo montrant la maltraitance d’un Palestinien, à laquelle participe au moins un soldat franco-israélien, a fait réagir le Quai d’Orsay, qui a fait part de la « compétence » de la justice française pour poursuivre de tels acte.
Les cas des Franco-Israéliens qui combattent dans l’armée de Tel-Aviv ont fait l’objet de débat dans un contexte de forts clivages dans la société civile et la classe politique françaises par rapport à la guerre qui a commencé à Gaza le 7 octobre dernier.
En décembre dernier, le député de gauche, Thomas Portes, citant une enquête d’Europe 1, avait signalé que 4.185 Franco-Israéliens participaient à la guerre de Gaza en qualité de réservistes de l’armée d’Israël.
Les Franco-israéliens constituent le deuxième plus important contingent étranger, après les Américains, dans les rangs de l’armée israélienne. Le député a saisi le ministre de la Justice, réclamant que les personnes de nationalités françaises, y compris les binationaux, « coupables de crimes de guerre, soient jugés par la justice française ».
« La colonisation constituant un crime contre l’humanité, les citoyens de nationalité française qui y participent dans les territoires palestiniens doivent aussi répondre de leurs actes devant la justice », avait estimé le parlementaire, jugeant, au-delà de l’aspect juridique, que la présence de citoyens français dans cette guerre « déshonore la France ».
Comme l’explique le journaliste Slimane Zeghidour sur TV5 Monde, l’engagement des Franco-Israéliens dans l’armée israélienne ne constitue pas en lui-même un délit et est couvert par un accord franco-israélien de 1959 encadrant la question du service militaire des citoyens ayant la nationalité des deux pays.
Mais tout change lorsqu’il y a participation à des crimes de guerre. Et c’est le gouvernement français qui le dit dans des termes très clairs.
« C’est la Justice française qui est compétente pour connaître des crimes commis par des ressortissants français à l’étranger, y compris dans le cadre du conflit en cours », a déclaré jeudi 21 mars le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Christophe Lemoine.
France : le gouvernement n’exclut pas de juger les français de l’armée israélienne
Celui-ci réagissait à une vidéo, devenue virale sur les réseaux sociaux, montrant des soldats israéliens en train de faire subir des traitements humiliants à un prisonnier palestinien.
Un soldat, hors du champ de la caméra, profère des insultes dans un français parfait et se félicite que le Palestinien soit torturé. La scène s’est déroulée à l’hôpital Al Shiffa de Gaza où l’armée israélienne vient de commettre un autre carnage, tuant une centaine de personnes, dont des membres du personnel soignant.
Un Français servant dans l'armée israélienne filme des Palestiniens capturés à Gaza. Ils sont torturés, insultés et maltraités par les forces israéliennes pic.twitter.com/XYsO8thr8a
— TRT Français (@trtfrancais) March 19, 2024
Le porte-parole du Quai d’Orsay a qualifié la vidéo de « choquante et abjecte » et a évoqué d’éventuelles poursuites judiciaires.
L’auteur des insultes est à l’évidence un des 4.185 Franco-Israéliens qui combattent dans les rangs de l’armée israélienne à Gaza. Il a même fini par être formellement identifié par le journaliste indépendant Younis Tirawi.
Il s’agit de Samuel O., qui s’est dit, dans une conversation avec le journaliste, « fier d’avoir infligé toute sorte de torture au personnel médical d’al-Shifa ».
Younis Tirawi a partagé sur les réseaux sociaux sa conversation téléphonique avec le soldat qui se dit « très heureux que la vidéo ait été publiée, comme ça vous savez dans le monde entier que lorsqu’on attrape des terroristes, on les torture ».
Thomas Portes a annoncé qu’il saisissait « immédiatement la procureure de la République de Paris pour qu’une enquête soit ouverte pour participation à des crimes de guerre et actes de torture ». Mais le député a retiré sa publication suite à des menaces qui ont visé « une des personnes soupçonnées ».
« C’est à la justice qu’il appartient de déterminer la vérité », écrit-il sur X.
— Thomas Portes (@Portes_Thomas) March 22, 2024
Devant tant d’éléments, le gouvernement français ne pouvait pas rester sans réaction. Mieux, il vient d’ouvrir la porte à une éventuelle série de poursuites judiciaires à l’encontre de ces soldats binationaux qui, en plus d’infliger des supplices aux Palestiniens, « déshonorent la France », comme l’a indiqué le député de La France Insoumise.